Pour des églises vivantes au sein de leurs communautés
Retrouvons-leur une place dans la vie sociale des citoyens
À la lecture de la lettre de Julie Favreau intitulée « Pour un nouveau contrat avec nos églises » parue dans Le Devoir du 29 juillet, nous n’avons pu que nous sentir concernés et avoir envie de nous joindre à cette grande discussion sur l’avenir de nos églises. Nous sommes en plein coeur d’un projet majeur de revitalisation d’une église en milieu rural dans le village de Saint-Adrien, en Estrie, aux portes des Bois-Francs et de Chaudière-Appalaches, et souhaitons faire part de notre expérience à titre de témoins privilégiés d’un tel projet dans une petite communauté.
D’abord, permettez-moi cette brève mise en contexte. Je suis à la fois réalisateur, compositeur de musique de film, auteur-compositeur-interprète, chanteur, multi-instrumentiste, producteur, entrepreneur, père, amoureux et fier citoyen de Saint-Adrien depuis 2011. Lorsque l’église du village a été désacralisée et mise en vente, je n’ai pu m’empêcher de m’imaginer tout l’univers des possibles qui venait avec la sauvegarde d’un tel bâtiment, étant convaincu qu’un grand projet collectif devait y voir le jour pour faire revivre ce lieu empreint de la mémoire de ses résidents. Ainsi, avec l’aide de mon acolyte Valléry Rousseau, nous avons mis sur pied la compagnie de développement immobilier à impact Projet 1606 et avons démarré un projet de grande envergure pour faire vivre l’église, le Bureau estrien de l’audiovisuel et du multimédia (BEAM).
L’organisme joue le rôle de bureau du cinéma et de la télévision de l’Estrie et est également un hub créatif en milieu rural. L’intérieur de l’église a été transformé en studio d’enregistrement et de postproduction haut de gamme pour les industries de la musique et du cinéma, en local de coworking avec accès à Internet haute vitesse (oui, c’est un enjeu majeur chez nous !), en salle multifonctionnelle qui peut servir de plateau de tournage ou de salle de spectacle, en bureaux locatifs pour des entreprises de la région, en résidences pour artistes et en salles de montage et de bruitage. Pour résoudre l’inévitable problème de chauffage de l’église, nous avons travaillé avec l’entreprise Projet BTU, spécialisée dans la récupération de chaleur émise par des serveurs de données informatiques, pour convertir notre système de chauffage et présenter une vitrine d’innovation pour cette nouvelle technologie prometteuse.
Ce projet aux visées culturelles, sociales et économiques est en branle seulement depuis quelques années et nous en constatons déjà les retombées sur la vitalité de notre communauté.
Un hub créatif
Grâce à la transformation de l’église, nous voyons surgir des entreprises, des organismes ou des coopératives aux valeurs sociales similaires à celles du BEAM dans notre coeur villageois, notamment l’épicerie zéro déchet en libre-service Le Comptoir St-Vrac, la Coop de solidarité Marché au coeur, le marché public de Saint-Adrien, l’Auberge Incroyable, le centre de santé Odaïna, le jardin pédagogique et de nombreux autres projets en gestation au sein du hub créatif. Nous constatons l’arrivée de nouveaux visages dans la région, attirés par la vitalité et l’originalité de notre milieu de vie. Nous sentons l’intérêt des décideurs et des bailleurs de fonds envers notre modèle hors norme qui bouscule les conventions. Nous sommes la preuve qu’un projet à vocation culturelle et communautaire dans une ancienne église peut mobiliser une communauté et redonner une vie au patrimoine religieux des villages du Québec tout en générant de l’activité économique.
En écho à Mme Favreau, nous souhaitons voir les gouvernements se doter d’un plan de revitalisation des églises afin de faciliter l’émergence de ces projets pour les communautés, particulièrement en milieu rural. Plusieurs défis se dressent devant les porteurs de projets, sur les plans de la désacralisation, de l’entretien du bâtiment, des travaux de rénovation, des assurances, du budget de fonctionnement, et des nombreux autres freins si faciles à actionner devant des projets aux caractéristiques si particulières. La route est parsemée d’embûches, mais les effets sur une communauté, sa culture, son patrimoine bâti sont si grands qu’il importe que l’État accompagne les porteurs de projets autant dans l’élaboration du projet que dans le financement et la pérennité de celui-ci.
Nous croyons fermement que c’est au contact d’une diversité d’expertises et de connaissances que la créativité émerge et que les collectivités s’élèvent, et nous sommes convaincus que chaque localité possède les humains nécessaires pour élaborer le ou les projets qui répondront aux besoins spécifiques de chaque communauté. Il faut que les églises retrouvent leur place dans la vie sociale et communautaire des citoyens, pour éviter que ces trésors architecturaux ne tombent sous le pic des démolisseurs.
Nous sommes la preuve qu’un projet à vocation culturelle et communautaire dans une ancienne église peut mobiliser une communauté et redonner une vie au patrimoine religieux des villages du Québec tout en générant de l’activité économique