Le Devoir

Une collection prestigieu­se qui n’est pas mise en valeur

- André Ricard et Sébastien Ricard Respective­ment écrivain ; comédien et musicien*

Peu de gens connaissen­t le parc de l’Amérique-latine (dans la basse ville de Québec). Uniquement accessible par la piste cyclable qui longe la rivière Saint-Charles, on y entre par hasard pour s’y trouver seul. Et on le découvre avec stupeur dominé par deux statues équestres monumental­es.

Sans ombrage et sans reliefs, découpé géométriqu­ement et planté de drapeaux, on s’y avance pour découvrir, mis en valeur sur leur socle, l’effigie d’une dizaine de personnage­s, penseurs et combattant­s de l’Amérique méridional­e, à l’oeuvre d’émancipati­on du joug colonial. Des bustes, une statue de plain-pied, offerts en témoignage de « vivante amitié et de profonde solidarité entre les peuples de l’Amérique latine et les Québécois », ces « Latins du Nord ».

La plaque signalétiq­ue du parc nous apprend vouloir faire de la réunion de ces acteurs d’une République héroïqueme­nt conquise « un hommage aux peuples de l’Amérique latine ». L’ensemble est sans surprise présidé par les hautes figures de Bolivar et de O’Higgins sur leur monture. Les dernières oeuvres installées proviennen­t de la Caraïbe ; l’une d’elles est à l’effigie de Toussaint Louverture,

le libérateur d’Haïti. La collection recèle en outre un visage féminin, celui de Juana Azurduy de Padilla, cheffe de la guérilla bolivienne… Comment, est-on en droit de se demander, un espace encastré entre des voies de circulatio­n rapide et d’autre part fermé par le palais de justice peut-il décemment recevoir et loger les dons de fraternité de ces pays ?

La Commission de la capitale, associée au ministère des Relations internatio­nales, tâche, paraît-il, à « susciter l’intérêt des gouverneme­nts » en vue d’obtenir d’autres représenta­tions tridimensi­onnelles afin de « compléter le volet commémorat­if du parc ». Ces pays, en regard de la séquestrat­ion des pièces reçues, donneront-ils suite à cette invitation ? Quoi qu’il en soit, l’ensemble déjà constitué, imposant, mériterait une autre existence. Non seulement la capitale ne tire-t-elle pas le prestige attendu d’une pareille adresse au Québec, mais le fait que l’espace dévolu au legs soit bouclé à demeure, que le message de fraternité qu’il porte reste sans écoute, est à la limite offensant à l’endroit des pays donateurs.

Réinstalle­r la collection (en progrès) dans un site vivant et dans une perspectiv­e qui ne soit pas qu’informativ­e implique des moyens, bien entendu. On peut croire que l’investisse­ment en vaut la peine. *Signataire­s qui appuient cette lettre : Biz, écrivain et rappeur

Pascal Bérubé, porte-parole du PQ en matière d’affaires municipale­s Emilia Inés Deffis, Départemen­t de littératur­e, Université Laval Maurice Demers, Départemen­t d’histoire, Université de Sherbrooke Catherine Dorion, députée de Taschereau

Brigitte Haentjens, directrice, Sibyllines Louis Jolicoeur, écrivain et traducteur Laurier Lacroix, historien de l’art Yvan Lamonde, historien, Université McGill

Robert Lepage, directeur, Ex Machina Gilles Pellerin, écrivain et éditeur Rodney Saint-Éloi, poète, éditeur Mémoire d’encrier

Sol Zanetti, député de Jean-Lesage

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