Le Devoir

Première en or pour Andre De Grasse

Le sprinteur de 26 ans succède au légendaire Usain Bolt sur 200 mètres

- ÉRIC DESROSIERS ET LORI EWING À TOKYO RESPECTIVE­MENT POUR LE DEVOIR ET LA PRESSE CANADIENNE

Le Canadien Andre De Grasse a remporté la finale du 200 mètres aux Jeux de Tokyo mercredi. Cela porte à cinq le total de ses médailles olympiques — la première en or —, avec encore une course à faire au Japon.

Deuxième à Rio derrière celui qui était alors le roi incontesté de la discipline, Usain Bolt, le sprinteur canadien de 26 ans n’a pas raté la chance que lui offrait le départ à la retraite du Jamaïcain. Après avoir connu un meilleur départ qu’à son habitude, il est longtemps resté au coude-à-coude avec ses adversaire­s avant de se détacher dans les 30 derniers mètres et de devancer nettement trois coureurs américains au fil d’arrivée.

Le coureur ontarien a inscrit au passage un nouveau record canadien de 19,62 secondes. L’ont suivi, dans l’ordre, Kenneth Bednarek (19,68 s) et le champion du monde en titre, Noah Lyles (19,74 s). Également de la finale, le Canadien Aaron Brown a pris la sixième place avec un temps de 20,20 secondes, tout juste derrière la jeune sensation américaine de seulement 17 ans, Erriyon Knighton (19,93 s). Ce qui restait encore loin du record olympique (19,30 s) et du record du monde (19,19 s) établis par Usain Bolt.

« Je savais que ce serait une course serrée et elle l’a été. Heureuseme­nt, j’ai eu l’or, a déclaré Andre De Grasse en conférence de presse après l’épreuve. Je me suis probableme­nt plus entraîné cette année pour mon 200 mètres que pour mon 100 mètres, a-t-il ajouté. Je crois que cela a paru dans le niveau d’énergie que j’ai su maintenir depuis le début de la compétitio­n. » Le nouveau champion olympique n’a pas manqué de rappeler que sa route n’avait pas été facile depuis les Jeux de Rio, avec deux blessures qui l’ont successive­ment mis sur la touche en 2016 et en 2018.

Pour sa famille

Quand le Canadien a pris un moment pour songer à ce qui lui a permis de courir plus vite que quiconque au monde, il n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher de laisser couler des larmes.

Quelques instants après sa victoire, De Grasse a paradé avec un drapeau canadien sur la piste. Puis il a rejoint par écran interposé sa famille installée à Jacksonvil­le, en Floride. Il a affiché un large sourire en voyant sa copine Nia Ali et ses enfants. « C’était spécial de les voir, sachant à quel point j’ai travaillé fort… Je suis tellement fier. Ça, c’est pour eux », a dit De Grasse, la voix tremblotan­te. « Oui, j’avais des attentes élevées envers moi-même. Mais je le fais simplement pour ma famille, je le fais pour mes enfants. »

Après avoir franchi la ligne d’arrivée, De Grasse a fléchi les bras et a enchaîné quelques pas de danse. Il s’est laissé choir sur la piste, puis a regardé le ciel. « Mon coeur allait à 100 à l’heure. Je ne crois pas que mon coeur ait battu si vite de toute ma vie. Je croyais que j’allais perdre connaissan­ce pendant une seconde, a-t-il raconté. J’essayais de garder mes émotions à l’intérieur. Toutes les choses à travers lesquelles je suis passé pour en arriver à ce moment. Je voulais tout garder à l’intérieur… Je suis tellement content et fier de moimême d’avoir enfin réussi. J’attendais ce moment. En ce moment… je suis sans mot. »

Une cinquième médaille

Il ne manquait que l’or à la collection de médailles olympiques de De Grasse. Le sprinter avait gagné le bronze au 100 m, plus tôt à Tokyo, ainsi qu’une médaille d’argent et deux de bronze aux Jeux de Rio en 2016. De plus, le natif de Markham avait remporté une médaille d’argent et trois de bronze aux Mondiaux d’athlétisme en 2015 et en 2019.

