Le Devoir

Artistes, de père en fille

Le Festival internatio­nal des arts de la marionnett­e à Saguenay présentera 40 spectacles cette année, dont le très personnel Ainsi passe la chair, de la comédienne Sara Moisan

- MARIE LABRECQUE COLLABORAT­RICE

C’est reparti pour le Festival internatio­nal des arts de la marionnett­e à Saguenay (FIAMS). La 16e édition de l’importante biennale, sa première en contexte pandémique, présentera jusqu’au 1er août 40 spectacles différents, dont 14 créations québécoise­s et un volet internatio­nal virtuel. Parmi les premières mondiales, le FIAMS accueille notamment la nouvelle production de La Tortue noire, compagnie saguenéenn­e ayant à son actif dix créations depuis 2005 (Le petit cercle de craie, Kiwi, L’ogre…)

Avec Ainsi passe la chair, un projet très personnel qu’elle a écrit et interprète elle-même, Sara Moisan part de son rapport à l’oeuvre de son père, le peintre Gatien Moisan, décédé en 2019 d’un cancer au cerveau. La comédienne désirait depuis longtemps travailler avec les matériaux contenus dans son atelier. « Il y a quelque chose de romantique dans les objets avec lesquels un artiste travaille depuis 40-50 ans, explique-t-elle par Zoom. J’avais envie de m’approprier cette matière et de parler de son oeuvre, mais sans être didactique. De m’inspirer de l’ambiance de ses tableaux, qui m’habitent depuis que je suis enfant. »

Ce solo destiné au public adulte est donc un hommage à Gatien Moisan, « une façon de faire connaître ses oeuvres, qui sont magnifique­s », mais aussi une occasion de parler du rapport à l’art. « Je pose beaucoup de questions dans le spectacle sur pourquoi on choisit toute sa vie d’être un artiste. Mon père n’a jamais remis en question son métier. Il a toujours poursuivi, même les années où c’était plus difficile. Il a été aussi beaucoup présent à la maison, c’est lui qui s’occupait de nous. »

Sara Moisan dit recevoir « une forme de réponse », puisqu’elle a puisé plusieurs éléments dans une entrevue enregistré­e dans les années 1990. « Il y a une espèce de dialogue entre mes questionne­ments et sa [vision] à lui de ce que c’est, un artiste. Je pense être très inspirée par sa manière de percevoir le métier d’artiste pas seulement comme un travail, mais vraiment comme une façon de vivre, une façon d’être. Quelque chose qui nous habite complèteme­nt, duquel on ne peut pas se détacher. » Une interrogat­ion sur l’importance de l’art influencée par l’année de pandémie, sur « pourquoi on décide de poursuivre, même quand, tout autour de nous, les gens jugent que ce n’est pas nécessaire­ment essentiel ».

Intimiste

Le court spectacle se présente sous forme d’installati­on visuelle. C’est aussi, ont dit ses premiers spectateur­s à Sara Moisan, comme si on regardait un livre audio. Grâce à un casque d’écoute, le public entend la voix préenregis­trée de l’interprète, tandis qu’il la voit, à travers un grand cadre translucid­e, manipuler la matière, de la peinture, faire du dessin. « Mais les images ne sont pas toujours exactement collées au texte : il y a comme un dialogue entre ce qu’on voit et ce qu’on entend, précise la créatrice. Je travaille aussi avec de petits morceaux de tableaux, qui sont découpés et deviennent une forme de film d’animation en direct. »

L’oeuvre allie donc théâtre de matières, d’objets et projection­s vidéo. Et, brièvement, une petite marionnett­e, représenta­nt « l’alter ego de mon père » et la projection d’une figure récurrente dans ses tableaux, l’homme nu, « qui se met à s’animer et va prendre la parole pour Gatien, à certains moments ».

Ainsi passe la chair est un spectacle intimiste, conçu pour être présenté devant vingt spectateur­s, mais où Sara Moisan s’est assurée de transcende­r la dimension autobiogra­phique pour s’adresser à tous. Ses thèmes ont en effet une résonance universell­e. On y parle notamment de l’attitude sereine de Gatien Moisan face à la mort. « Il l’a acceptée dès le départ et il l’a vécue très bien, donc nous aussi. Alors, le spectacle n’est pas du tout triste. C’est une approche très douce du deuil. » D’autant qu’on y examine l’héritage du peintre après son départ. « Je pense que ses oeuvres et tout ce qu’il a laissé font en sorte qu’il est encore vivant, d’une certaine façon, pour moi. »

Ainsi passe la chair

Texte, conception, mise en scène et interpréta­tion : Sara Moisan. Conseiller dramaturgi­que et direction d’acteur : Christian Ouellet. Au Centre national d’exposition (Mont-Jacob), à Jonquière, les 28 et 29 juillet.

 ??  ?? Avec Ainsi passe
la chair, Sara Moisan part de son rapport à l’oeuvre de son père, le peintre Gatien Moisan. Elle désirait depuis longtemps travailler avec les matériaux contenus dans son atelier. PATRICK-SIMARD
Avec Ainsi passe la chair, Sara Moisan part de son rapport à l’oeuvre de son père, le peintre Gatien Moisan. Elle désirait depuis longtemps travailler avec les matériaux contenus dans son atelier. PATRICK-SIMARD

Newspapers in French

Newspapers from Canada