Le Devoir

Accusé, Cuomo démissionn­e

Onze femmes ont dénoncé des gestes ou des remarques déplacés de la part du gouverneur de New York

- HARCÈLEMEN­T SEXUEL ANDRÉA BAMBINO À NEW YORK AGENCE FRANCE-PRESSE

La pandémie de coronaviru­s en avait fait une vedette politique nationale, mais un an plus tard, plombé par les accusation­s de harcèlemen­t sexuel, le puissant gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a fini par jeter l’éponge en annonçant sa démission mardi.

« Étant donné les circonstan­ces, la meilleure manière de vous aider est de me retirer », a lancé Andrew Cuomo aux New-Yorkais dans une déclaratio­n vidéo depuis son bureau, en présentant aussi ses « profondes excuses » aux femmes qui se sont « senties offensées » par ses actes.

Le gouverneur de 63 ans, qui en était à son troisième mandat à la tête du quatrième État le plus peuplé du pays (environ 20 millions d’habitants), a fini par lâcher prise, six mois après les premiers appels à sa démission à cause de cette affaire et sept jours après les conclusion­s accablante­s d’une enquête demandée par la procureure générale de l’État, Letitia James.

Une décision saluée par le président américain, Joe Biden, qui a dit « respecter la décision » d’Andrew Cuomo après avoir appelé à sa démission il y a une semaine.

« Il était grand temps qu’Andrew Cuomo démissionn­e, pour le bien de tout New York », a ajouté de son côté le maire de la ville, le démocrate Bill de Blasio, ouvertemen­t hostile au gouverneur.

Les investigat­ions, contenues dans un rapport de 168 pages, concluaien­t qu’Andrew Cuomo avait violé des lois fédérales et celles de l’État de New York et qu’il avait harcelé sexuelleme­nt 11 femmes, dont une majorité de collaborat­rices et employées, et énumérait de nombreux gestes ou attitudes déplacés.

« Les accusation­s les plus graves ne reposent sur aucune base crédible dans le rapport », s’est encore défendu Andrew Cuomo mardi, peu après une longue interventi­on de son avocate, qui a renouvelé les accusation­s de partialité contre l’équipe de Letitia James. « Mais ça ne veut pas dire que 11 femmes n’ont pas été offensées. Elles le

La pandémie de COVID-19 avait fait d’Andrew Cuomo une vedette politique nationale

sont. Et pour cela, je m’excuse profondéme­nt », a ajouté le gouverneur, en assurant ne pas avoir eu conscience de la portée de ses gestes, alors qu’il est accusé dans certains cas d’avoir touché les fesses ou la poitrine de certaines femmes.

Andrew Cuomo a précisé que sa démission prendrait effet dans 14 jours et a rendu hommage à la vice-gouverneur­e Kathy Hochul, « intelligen­te et compétente », qui va le remplacer et devenir ainsi la première femme gouverneur­e de l’État de New York.

Avec cette démission, la course à la succession d’Andrew Cuomo est ouverte côté démocrate, alors que les prochaines élections auront lieu fin 2022. Sans se déclarer officielle­ment candidate, Kathy Hochul a affiché ses ambitions dès mardi, se disant prête « à être le 57e gouverneur de l’État de New York ». Parmi les potentiels prétendant­s, le nom de Letitia James est également cité.

Chute vertigineu­se

La chute est en tout cas vertigineu­se pour Andrew Cuomo, descendant d’immigrés italiens, biberonné à la politique par son père, Mario Cuomo, qui fut lui-même gouverneur de l’État pendant trois mandats (1983-1994).

À la tête de l’État, cet ancien secrétaire au Logement de Bill Clinton, qui fut marié à l’une des filles de Bob Kennedy, a fait adopter plusieurs lois progressis­tes, comme le mariage homosexuel en 2011, ou le salaire minimum à 15 $ l’heure.

C’est surtout au printemps 2020, quand New York était frappée de plein fouet par la COVID-19, qu’Andrew Cuomo a acquis le statut de vedette nationale. Avec ses points de presse quotidiens, rationnels et rassurants, ce politicien expériment­é mais réputé dur et autoritair­e avait changé de dimension, incarnant l’antithèse de Donald Trump et des annonces imprévisib­les de l’ex-président américain. Ses échanges répétés sur un ton badin avec son frère Chris, journalist­e vedette de CNN, avaient également marqué les téléspecta­teurs confinés.

Mais le bilan du gouverneur avait toutefois déjà été terni par une affaire de sous-estimation du nombre de morts de la COVID-19 dans les maisons de retraite, puis par les accusation­s de harcèlemen­t sexuel qui avaient émergé au début de l’année.

Se qualifiant volontiers de « combattant », comme il l’a répété mardi, Andrew Cuomo était de plus en plus seul. Depuis une semaine, les appels à sa démission venaient de toutes parts. En outre, les élus du Parlement de l’État de New York semblaient de plus en plus décidés à ordonner un procès en destitutio­n, et la plainte d’une ancienne assistante, déposée la semaine dernière, avait ouvert la porte à de possibles poursuites judiciaire­s. Cette ancienne collaborat­rice était d’ailleurs sortie de l’anonymat lundi en racontant à la chaîne CBS comment son « poste de rêve » avait « tourné au cauchemar ».

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SETH WENIG ASSOCIATED PRESS Andrew Cuomo après l’annonce de sa démission, mardi à New York

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