« Je trouvais toujours que j’arrivais à court en gagnant le bronze ou l’argent, c’est donc très satisfaisa­nt d’avoir l’or. Personne ne pourra m’enlever ça », a déclaré De Grasse.

Il avait montré mardi qu’il n’était pas là pour faire de la figuration en enregistra­nt le meilleur temps des demi-finales, soit 19,73 s. Il avait alors été suivi par l’Américain Kenneth Bednarek (19,83 s) puis, phénomène rare, par trois autres coureurs aux temps identiques, dans un cas au millième de seconde près, soit l’autre Canadien, Aaron Brown (19,982 s), le Libérien d’origine américaine Joseph Fahnbulleh (19,982 s) et l’Américain Noah Lyles (19,983 s).

Le sprinteur ontarien avait commencé ses Jeux olympiques de belle façon, dimanche, en répétant son exploit d’il y a cinq ans de remporter une médaille de bronze à la prestigieu­se épreuve du 100 mètres, tout juste derrière un relativeme­nt inconnu, mais impression­nant, coureur italien, Lamont Marcell Jacobs, et l’Américain Fred Kerley.

Cette première médaille d’or gagnée mercredi au 200 mètres porte ainsi le total de ses médailles olympiques à cinq. Il devient seulement le quatrième athlète canadien à atteindre ce plateau à des Jeux d’été après le coureur Phil Edwards, qui avait eu besoin de trois Jeux pour arriver à ce total lors de l’entre-deux-guerres, la rameuse Lesley Thompson-Willie, qui avait accompli cet exploit au terme de cinq Jeux à partir des années 1980

et, tout récemment, la nageuse de 21 ans Penny Oleksiak, qui a porté son propre total à sept lors de ses deuxièmes Jeux à Tokyo.

Et ce n’est pas fini. Il reste à Andre De Grasse à courir le 4 x 100 mètres, dont les finales masculines et féminines sont prévues vendredi.

Du basketball à l’athlétisme

Le coureur canadien a fait beaucoup de chemin depuis la piste de son école secondaire, où il était surtout reconnu comme un bon espoir au basketball.

L’histoire est maintenant connue : De Grasse avait couru en portant ses shorts de basketball, sans même s’installer dans les blocs de départ, et avait gagné. Ce qui avait attiré l’attention de l’entraîneur d’athlétisme Tony Sharpe.

« Tony me rappelle ça tous les jours, a répondu De Grasse en riant. Nous allons avoir une grande célébratio­n quand je serai de retour à la maison, mais je sais qu’il est fier de moi. Et je veux simplement le remercier de m’avoir donné la piqûre pour ce sport. Tony, je t’apprécie beaucoup, je t’aime ! »

« Je suis extrêmemen­t fier, a déclaré Sharpe mercredi. Réussir ça en sept ou huit ans de compétitio­n internatio­nale, c’est de bon augure pour son avenir — et probableme­nt pour l’avenir du sprint. » D’autant plus que De Grasse a commencé en athlétisme « un peu tard », a-t-il confié.

L’entraîneur espère d’ailleurs que cette victoire encourager­a plus de gens à essayer ce sport dont on parle peu hors des Jeux olympiques. « J’espère que ça va inspirer beaucoup de jeunes Canadiens », a dit celui qui a remporté une médaille de bronze aux Jeux de 1984.

J’essayais de garder mes émotions à l’intérieur. Toutes les choses à travers lesquelles je suis passé pour en arriver à ce moment. Je voulais tout garder à l’intérieur… Je suis tellement content et fier de moi-même d’avoir enfin réussi. J’attendais ce moment. En ce moment… je suis sans mot.

ANDRE DE GRASSE

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BEN STANSALL AGENCE FRANCE-PRESSE En plus de porter à cinq le total de ses médailles olympiques, le coureur ontarien a inscrit un nouveau record canadien de 19,62 secondes.
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Ce reportage a été en partie financé grâce au soutien du Fonds de journalism­e internatio­nal Transat-Le Devoir.

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