Elles étaient cinq
Du couteau suisse à la boîte à outils : les propositions finalistes pour le nouveau Phi Contemporain du Vieux-Montréal
La Fondation Phi, réputée audacieuse, a poursuivi dans la témérité en ouvrant au public la présentation de l’avantdernière étape du concours international d’architecture de son centre de création et d’exposition du VieuxMontréal. La diffusion Web des présentations des cinq finalistes, lundi midi, a permis de découvrir les propositions, mais aussi les réponses des firmes aux questions du jury.
Le quadrilatère qui sera occupé par le projet de 100 millions de dollars, baptisé Phi Contemporain, s’étale sur 1600 mètres carrés près du Marché Bonsecours. Le site comprend des maisons patrimoniales et un terrain vague. Le programme impose des contraintes pour créer des espaces définis (café, auditorium, studio, salles d’exposition, etc.) tout en protégeant les immeubles historiques.
Le concours a été lancé en août 2021 pour créer 6900 mètres carrés consacrés à l’art contemporain. Au total, 65 firmes de 14 pays ont participé à la première étape, qui a abouti à la sélection de 11, puis 5 finalistes. Le jury en retiendra bientôt deux (autre originalité de ce concours), et le grand gagnant sera connu le 15 juillet.
Phi Contemporain devrait ouvrir en 2027 pour le 20e anniversaire de la Fondation Phi, soutenue par la mécène Phoebe Greenberg. La construction est en partie financée par Québec et Ottawa.
Les organisateurs ont spécifiquement demandé de ne pas diffuser médiatiquement les images des présentations suivantes :
Bruther, de Paris, compare à « un couteau suisse » son projet évolutif polyvalent sur des poutres portantes sans cloisons fixes. Les différents espaces possèdent tous des accès extérieurs indépendants. Les bâtiments existants sont traités comme des entités à part entière dans « un jeu et non une lutte entre l’ancien et le moderne ». « Phi Contemporain ne peut se résumer à un énième musée temple, résume Stéphanie Bru, cofondatrice de Bruther avec Alexandre Theriot. C’est une ruche autant qu’une agora ou un forum. » Les plans dévoilés montrent au sous-sol un espace d’exposition temporaire ; au rez-de-chaussée, un autre ouvert en pente de 5 % ; et, sur le toit, un immense espace public. Adjaye Associates, de Londres, s’est laissé guider par une question de fond : « Comment grandir dans une ville sans faire table rase du passé et sans simplement se tourner vers le futur ? » La solution introduit une dualité non hiérarchique entre le neuf et le vieux, le contemporain et le patrimoine, mais aussi dans la fluidité horizontale et verticale entre les espaces intérieurs. David Adjaye veut lui aussi utiliser le toit comme espace public et a lui aussi été questionné sur cette idée controversée, qui pourrait être refusée par les services d’urbanisme. « On veut avoir cette conversation sur le patrimoine, et nous sommes ouverts à des solutions », a répondu l’architecte britannique.
Dorte Mandrup, de Copenhague, défend un concept dit « organique » et « à échelle humaine ». L’architecte danoise a visité Montréal il y a six semaines et réalisé l’importance du fleuve Saint-Laurent pour la ville. « Les nouveaux éléments seront nettement contemporains », a expliqué Mme Mandrup. Elle a aussi parlé de fluidité et de flexibilité, avec des volumétries plus modestes dans les parties anciennes et de grands volumes dans les nouvelles. Un exemple : le grand café du futur Phi Contemporain pourrait devenir un atelier de création ou une salle de congrès. Le projet inclut une cour intérieure et, là encore, un jardin sur le toit.
Kuehn Malvezzi + Pelletier de Fontenay , de Berlin et Montréal, imagine une grande plateforme extérieure située à mi-hauteur des bâtiments historiques qui connecte les différents espaces. Les anciens édifices conservent leur volumétrie et leurs entrées autonomes, tandis que l’ajout d’une grande serre accentue l’effet éclectique. Le résultat joue des contrastes entre les espaces et les matériaux, y compris en introduisant des percées de perspective traversant tout le site.
Office Kersten Geers David Van Severen, de Belgique, résume son idée autour de l’image d’une « boîte à outils efficaces ». La firme a été la plus fine dans sa présentation in situ en expliquant sa lecture du Vieux-Montréal et des immeubles voisins du site à développer. La stratégie envisagée consiste à respecter les immeubles historiques les plus intéressants du site, tout en introduisant un geste architectural résolument contemporain inspiré des entrepôts du quartier. La maquette ouvre un passage arboré entre les deux maisons historiques conservées les plus significatives, celles de la rue Saint-Paul. L’immeuble contemporain ajouté mise sur une volumétrie pure, avec le verre et le béton en dominance. Il est imaginé comme une série de boîtes rectangulaires empilées. Il n’y a pas de terrasse sur le toit dans ce concept. « On veut un projet qui trouve son échelle correcte dans le contexte du Vieux-Montréal, explique Kersten Geers. Les immeubles historiques sont importants. Ils ont leur personnalité. Il fallait trouver une façon de dialoguer avec eux. »