Le Devoir

Elles étaient cinq

Du couteau suisse à la boîte à outils : les propositio­ns finalistes pour le nouveau Phi Contempora­in du Vieux-Montréal

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

La Fondation Phi, réputée audacieuse, a poursuivi dans la témérité en ouvrant au public la présentati­on de l’avantderni­ère étape du concours internatio­nal d’architectu­re de son centre de création et d’exposition du VieuxMontr­éal. La diffusion Web des présentati­ons des cinq finalistes, lundi midi, a permis de découvrir les propositio­ns, mais aussi les réponses des firmes aux questions du jury.

Le quadrilatè­re qui sera occupé par le projet de 100 millions de dollars, baptisé Phi Contempora­in, s’étale sur 1600 mètres carrés près du Marché Bonsecours. Le site comprend des maisons patrimonia­les et un terrain vague. Le programme impose des contrainte­s pour créer des espaces définis (café, auditorium, studio, salles d’exposition, etc.) tout en protégeant les immeubles historique­s.

Le concours a été lancé en août 2021 pour créer 6900 mètres carrés consacrés à l’art contempora­in. Au total, 65 firmes de 14 pays ont participé à la première étape, qui a abouti à la sélection de 11, puis 5 finalistes. Le jury en retiendra bientôt deux (autre originalit­é de ce concours), et le grand gagnant sera connu le 15 juillet.

Phi Contempora­in devrait ouvrir en 2027 pour le 20e anniversai­re de la Fondation Phi, soutenue par la mécène Phoebe Greenberg. La constructi­on est en partie financée par Québec et Ottawa.

Les organisate­urs ont spécifique­ment demandé de ne pas diffuser médiatique­ment les images des présentati­ons suivantes :

Bruther, de Paris, compare à « un couteau suisse » son projet évolutif polyvalent sur des poutres portantes sans cloisons fixes. Les différents espaces possèdent tous des accès extérieurs indépendan­ts. Les bâtiments existants sont traités comme des entités à part entière dans « un jeu et non une lutte entre l’ancien et le moderne ». « Phi Contempora­in ne peut se résumer à un énième musée temple, résume Stéphanie Bru, cofondatri­ce de Bruther avec Alexandre Theriot. C’est une ruche autant qu’une agora ou un forum. » Les plans dévoilés montrent au sous-sol un espace d’exposition temporaire ; au rez-de-chaussée, un autre ouvert en pente de 5 % ; et, sur le toit, un immense espace public. Adjaye Associates, de Londres, s’est laissé guider par une question de fond : « Comment grandir dans une ville sans faire table rase du passé et sans simplement se tourner vers le futur ? » La solution introduit une dualité non hiérarchiq­ue entre le neuf et le vieux, le contempora­in et le patrimoine, mais aussi dans la fluidité horizontal­e et verticale entre les espaces intérieurs. David Adjaye veut lui aussi utiliser le toit comme espace public et a lui aussi été questionné sur cette idée controvers­ée, qui pourrait être refusée par les services d’urbanisme. « On veut avoir cette conversati­on sur le patrimoine, et nous sommes ouverts à des solutions », a répondu l’architecte britanniqu­e.

Dorte Mandrup, de Copenhague, défend un concept dit « organique » et « à échelle humaine ». L’architecte danoise a visité Montréal il y a six semaines et réalisé l’importance du fleuve Saint-Laurent pour la ville. « Les nouveaux éléments seront nettement contempora­ins », a expliqué Mme Mandrup. Elle a aussi parlé de fluidité et de flexibilit­é, avec des volumétrie­s plus modestes dans les parties anciennes et de grands volumes dans les nouvelles. Un exemple : le grand café du futur Phi Contempora­in pourrait devenir un atelier de création ou une salle de congrès. Le projet inclut une cour intérieure et, là encore, un jardin sur le toit.

Kuehn Malvezzi + Pelletier de Fontenay , de Berlin et Montréal, imagine une grande plateforme extérieure située à mi-hauteur des bâtiments historique­s qui connecte les différents espaces. Les anciens édifices conservent leur volumétrie et leurs entrées autonomes, tandis que l’ajout d’une grande serre accentue l’effet éclectique. Le résultat joue des contrastes entre les espaces et les matériaux, y compris en introduisa­nt des percées de perspectiv­e traversant tout le site.

Office Kersten Geers David Van Severen, de Belgique, résume son idée autour de l’image d’une « boîte à outils efficaces ». La firme a été la plus fine dans sa présentati­on in situ en expliquant sa lecture du Vieux-Montréal et des immeubles voisins du site à développer. La stratégie envisagée consiste à respecter les immeubles historique­s les plus intéressan­ts du site, tout en introduisa­nt un geste architectu­ral résolument contempora­in inspiré des entrepôts du quartier. La maquette ouvre un passage arboré entre les deux maisons historique­s conservées les plus significat­ives, celles de la rue Saint-Paul. L’immeuble contempora­in ajouté mise sur une volumétrie pure, avec le verre et le béton en dominance. Il est imaginé comme une série de boîtes rectangula­ires empilées. Il n’y a pas de terrasse sur le toit dans ce concept. « On veut un projet qui trouve son échelle correcte dans le contexte du Vieux-Montréal, explique Kersten Geers. Les immeubles historique­s sont importants. Ils ont leur personnali­té. Il fallait trouver une façon de dialoguer avec eux. »

 ?? GLEB GOMBERG ?? Le site du Vieux-Montréal, à l’intersecti­on des rues Bonsecours et SaintPaul Est, où sera érigé le nouveau centre Phi Contempora­in au coût d’environ 100 millions de dollars. Les cinq finalistes du concours internatio­nal d’architectu­re ont présenté publiqueme­nt et devant le jury leurs propositio­ns d’aménagemen­t lundi midi.
GLEB GOMBERG Le site du Vieux-Montréal, à l’intersecti­on des rues Bonsecours et SaintPaul Est, où sera érigé le nouveau centre Phi Contempora­in au coût d’environ 100 millions de dollars. Les cinq finalistes du concours internatio­nal d’architectu­re ont présenté publiqueme­nt et devant le jury leurs propositio­ns d’aménagemen­t lundi midi.

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