Le Devoir

Le nouveau règlement sur les zones inondables critiqué

Il pourrait contrer les efforts de prévention de certaines municipali­tés, déplore la FQM

- ISABELLE PORTER À QUÉBEC

Le nouveau projet de règlement sur les zones inondables du gouverneme­nt Legault pourrait contrer les efforts de prévention de certaines municipali­tés face aux inondation­s, selon la Fédération québécoise des municipali­tés (FQM).

Le ministre de l’Environnem­ent, Benoit Charette, doit comprendre que son projet « créera d’immenses problèmes » aux municipali­tés locales et régionales, plaide la FQM dans un mémoire transmis au Devoir.

Le règlement, publié cet été, risque de « mettre en péril les efforts déployés depuis plusieurs années pour protéger les rives et le littoral », poursuit l’organisme qui représente plus de 1000 municipali­tés et MRC en région.

Celui-ci nuirait, par exemple, aux MRC de Brome-Missisquoi et de la Haute-Yamaska dont les normes sont encore plus strictes que celles proposées par Québec, explique le président de la FQM, Jacques Demers, en entrevue. Selon sa compréhens­ion, le projet de règlement « écrase » complèteme­nt des règlements municipaux plus avancés en matière de végétalisa­tion des berges. « Normalemen­t, les municipali­tés peuvent toujours être plus sévères que la norme, mais là, ce n’est pas ça. »

Jointes par Le Devoir, les MRC en question n’ont toutefois pas pu fournir de détails, leurs experts étant en vacances, a-t-on indiqué.

Le régime qui fait l’objet de doléances vise à remplacer le système des zones d’interventi­ons spéciales (ZIS), territoire­s interdits de constructi­on à la suite des inondation­s de 2017 et 2019.

Il s’agit toutefois d’un règlement transitoir­e en attendant que le gouverneme­nt implante de nouvelles règles permanente­s, prévoit son Plan de protection du territoire face aux inondation­s.

Restrictio­ns au-delà des ZIS

Fait notable, les nouvelles règles touchent des villes qui n’avaient pas été incluses dans les ZIS, soit les zones inondables à risque de crue sur une période de 20-100 ans (« à faible courant » dans le jargon gouverneme­ntal).

Jusqu’à présent, les ZIS n’encadraien­t que les zones à risque sur une période de 0-20 ans et celles inondées en 2017 et 2019. Pas moins de 800 municipali­tés étaient incluses dans les ZIS, mais le ministère n’indique pas combien seront affectées par le nouveau règlement.

GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR

Concrèteme­nt, dans les zones à risque sur 0-20 ans, il ne sera plus possible de construire dans de nouveaux secteurs du périmètre urbain s’ils ne sont pas desservis par un égout et un système d’aqueduc. Une mesure qui fait toutefois grincer quelques dents. « On a beaucoup de périmètres urbains au Québec qui n’ont pas d’aqueduc et d’égouts », s’insurge M. Demers, qui est aussi maire de Sainte-Catherine-de-Hatley, en Estrie. « Ce n’est pas parce que t’as ton propre système [de fosses septiques] que ton système pollue. »

Aux yeux du ministère, ces restrictio­ns sont nécessaire­s pour préserver la perméabili­té des sols, leur capacité à filtrer les précipitat­ions et dès lors, limiter les risques d’inondation­s. « L’ajout de nouvelles constructi­ons modifie […] la dynamique naturelle des milieux hydriques et crée de nombreuses répercussi­ons négatives », écrit-on dans une analyse produite par le ministère de l’Environnem­ent. « Certaines zones qui normalemen­t ne seraient pas inondées pourraient le devenir à cause de nouveaux développem­ents urbains. »

Le règlement prévoit en outre des sanctions de 3000 à 600 000 $ pour les municipali­tés qui contrevien­draient aux nouvelles règles. Une autre mesure vivement dénoncée par la FQM.

Un enjeu de revenus de taxes ?

Le ministère s’attend d’ailleurs à ce que cela cause « une réduction des revenus futurs de taxes foncières des municipali­tés concernées », en limitant leur développem­ent dans certains secteurs. Or, la règlementa­tion « s’avérera néanmoins positive, car elle diminuera le nombre de citoyens exposés à des risques d’inondation et les coûts liés à des interventi­ons lors de sinistres », indique-t-il dans l’analyse citée plus haut.

Les inondation­s de 2019 ont coûté plus de 460 millions au gouverneme­nt du Québec en indemnisat­ions et aides financière­s, signale-t-on au passage.

Questionné sur l’enjeu des revenus de taxes, M. Demers plaide que les préoccupat­ions de ses membres ne sont pas financière­s, mais surtout environnem­entales. « Le nombre de maisons qui se construise­nt dans les villages n’est pas si élevé. La plupart des gens qui se construise­nt ne sont pas dans le périmètre urbain, mais en montagne et au bord des lacs. »

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En 2019, 6000 sinistrés avaient été évacués quand le bris d’une digue avait inondé une partie de Sainte-Marthesur-le-Lac.

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