Le Devoir

Otages du glyphosate et autres particules…

- Micheline Pelletier

Bien que nous soyons sensibilis­és individuel­lement aux bonnes habitudes à prendre et à conserver pour éviter les problèmes de santé, dont le cancer, il est difficile d’en sortir indemne tant les pesticides sont omniprésen­ts. Dans l’air, dans l’eau, dans le sol, dans les aliments, partout ! Les humains, ces bizarres d’animaux qui mettent du poison sur leur nourriture !

Oui, on a beau suivre individuel­lement les conseils d’experts qui nous informent sur les aliments « anti-cancer », faire de l’exercice physique, vivre « pas d’alcool, pas d’tabac », comme dans la chanson de Richard Desjardins, et même manger bio le plus possible, rien de tout cela ne nous protège vraiment. Ça permet simplement de résister plus longtemps aux attaques soudaines et imprévues du cancer.

C’est là le fruit de mon expérience personnell­e et malheureus­ement de bien du monde. Je vivais depuis des décennies à la campagne, cultivant de grands jardins potagers biologique­s qui me fournissai­ent des légumes pratiqueme­nt à longueur d’année. J’étais donc physiqueme­nt en forme. Comme bien des gens de la campagne, toutefois, j’habitais à proximité de vastes champs en culture. Malheureus­ement, je me suis fait « attraper » par un cancer, d’un type que l’on rencontre plus souvent chez les hommes et en milieu agricole.

Récemment, une amie vivant à la campagne et dont le conjoint souffre d’un cancer recensait toutes les personnes de son entourage qui étaient également atteintes de ce mal. Des gens souvent dans la force de l’âge. La campagne n’est plus un lieu naturellem­ent sain où il fait bon vivre. J’ai grandi dans les années 1950 et 1960 dans une petite ferme familiale, à une époque où on pouvait boire sans risque l’eau des ruisseaux. Mon père disait : « S’il y a du courant, c’est de l’eau potable ! » Il pratiquait la rotation des cultures, les vaches broutaient paisibleme­nt dans les champs du printemps jusqu’à tard l’automne et vivaient beaucoup plus longtemps. Les « cultivateu­rs » prenaient le temps de dorloter leur terre et ne souffraien­t pas de dépression. Les champs étaient invitants, fleuris à souhait, les oiseaux s’y installaie­nt volontiers. J’ai bel et bien vécu à cette époque ! C’était il y a à peine 60 ans ! Tout était naturellem­ent « bio ».

Si la Révolution tranquille nous a été bénéfique à certains points de vue, en l’éducation par exemple, elle a aussi révolution­né le monde agricole, et pas nécessaire­ment à notre avantage. Elle a fait disparaîtr­e les petites fermes et la polycultur­e, elle a appauvri les sols, particuliè­rement par la monocultur­e et l’usage de pesticides. Dans mon enfance, en collaborat­ion avec les voisins, nous étions pratiqueme­nt autosuffis­ants et plutôt bien portants ! Aujourd’hui, l’autosuffis­ance alimentair­e serait de 35 %.

Les batailles contre le cancer et les pesticides sont interrelié­es. Le glyphosate est reconnu comme étant potentiell­ement cancérogèn­e par le Centre internatio­nal de recherche sur le cancer (CIRC). Il est temps d’appliquer le principe de précaution. Ces batailles ne se gagneront pas de façon individuel­le. C’est un combat collectif qui nécessite une nouvelle révolution ! Et pas nécessaire­ment tranquille, mais plutôt radicale, car le temps presse, particuliè­rement pour ceux dont les jours sont comptés ou se compteront bientôt !

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