Le Devoir

Trois-Rivières, épicentre de la quatrième vague

- MARIE-EVE COUSINEAU

«Accès interdit ». L’affiche est placardée depuis six jours sur la porte du Roof Top, un bar situé au centre-ville de Trois-Rivières. Et pour cause. L’établissem­ent est le théâtre d’une éclosion majeure de COVID-19 qui a entraîné jusqu’à présent 74 cas. La Santé publique a ordonné la fermeture du bar jusqu’au 16 août en raison du non-respect des mesures sanitaires. En Mauricie, le Roof Top est devenu le symbole de la quatrième vague.

Les médias locaux l’attendaien­t depuis longtemps : le premier bilan du principal foyer d’infection de la Mauricie et du Centre-du-Québec, celui du Roof Top. Il est tombé à 15 h mardi lors d’un point de presse. « À ce jour, 74 cas sont reliés au Roof Top, ce qui comprend à la fois des employés et des clients », a répondu la directrice régionale de santé publique, la Dre Marie-Josée Godi.

Une flambée de cas, a précisé la médecin, qui s’explique en partie par « plusieurs déficience­s » notées au Roof Top, « principale­ment » liées aux mesures sanitaires.

La directrice régionale de santé publique s’attend à ce que ce bilan s’alourdisse. « Il y a des cas qui sont indirects, parce qu’on a aussi constaté une mobilité du personnel [dans le monde de la restaurati­on à Trois-Rivières] et cela a contribué à engendrer

d’autres cas dans d’autres milieux », dit-elle.

Au total, 21 éclosions sont en cours à Trois-Rivières, « principale­ment dans des bars et des restaurant­s », indique la Dre Godi. La menace du variant Delta plane. Des cas ont été enregistré­s, mais le variant britanniqu­e prédomine toujours.

Selon la Santé publique, 95 % des personnes touchées n’étaient pas adéquateme­nt vaccinées, c’est-à-dire qu’elles n’avaient pas obtenu deux doses ou reçu une dose après avoir été infectées par la COVID-19.

« Tu relâches un petit peu »

Au Roof Top, 9 employés, sur les 23, ont été contaminés, selon son propriétai­re, Tommy Boisvert. Le tenancier reconnaît qu’il y a eu « relâchemen­t » dans son bar-terrasse, à partir des séries du Canadien. Le Devoir l’a rencontré lundi à La Brasserie, un restaurant dont il est aussi le propriétai­re et qui est situé un étage en dessous du Roof Top.

Tommy Boisvert admet que ses employés ne signaient plus le formulaire de déclaratio­n de symptômes avant de commencer leur quart de travail. « À un moment donné, on en échappe, ditil. Oui, au début, au mois de mars, on l’avait, ça [les formulaire­s]. À un moment donné, tu entends aux nouvelles que ça vaccine, ça vaccine […]. Tu te dis : on va dans le bon sens. Tu relâches un petit peu. »

En vertu des règles actuelles, le Roof Top peut accueillir un maximum de 53 clients sur sa terrasse et à l’intérieur, ce qui correspond à 50 % de sa capacité. « Un vendredi ou un samedi soir, j’ai pu excéder d’une quarantain­e de personnes », affirme Tommy Boisvert.

Des membres du personnel du Roof Top ont aussi parfois négligé de porter le masque, selon lui. « [C’est arrivé que] les employés sont allés compter [l’argent] à la fin dans une petite salle, sans masque, explique Tommy Boisvert, qui dit avoir été informé de cette situation après coup. Je leur dis [de porter le masque], mais c’est pas tout le temps moi qui ferme. »

Tommy Boisvert souligne que ses employés sont « loin » d’être des complotist­es. Il affirme être doublement vacciné. Père de trois enfants, il est entraîneur de taekwondo dans un programme de sport-études d’une école de la région. « Je suis bien content qu’on ait zéro cas d’hospitalis­ation à ce jour sur les 74 cas », souligne-t-il.

Mesures resserrées

La propagatio­n du virus dans la région a des conséquenc­es. Le Grand Prix de Trois-Rivières, qui débute vendredi, devra mettre en place des mesures sanitaires supplément­aires. Les spectateur­s devront notamment porter le masque lors des courses.

« Dans les gradins réservés, on devait avoir une place entre chaque bulle résidentie­lle, ajoute le directeur général de l’événement, Dominic Fugère, lors d’un point de presse tenu en fin de journée mardi. Maintenant, c’est deux places. » La consommati­on de nourriture y sera aussi interdite.

Marc Benoît, un citoyen trifluvien qui a cosigné une lettre la semaine dernière

réclamant un resserreme­nt des mesures sanitaires lors du Grand Prix, se réjouit de cette décision de la Santé publique. « J’ai le sentiment qu’on a eu raison de communique­r nos inquiétude­s, dit-il. C’est rassurant, étant donné la situation de la pandémie à Trois-Rivières. »

D’autres mesures ont été mises en place la semaine dernière par le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centredu-Québec pour endiguer la propagatio­n du virus. Une clinique mobile de vaccinatio­n et un centre de dépistage temporaire ont été déployés dans la rue des Forges au centre-ville de Trois-Rivières. Selon la Santé publique régionale, 655 doses de vaccin ont été inoculées en trois jours lors de la clinique mobile.

Marc Benoît dit avoir accompagné quelques jeunes jusqu’à l’« autobus » au centre-ville pour qu’ils reçoivent leur première dose. Le même argument les a convaincus, selon lui. « Recevoir une dose de vaccin aujourd’hui au Québec, c’est un privilège, dit-il. C’est une chose à laquelle une autre personne dans le monde n’a pas accès, même si elle le voudrait bien. »

Sébastien Bédard, lui, a reçu lundi sa première dose dans une clinique sans rendez-vous à la Bâtisse industriel­le, à Trois-Rivières. « J’avais vraiment l’intention de me faire vacciner, mais je n’avais pas le temps », dit le cuisinier de 34 ans, croisé à sa sortie de l’édifice. Il abat de nombreuses heures de travail au Nord-Ouest Café, un restaurant situé au centre-ville de Trois-Rivières. L’équipe, explique-t-il, est petite.

C’est pour cette raison que le Café Frida, aussi au centre-ville de Trois-Rivières, a fermé ses portes pendant deux jours cette semaine. Ses employés ont pu se faire vacciner dimanche et récupérer le lundi, en cas d’effets secondaire­s. « J’en ai au moins cinq ou six qui devaient aller chercher leur deuxième dose », dit la copropriét­aire Gabrielle Cossette.

Aucun cas n’a été enregistré au Café Frida. Mais Gabrielle Cossette note un relâchemen­t dans la population. « J’ai l’impression qu’on n’a jamais autant dit [à la clientèle] de mettre son masque en rentrant, dit-elle. Il y en a qui font juste l’oublier. »

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Des masques sont distribués à l’entrée d’une clinique de vaccinatio­n à Trois-Rivières. Au total, 21 éclosions sont en cours dans la ville, « principale­ment dans des bars et des restaurant­s », selon la Santé publique.
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 ?? RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR ?? Une clinique mobile et un centre de dépistage temporaire ont été déployés dans la rue des Forges au centre-ville de Trois-Rivières. Selon la Santé publique régionale, 655 doses de vaccin ont été inoculées en trois jours lors de la clinique mobile.
RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Une clinique mobile et un centre de dépistage temporaire ont été déployés dans la rue des Forges au centre-ville de Trois-Rivières. Selon la Santé publique régionale, 655 doses de vaccin ont été inoculées en trois jours lors de la clinique mobile.

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