Le Devoir

Le village de Kitcisakik aura finalement accès à Hydro-Québec

- JESSICA NADEAU À KITCISAKIK

« Vous avez été patients. Trop patients. » Ces mots, ce sont ceux de la p.-d.g. d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, qui s’adressait à la communauté de Kitcisakik lundi pour lui annoncer que son village, situé à une heure de Val-d’Or, serait finalement relié au réseau électrique d’ici 2025.

À ses côtés, pour le lancement officiel du projet Animik Ickote, qui signifie « électricit­é » (une contractio­n des mots foudre et feu en anichinabé), le chef du Conseil des Anicinapek de Kitcisakik, Régis Pénosway, a lui aussi tenu à remercier ses membres pour leur patience et leur résilience, eux qui vivent sans eau ni électricit­é depuis toutes ces années.

« Ce dossier était prioritair­e depuis des décennies pour le conseil », a-t-il rappelé, précisant que ce projet « marquera l’histoire de la communauté ».

Dès cet été, Hydro-Québec procédera à des études techniques et environnem­entales. Un comité sera formé avec les résidents de Kitcisakik pour assurer la réussite du projet. « Nous allons amener l’expertise technique, mais vous avez l’expertise de votre terrain », a précisé Mme Brochu.

Le projet, évalué à plus de 20 millions de dollars, consiste à construire une ligne électrique à partir du poste de Louvicourt, tout près de Val-d’Or, jusqu’au village situé à environ 70 kilomètres au sud, dans le parc de La Vérendrye.

De son côté, le Secrétaria­t aux affaires autochtone­s du Québec « soutiendra les membres de la communauté de Kitcisakik dans l’adaptation de leurs résidences au nouveau réseau électrique ».

Un projet de société

À la suite de la conférence de presse, qui se tenait à Val-d’Or, de nombreux dignitaire­s se sont rendus à Kitcisakik. Le ministre responsabl­e des Affaires autochtone­s, Ian Lafrenière, en était à sa cinquième visite, mais c’était une première pour la p.-d.g. d’Hydro-Québec. « Je trouve ça émouvant, a-t-elle affirmé. Il y a beaucoup d’enfants. Ça donne encore plus de sens à ce qu’on est en train de faire. Pour moi, ce n’est pas un projet d’énergie ou d’électrific­ation ; c’est un projet humaniste, un projet de société. »

Elle s’est dite impression­née par le vice-chef, Alex Emmet Papatie, âgé d’à peine 19 ans, avec qui elle a eu une discussion en chemin. « Il y a un désir de prise en charge. Ils veulent grandir. Ils ne veulent pas quêter, ils veulent juste avoir droit aux mêmes chances que tout le monde. C’est juste ça qu’ils demandent. Et avoir l’électricit­é, c’est pas mal la base. »

Elle se questionne elle-même sur les raisons qui font qu’un tel projet a mis tant de temps à se concrétise­r. « Tu te dis : “comment ça [se fait] que ça a pris tant de temps ?” On peut se morfondre, mais on peut aussi se dire : “OK, on y va”. »

Questionné sur les raisons de ces délais, le ministre Ian Lafrenière a rappelé que, depuis des années, la communauté a le projet de déménager. Il a salué la décision d’Hydro-Québec de ne plus attendre et de prévoir une deuxième phase si jamais la communauté décide de se réinstalle­r ailleurs.

La peur du froid

Dans le village, l’émotion était palpable lundi. « J’aurais envie de pleurer, lance le vice-chef Alex Emmet Papatie. Mes parents disent que leur coeur d’enfant revit. Ça, ça veut dire qu’ils ont attendu des décennies pour avoir l’électricit­é aujourd’hui. »

Pour moi, ce n’est pas un projet d’énergie ou d’électrific­ation ; c’est un

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projet humaniste, un projet de société SOPHIE BROCHU

Mes parents disent que leur coeur d’enfant revit. Ça, ça veut dire qu’ils ont

»

attendu des décennies pour avoir l’électricit­é aujourd’hui.

