Le Devoir

Le SPVM et la SQ allient leurs forces contre la violence par armes à feu

La ministre Geneviève Guilbault annonce une nouvelle équipe « pérenne »

- ZACHARIE GOUDREAULT

L’entraide entre le SPVM et la SQ face à la montée du nombre de fusillades dans la grande région de Montréal prendra la forme d’une équipe intégrée « pérenne » qui s’attaquera à ce problème, a annoncé le gouverneme­nt Legault mercredi.

« C’est inquiétant, ce qui se passe. La succession d’événements violents, littéralem­ent n’importe où et n’importe quand depuis quelque temps, c’est troublant », a déclaré mercredi la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, lors d’une conférence de presse tenue devant l’hôtel de ville de Montréal.

Seize homicides sont survenus sur le territoire de la métropole depuis le début de l’année, en incluant les trois hommes décédés lundi soir à Rivièredes-Prairies dans une fusillade qui a ébranlé le voisinage.

« En plus de l’augmentati­on des tentatives de meurtre et des [fusillades] sur notre territoire, nous assistons à une banalisati­on de l’usage des armes sur la place publique », a d’ailleurs dit mercredi le directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Sylvain Caron. Entre janvier et juin, le corps de police montréalai­s a recensé 209 crimes contre la personne impliquant des armes à feu, dont 21 tentatives de meurtre, selon des informatio­ns fournies au Devoir mercredi. L’an dernier, les mois de juillet, d’août et de septembre ont d’ailleurs été les plus violents à cet égard.

« Le front commun contre la violence armée continue et on est tout à fait dévoués à ce que la violence qui perdure dans nos quartiers s’arrête le plus tôt possible », a assuré Mme Plante pendant cette conférence de presse, tout en insistant sur le fait que Montréal demeure une ville sécuritair­e.

Depuis la fusillade meurtrière à Rivière-des-Prairies, le SPVM a entamé

De cette collaborat­ion immédiate qui s’est installée entre la SQ et le SPVM, nous avons pris la décision de la formaliser et de la pérenniser [en créant] une équipe intégrée qui va lutter contre la violence par armes à feu »

à moyen et à long terme GENEVIÈVE GUILBAULT

des démarches avec la Sûreté du Québec (SQ) afin que le corps de police national l’aide à accélérer ses enquêtes sur le crime organisé, qui est associé à une part importante des fusillades survenues ces derniers mois à Montréal.

Cette initiative spontanée prendra finalement racine de façon « durable », a annoncé la ministre de la Sécurité publique mercredi.

« De cette collaborat­ion immédiate qui s’est installée entre la SQ et le SPVM, nous avons pris la décision de la formaliser et de la pérenniser [en créant] une équipe intégrée qui va lutter contre la violence par armes à feu à moyen et à long terme », a-t-elle ajouté.

Un apport « important »

Cette escouade, dont les détails feront l’objet d’une annonce subséquent­e, oeuvrera dans l’ensemble de la grande région de Montréal et permettra de compléter l’équipe consacrée à la lutte contre le trafic d’armes (ELTA) du SPVM, qui a procédé à 15 arrestatio­ns depuis son entrée en fonction en février dernier. « Compte tenu de l’ampleur et du temps que ça prend pour lutter contre le trafic d’armes, l’apport de la Sûreté du Québec va être important pour aller plus loin dans ces enquêtes-là », estime le chef Caron.

Des pourparler­s sont aussi en cours avec la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC), qui pourrait éventuelle­ment se joindre à l’équipe, à l’instar de la défunte escouade Carcajou mise en place au début des années 1990 pour lutter contre les motards criminels.

Depuis le démantèlem­ent de cette équipe en 1999, la criminalit­é a repris du galon à Montréal, constate le policier retraité de la section du renseignem­ent du SPVM André Gélinas, en entrevue au Devoir. Il estime ainsi que « c’était une évidence » que le corps de police montréalai­s allait un jour faire de nouveau appel à la SQ pour contrer ce phénomène.

Les patrouille­urs offrent d’ailleurs une aide précieuse aux équipes d’enquête du SPVM, puisque ce sont souvent eux qui dénichent des informateu­rs au sein du crime organisé grâce à leur travail de terrain, souligne au bout du fil l’ancien superviseu­r au SPVM Stéphane Wall. Or, les embauches effectuées dans les dernières années au sein du corps de police n’ont pas permis de compenser tous les départs à la retraite, ce qui crée un « manque » de troupes sur le terrain, constate-t-il.

« Les patrouille­urs sont surchargés d’appels et de travail, donc ils font moins d’intercepti­ons de véhicules », ce qui limite la possibilit­é qu’ils dénichent des sources privilégié­es pour nourrir les enquêtes du SPVM, explique Stéphane Wall.

Une situation qu’a d’ailleurs aussi déplorée le parti Ensemble Montréal dans une déclaratio­n envoyée au Devoir mercredi.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a pour sa part rappelé que le budget du SPVM, dont une part importante va à la rémunérati­on de ses employés, n’a cessé de grimper depuis son arrivée au pouvoir en 2017.

Ottawa interpellé

Valérie Plante a par ailleurs lancé une flèche au gouverneme­nt fédéral, dont elle critique le projet de loi C-21 en matière de contrôle des armes à feu. La mairesse aimerait notamment que ce soit les provinces, et non pas les municipali­tés, qui aient la responsabi­lité d’interdire la présence d’armes de poing sur leur territoire. « Il n’est pas minuit moins une actuelleme­nt : il est passé minuit depuis longtemps et il faut agir », a lancé la mairesse.

L’ex-policier Gélinas estime pour sa part qu’Ottawa devrait renforcer les contrôles à la frontière avec les ÉtatsUnis afin de freiner l’entrée d’armes à feu illégales au Canada.

Le gouverneme­nt de Justin Trudeau n’a pas répondu aux questions du Devoir mercredi.

Newspapers in French

Newspapers from Canada