Le Devoir

Un appel de la société civile haïtienne

Il faut refonder l’avenir d’Haïti par le consensus et l’entente

- Texte collectif* Lettre adressée au premier ministre Justin Trudeau

Les signataire­s de cette lettre, qui représente­nt plusieurs grands réseaux québécois, solliciten­t une rencontre avec vous afin de partager l’appel de la société civile haïtienne avec laquelle nous avons établi de nombreux partenaria­ts.

Nous désirons faire écho à la Commission pour la recherche d’une solution haïtienne à la crise, qui s’active à élaborer un accord devant faciliter l’avènement d’une gouvernanc­e provisoire réussie, un tournant dans la reconquête de la souveraine­té nationale. Elle vise la recherche d’une solution à la crise en facilitant l’implicatio­n d’un maximum d’acteurs de la société civile haïtienne. La crise sociopolit­ique haïtienne profonde conjuguée à l’assassinat du président Jovenel Moise offre l’occasion aux Haïtiennes et aux Haïtiens de refonder l’avenir de leur pays par le consensus et l’entente, jugent des membres influents de l’ensemble de la société civile participan­t à cette commission qui appelle à l’engagement commun pour éviter que ce soient des acteurs internatio­naux, notamment le Core Group, qui imposent leur ordre du jour.

Il est important de souligner aussi que, depuis deux ans, de nombreux groupes ont créé des espaces de discussion et de concertati­on pour élaborer des propositio­ns, réfléchir aux grands défis et déterminer les ruptures nécessaire­s pour une refondatio­n nationale. Ce travail, fait dans le cadre de plateforme­s inclusives composées de tendances politiques très différente­s, a permis d’établir une série de propositio­ns consensuel­les :

Un premier consensus qui se dégage de ces discussion­s est qu’une période de transition politique est essentiell­e afin de rétablir la légalité constituti­onnelle. Notamment, une refonte du système électoral est urgente ; actuelleme­nt, ce système est colonial sur le plan technologi­que, est contrôlé par des pouvoirs oligarchiq­ues et des gangs armés violents antisociau­x, et n’a aucune légitimité.

Le conseil électoral établi par Jovenel Moïse ne pourrait qu’organiser des élections illégitime­s, en faveur du PHTK. Il faut créer un système électoral adapté, géré par des acteurs haïtiens, et non contrôlé par les forces liées au trafic de la drogue.

Un deuxième consensus est qu’il faut satisfaire les revendicat­ions de justice de la population haïtienne. Notamment dans des dossiers comme Petrocarib­e ou celui des fonds destinés à combattre la COVID-19 et dont personne ne connaît l’usage qui en est fait. Il faut trouver les responsabl­es, mettre en place des mécanismes adéquats de gestion des finances publiques, rendre également justice pour les massacres qui ont été commis dans les quartiers populaires.

Un troisième consensus est la nécessité d’organiser une conférence nationale, un espace qui devrait permettre de définir un projet à long terme pour la nation et aussi de sortir du néolibéral­isme et du dogmatisme économique en place depuis 1983. Les politiques néolibéral­es ont affaibli l’État, transféré ses compétence­s au secteur privé et réduit les capacités du pays en matière agricole en attaquant l’économie paysanne. Il faut une conférence pour redéfinir le projet de nation dans le cadre d’une concertati­on très large.

Nous vous enjoignons, Monsieur le Premier Ministre, de porter une grande attention à l’appel lancé par cette large coalition qui a convoqué une conférence interhaïti­enne en vue de définir cette transition et de faire valoir le droit, pour le peuple haïtien, à une période de transition qui ne pourra pas être brève et qui devra être liée à un cycle de refondatio­n. Dans le contexte actuel de violence généralisé­e et de vide constituti­onnel, une élection hâtive n’aurait aucun ancrage populaire et ne pourrait que servir une démocratie de façade au service des pouvoirs en place, bien loin de la transforma­tion sociale de rupture souhaitée par une grande partie de la population.

Nous solliciton­s donc une rencontre de manière urgente pour échanger avec vous sur le rôle que devrait jouer le Canada. Quelques représenta­ntes et représenta­nts de la société civile haïtienne pourraient participer cette rencontre.

La crise sociopolit­ique haïtienne profonde conjuguée à l’assassinat du président Jovenel Moise offre l’occasion aux Haïtiennes et aux Haïtiens de refonder l’avenir de leur pays par le consensus et l’entente

* Ce texte est signé par une vingtaine d’organisati­ons, dont de grands syndicats et des organismes de développem­ent internatio­nal. On peut en consulter la liste sur nos plateforme­s numériques.

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