Le Devoir

Deux autres villes afghanes aux mains des talibans

- AGENCE FRANCE-PRESSE À KUNDUZ

Les talibans se sont emparés mardi de deux nouvelles capitales provincial­es afghanes, Farah, dans l’ouest, et Pul-e Khumri, dans le nord, d’où les civils fuyaient en masse devant leur avancée apparemmen­t inéluctabl­e.

« Les talibans sont maintenant dans la ville, ils ont hissé leur drapeau sur la place centrale et au bureau du gouverneur », a dit à l’AFP Mamoor Ahmadzai, un député de la province de Baghlan, dont Pul-e Khumri est la capitale. Après deux heures de combats, les forces de sécurité se sont retirées mardi soir vers une base hors de la ville, a-t-il précisé. « Les talibans ont mis feu à certaines parties de la ville, dont deux restaurant­s », a raconté un officier, qui a combattu les insurgés à Baghlan dimanche.

Au cours de l’après-midi, les insurgés s’étaient déjà emparés de Farah, capitale de la province du même nom. « [Mardi] après-midi, les talibans sont entrés dans la ville après avoir brièvement combattu les forces de sécurité. Ils ont pris le bureau du gouverneur et le quartier général de la police. Les forces de sécurité se sont retirées vers une base de l’armée », a annoncé à l’AFP Shahla Abubar, une conseillèr­e provincial­e. Zabihullah Mujahid, un porte-parole des insurgés, a confirmé la prise des deux villes sur Twitter.

Les talibans, qui avancent à un rythme effréné, contrôlent désormais 8 des 34 capitales provincial­es afghanes, dont 6 des 9 du nord du pays. Depuis vendredi, ils ont pris le contrôle de Zaranj, de Sheberghan (le fief du célèbre chef de guerre Abdul Rashid Dostom), de Kunduz (la grande ville du nord-est du pays), ainsi que de trois autres capitales septentrio­nales, Taloqan, Sar-e-Pul et Aibak.

Ils ont aussi continué à resserrer leur étau autour de Mazar-i-Sharif, la plus grande ville du nord. Si celle-ci venait à tomber à son tour, le gouverneme­nt n’aurait plus aucun contrôle sur l’ensemble de cette région pourtant traditionn­ellement férocement opposée aux

Ils frappent et pillent. S’il y a une jeune fille ou une veuve dans une famille, ils les prennent de force. Nous avons fui pour protéger

notre honneur. RAHIMA

talibans. C’est là qu’ils avaient rencontré l’opposition la plus acharnée lors de leur accession au pouvoir dans les années 1990. L’Alliance du Nord avait trouvé refuge dans le nord-est pour mener la résistance lorsqu’ils dirigeaien­t le pays, entre 1996 et 2001.

Mardi, ils ont attaqué des quartiers à la périphérie immédiate de Mazar-iSharif, que l’Inde a invité ses ressortiss­ants à quitter, mais ils ont été repoussés, selon un journalist­e de l’AFP sur place.

Maigres espoirs de trêve

Alors que les combats font rage dans le nord, mais aussi dans le sud autour de Kandahar et dans Lashkar Gah, deux fiefs historique­s des insurgés, Doha a accueilli mardi une réunion internatio­nale sur l’Afghanista­n.

Le processus de paix entre le gouverneme­nt afghan et les talibans s’est ouvert en septembre dernier au Qatar, dans le cadre de l’accord de paix conclu en février 2020 entre les insurgés et Washington prévoyant le départ total des troupes étrangères d’Afghanista­n. Même si les espoirs sont minces de voir les pourparler­s déboucher sur un résultat concret, l’émissaire américain, Zalmay Khalilzad, a exhorté les talibans « à cesser leur offensive militaire et à négocier un accord politique ».

Mais l’administra­tion du président Joe Biden n’a aucunement l’intention de changer de ligne. Elle maintiendr­a son soutien à Kaboul, mais c’est aux Afghans de prendre leur destin en main. « C’est leur pays qu’il s’agit de défendre. C’est leur combat », a souligné lundi le porteparol­e du Pentagone, John Kirby.

Les violences ont poussé des dizaines de milliers de civils à fuir leur foyer dans tout le pays, les talibans étant accusés de nombreuses atrocités dans les endroits tout juste passés sous leur coupe. « Ils frappent et pillent », a déclaré Rahima, une femme qui campe avec des centaines de personnes dans un parc de Kaboul après avoir fui la province de Sheberghan. « S’il y a une jeune fille ou une veuve dans une famille, ils les prennent de force. Nous avons fui pour protéger notre honneur », a-t-elle ajouté.

Quelque 359 000 personnes ont été déplacées en Afghanista­n à cause des combats depuis le début de l’année, a indiqué l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations (OIM).

Mardi, le calme était revenu dans le centre de Kunduz, selon des habitants interrogés par l’AFP. Les affronteme­nts se poursuivai­ent toutefois aux abords de l’aéroport resté aux mains des forces gouverneme­ntales.

« Les gens ouvrent leur magasin et leur commerce. Mais vous pouvez encore voir la peur dans leurs yeux. […] Les combats peuvent reprendre en ville à tout moment », a déclaré Habibullah, un commerçant.

En un mois, au moins 183 civils ont été tués et 1181 blessés, dont des enfants, dans les villes de Lashkar Gah, Kandahar, Hérat (ouest) et Kunduz, a indiqué mardi l’ONU, en précisant bien qu’il ne s’agissait là que des victimes qui avaient pu être documentée­s.

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RAHMAT GUL ASSOCIATED PRESS Des civils afghans qui ont fui leur foyer se sont réfugiés dans un parc public de Kaboul mardi.

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