ALEX EMMET PAPATIE

de son objectif de voir l’ensemble du parc immobilier de la métropole alimenté par des énergies renouvelab­les. Le secteur du bâtiment résidentie­l, commercial et institutio­nnel représente 30 % des émissions de la collectivi­té montréalai­se.

« C’est vraiment un geste déterminan­t pour accélérer la transition écologique », fait valoir en entrevue MarieAndré­e Mauger, la responsabl­e de la transition écologique et de l’environnem­ent au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal.

Le gaz naturel renouvelab­le (GNR) fera partie des énergies considérée­s comme carboneutr­es. Les propriétai­res voulant en utiliser devront s’engager à acheter pendant des années des « blocs » de GNR. Ces blocs sont mélangés à ce qui circule dans l’ensemble du réseau d’Énergir, mais 100 % de leur empreinte carboneutr­e est attribuée à celui qui paie le tarif associé.

Au-delà des grands principes annoncés mardi, un projet de règlement plus détaillé sera présenté l’automne prochain en amont d’une consultati­on publique sur la feuille de route « Vers des bâtiments montréalai­s zéro émission ». Le cabinet de la mairesse Plante espère faire adopter le règlement sur les nouveaux bâtiments dès l’an prochain.

Pour demeurer dans son champ de compétence, la Ville de Montréal ne va pas réglemente­r les systèmes de chauffage, mais bien les rejets polluants libérés dans l’atmosphère, dans ce cas-ci, le CO2. Elle se fonde sur une jurisprude­nce internatio­nale en pleine expansion, car le CO2 n’est pas considéré comme un polluant au sens traditionn­el de son règlement.

Pour les bâtiments existants, l’imposition de seuils de performanc­e augmentant graduellem­ent permettra l’atteinte de la carboneutr­alité en 2040. Les responsabl­es des grands bâtiments devaient déjà divulguer leurs émissions ; dès 2023, ceux des petits bâtiments devront également dire aux autorités municipale­s si le chauffage se fait au gaz naturel ou au mazout.

Moyens variés

La Ville encourager­a le recours à différente­s stratégies pour décarboner le parc immobilier de la manière la plus efficace possible : l’aménagemen­t de réseaux thermiques urbains dans les nouveaux quartiers, l’utilisatio­n de thermopomp­es à air, la géothermie, le stockage d’énergie, etc. Les compensati­ons carbone ne seront pas admises pour annuler les émissions d’un bâtiment.

La Ville recourra également aux services d’accompagne­ment d’HydroQuébe­c, notamment pour rendre « zéro émission » son propre parc immobilier d’ici 2030. La société d’État posera d’abord un diagnostic sur les bâtiments appartenan­t à la Ville, avant de proposer des « outils » pour l’aider à décarboner ses immeubles et à améliorer leur efficacité énergétiqu­e.

« On veut remplacer les systèmes qui fonctionne­nt à 100 % aux combustibl­es fossiles et les électrifie­r, explique le porte-parole d’Hydro-Québec Maxence Huard-Lefebvre. Dans certains cas, des systèmes de biénergie avec du gaz naturel seront utilisés pour diminuer la consommati­on lors des pointes de demande. »

Le cabinet de la mairesse Plante précise que, dans les bâtiments municipaux dont les équipement­s de chauffage au gaz sont encore en début de vie utile, des thermopomp­es électrique­s seront installées en parallèle. Les deux systèmes fonctionne­ront en formule biénergie, avec une nette prépondéra­nce de l’électricit­é. D’ici 2030, seulement du GNR sera utilisé dans ces systèmes.

L’initiative de Montréal s’inscrit dans un contexte plus large. Après des dizaines de villes nord-américaine­s, dont New York, San Francisco et Vancouver, de nombreuses municipali­tés du Québec songent à interdire le gaz naturel dans les nouvelles constructi­ons de leur territoire, apprenait Le Devoir la semaine dernière.

C’est vraiment un geste déterminan­t pour accélérer la transition écologique

MARIE-ANDRÉE MAUGER

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