Le Devoir

Quand les réseaux sociaux se mêlent du sport

Comment les athlètes de haut niveau gèrent-ils la pression et le côté addictif des réseaux sociaux ?

- AMINAH HANNAN

Malgré leurs prouesses et leur talent quasi inhumain, les athlètes olympiques qui illuminent nos écrans ne sont pas invincible­s. En aval des Jeux de Tokyo, ce sera d’ailleurs peut-être leurs moments d’humanité qui marqueront les esprits. La question de la santé mentale aura été au coeur de plusieurs discussion­s. Mais comment les athlètes de haut niveau, qui doivent aussi bien souvent se soucier de leur image publique, gèrent-ils la pression supplément­aire des réseaux sociaux ?

Certains athlètes se débranchen­t totalement avant le grand jour, raconte l’agente Marie-Anik L’Allier. D’autres, comme Meaghan Benfeito, font appel à un intermédia­ire pour alimenter leurs pages publiques tout en gardant la main sur leurs comptes personnels.

« Les médias sociaux, pendant les

Jeux olympiques, c’est vraiment un couteau à double tranchant », affirme sans hésiter Mme L’Allier. « D’un côté, ça peut être très, très grisant, très enivrant d’avoir des commentair­es positifs, des encouragem­ents. D’un autre côté, on peut toujours tomber sur des messages qui nous amènent justement dans une zone qu’on souhaite éviter pendant les Jeux. »

Il y a aussi un aspect financier : « Les médias sociaux sont super importants dans tout ce qui est l’image de l’athlète. Souvent, maintenant, avec les commandita­ires, ils comptent pour beaucoup dans la balance, résume-telle. Le plus d’abonnés tu comptes, le plus grand réseau tu as, mieux c’est pour leur image. »

Pour les athlètes au sommet de leur sport, la pression peut être malsaine, intenable. On l’a vu au début des Jeux avec la gymnaste américaine Simone Biles, pourtant favorite pour se couvrir d’or, qui a déclaré forfait aux épreuves d’équipe pour prioriser sa santé mentale. « J’ai juste l’impression qu’il faut se concentrer sur nous-mêmes en tant qu’humains, pas seulement en tant qu’athlètes. Parce que je me sens comme si nous perdions parfois le contact avec nos sentiments humains », a-t-elle affirmé récemment pour expliquer sa décision.

Et immanquabl­ement, ses admirateur­s et ses détracteur­s se sont immédiatem­ent fait entendre sur les réseaux sociaux.

L’aspect addictif

Ces interactio­ns peuvent parfois être malsaines et nuire à la santé mentale, explique la psychologu­e AndréeAnne Légaré.

Quelques études montrent déjà qu’en règle générale, chez les ados par exemple, plus les gens utilisent les réseaux sociaux, plus ils présentent de symptômes dépressifs, note-t-elle. « Et lorsqu’on parle de célébrités dont les gestes sont scrutés, une grande pression de répondre à toutes les demandes s’ajoute. »

« Ils sont exposés à beaucoup de messages positifs, à beaucoup d’amour, qui vont activer le système de récompense de leur cerveau et leur donner envie de continuer. » Mais l’inverse est aussi vrai, ajoute-t-elle.

La dissonance cognitive causée par le double chapeau d’influenceu­r et d’athlète que portent certains athlètes pose aussi parfois problème, soulève la psychologu­e. « Il y a une différence entre l’image sur les réseaux sociaux et l’image perçue de soi. L’image qui est projetée — une image de marque — devient un idéal et la personnali­té devient morcelée, parce que l’image parfaite n’est pas réelle : dans la vraie vie, on n’est pas parfaits. »

Pour traverser ces épreuves, les athlètes peuvent se tourner vers des spécialist­es comme Mme Légaré. Mais parfois, la seule chose à faire, c’est de faire une pause, comme l’a fait Simone Biles.

J’ai juste l’impression qu’il faut se concentrer sur nousmêmes en tant qu’humains, pas seulement en tant qu’athlètes. Parce que je me sens comme si nous perdions

parfois le contact avec nos sentiments humains.

SIMONE BILES

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