Le Devoir

Ces meilleurs athlètes du monde inconnus

- ÉRIC DESROSIERS À TOKYO

Les Canadiens Damian Warner et Pierce LePage ont commencé en lions mercredi, occupant respective­ment le premier et le troisième rang à michemin du concours relativeme­nt peu connu du décathlon, qui vise quand même à déterminer l’athlète le plus complet des Jeux de Tokyo.

Warner est l’un des favoris de la compétitio­n et s’est tout de suite affirmé en égalant son propre record mondial pour un 100 mètres au décathlon (10,12 s), avant d’établir une nouvelle marque olympique au saut en longueur (8,28 mètres). Tant et si bien que, malgré une performanc­e plus décevante au saut en hauteur, Warner menait au terme de la première des deux journées de compétitio­n, fort d’un total de 4722 points, suivi par l’Australien Ashley Moloney (4641 points) et par son compatriot­e canadien Pierce LePage (4529 points).

Médaillé d’argent aux Jeux de Rio et détenteur du record du monde (9126 points) depuis 2018, le Français Kevin Mayer arrive pour le moment au cinquième rang, avec 4340 points.

« Je suis plutôt content, a déclaré Damian Warner en conférence de presse au terme de la journée. Je me trouve dans une excellente position. Il ne me reste plus qu’à me présenter demain et à faire le travail. »

« On pourrait bien se retrouver avec deux Canadiens sur le podium cette année », prévenait l’analyste d’athlétisme Laurent Godbout avant même le début de la compétitio­n. « Damian Warner est le moins connu des meilleurs athlètes canadiens au monde », dit-il. Quant à Pierce LePage, cinquième à ses premiers championna­ts du monde en 2019, c’est « un petit surdoué » de plus de deux mètres de haut qui a été déniché, il y a cinq ans seulement, par un fameux programme de dépistage de talents commandité par une grosse banque canadienne.

Les femmes de l’heptathlon se sont aussi mises en action mercredi. Au terme de quatre épreuves sur sept, c’est Anouk Vetter, des PaysBas, qui était en tête avec 3968 points. À ses premiers Jeux, la Canadienne Georgia Ellenwood, 25 ans, pointait quant à elle à la 15e place, avec 3690 points.

De la Grèce antique à Tokyo

Vous n’aviez jamais entendu parler du décathlon et de l’heptathlon ? Vous n’êtes pas les seuls. « Ce manque de notoriété et de reconnaiss­ance se retrouve même en athlétisme, contrairem­ent à des épreuves glamour comme la course du 100 mètres, ajoute Laurent Godbout. Il faut dire que le couronneme­nt de “l’homme le plus rapide du monde”, c’est plus facile à comprendre et à résumer que le concept de l’athlète le plus complet. »

On raconte que, déjà au VIIe siècle avant notre ère, à Olympie, des athlètes cherchaien­t à déterminer lequel d’entre eux était le plus complet au terme d’un pentathlon comprenant le saut en longueur, le lancer du disque et du javelot, le sprint et la lutte.

Aux Jeux olympiques d’aujourd’hui, cette même quête se poursuit, mais en soumettant les hommes à 10 épreuves d’athlétisme en deux jours et les femmes à sept (le concours féminin comptait cinq épreuves avant 1984). Les concurrent­s gagnent des points en fonction d’une table de référence dans chaque discipline ; le vainqueur est l’athlète qui en accumule le plus.

Damian le bricoleur

Cinquième aux Jeux de Londres en 2012, médaillé de bronze à Rio quatre ans plus tard, Damian Warner, 31 ans, a remporté la première place du décathlon aux championna­ts du monde de mai dernier en enregistra­nt le quatrième pointage de tous les temps (8995 points). Il a battu au passage le record canadien de saut en longueur (8,28 m).

« Ce gars-là n’est pas juste bon partout, il est tellement fort dans certaines épreuves qu’il pourrait se qualifier dans trois ou quatre d’entre elles aux Jeux olympiques », dit un Laurent Godbout émerveillé.

Empêché par les règles sanitaires contre la COVID-19 de s’entraîner à l’Université Western et aux États-Unis comme il en avait l’habitude, l’athlète de London, en Ontario, a trouvé près de chez lui un vieil aréna qu’on a converti en centre d’entraîneme­nt personnel. Dans le bâtiment non chauffé et promis à la démolition depuis des années, on a aménagé tout ce qu’il fallait (ou presque) pour pratiquer les 10 épreuves de son sport, y compris une petite piste de course de 40 mètres de long, un espace pour le saut à la perche, ainsi que des toiles et des filets pour s’exercer aux lancers du poids et du javelot sans tout casser. Le plus dur, disait son entraîneur, était de reproduire les courses du 400 mètres et du 1500 mètres.

Fraternité et compétitiv­ité

Les athlètes du décathlon et de l’heptathlon avaient leur premier jour de compétitio­n mercredi. Dans un stade olympique toujours aussi chaud et vide, on pouvait les voir participer à une épreuve, puis ramasser leurs affaires pour aller à la prochaine. Pour gagner du temps, on avait aménagé deux espaces parallèles de saut en hauteur, de saut en longueur, de lancer du poids… « C’est compliqué d’organiser ce genre de concours et ce n’est pas très populaire. Aussi les athlètes n’ont-ils généraleme­nt pas plus de deux ou trois occasions de compétitio­nner par année », explique Laurent Godbout.

À défaut de spectateur­s pour les encourager et leur donner du rythme lors du saut en longueur, ce sont les autres concurrent­s eux-mêmes qui le font. Quand un athlète rate sa réception et se tord de douleur à côté de la fosse de sable, ce sont aussi ses adversaire­s qui sont les premiers à se porter à son secours.

« Ce qu’il y a de beau dans ce sport, c’est que, comme les athlètes passent tout ce temps ensemble à faire toutes ces épreuves, il y règne une rare et très belle fraternité », dit Laurent Godbout.

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INA FASSBENDER AGENCE FRANCEPRES­SE Warner est l’un des favoris de la compétitio­n. Il a d’ailleurs terminé la première journée des épreuves du décathlon avec le plus haut pointage parmi les athlètes.

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