Le Devoir

La quatrième dose part en tournée

Incursion avec l’équipe mobile de vaccinatio­n du CLSC de Lasalle

- MARIE-EVE COUSINEAU LE DEVOIR

Felice Lacovelli s’occupe jour et nuit de son épouse de 71 ans, atteinte du parkinson. Il ne sort pratiqueme­nt jamais de sa résidence. « Sauf pour aller à la fruiterie ou au Canadian Tire ! » précise-t-il. L’ancien entreprene­ur en constructi­on et camionneur de 71 ans a subi une greffe de rein il y a une dizaine d’années. Il prend environ une trentaine de pilules par jour. « Mon médecin m’a appelé et m’a dit : “Dépêche-toi d’aller chercher ta quatrième dose.” »

Felice Lacovelli l’a reçue lundi, attablé dans sa salle à manger. Son épouse, alitée, a été vaccinée dans son lit d’hôpital, installé à côté du sien dans leur chambre à coucher. Depuis la semaine dernière, des infirmière­s du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal se déplacent à domicile pour offrir des deuxièmes doses de rappel à des usagers vulnérable­s (des personnes immunodépr­imées, par exemple) ou incapables de sortir de chez eux.

« Le téléphone sonne beaucoup. J’ai des gens qui rappellent en continu et qui me disent “je veux ma quatrième dose” », dit Mélissa Lampron, une infirmière de l’équipe mobile de vaccinatio­n du CLSC de Lasalle qui travaille en soins à domicile depuis 18 ans.

En ce lundi matin, sa collègue et elle prélèvent de fioles de vaccin les doses nécessaire­s pour la journée. Elles n’ont pas de temps à perdre. Le vaccin contre la COVID-19 se conserve six heures dans une glacière à une températur­e variant entre deux et sept degrés Celsius. « On prépare le nombre exact de seringues », indique Mélissa Lampron.

Les usagers lui font rarement faux bond. « On est très bien accueillis », ajoute-t-elle.

Le Devoir a pu en être témoin. « Assoyez-vous, assoyez-vous ! » lance Felice Lacovelli à ses visiteurs dès leur arrivée. « Je vais faire du café. Voulezvous de l’espresso ? » Mélissa Lampron lui rappelle gentiment qu’on ne peut enlever le masque en raison de la COVID-19. L’homme aux cheveux blancs, qui a du bagou, hausse les épaules. Il dit ne pas avoir peur de la COVID, mais vouloir l’éviter. Et surtout épargner sa femme — avec qui il est marié depuis 45 ans — de cette maladie.

« Même enjeu » pour la quatrième dose

La campagne d’administra­tion de la quatrième dose a commencé à la fin mars dans les CHSLD du Québec. Depuis le 11 avril, la deuxième dose de rappel est offerte aux 60 ans et plus. D’après le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), environ le tiers des gens de cette catégorie d’âge l’ont reçue jusqu’à présent. Chez les 80 à 84 ans, 55 % l’ont déjà obtenue ou ont pris rendez-vous. Ce pourcentag­e est de 47 % chez les 85 ans et plus, indique le MSSS (voir encadré).

Le Comité sur l’immunisati­on du Québec recommande pourtant aux

80 ans et plus vivant en communauté ainsi qu’aux résidents des milieux de vie, tels que les CHSLD et les résidences privées pour aînés, de se prévaloir, sans tarder, de la deuxième dose de rappel.

Selon Daniel Paré, sous-ministre au MSSS et responsabl­e de la vaccinatio­n, la campagne de la quatrième dose fait face au « même enjeu » que celle de la troisième, qui progresse peu. « Il y a plusieurs [personnes âgées] qui ont fait la maladie dans les cinquième et sixième vagues, a-t-il expliqué lors de l’étude des crédits en commission parlementa­ire, jeudi. Et c’est ce qui fait qu’il peut avoir un retard dans la vaccinatio­n. »

Des publicités seront diffusées prochainem­ent afin de rappeler aux Québécois

qu’ils peuvent recevoir une troisième dose ou une quatrième dose trois mois après une infection au coronaviru­s, a ajouté le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, en commission parlementa­ire.

Johanne Ladouceur, elle, a échappé à la COVID-19. Elle a contacté Mélissa Lampron, qui lui a déjà donné des soins à domicile, afin d’obtenir sa quatrième dose. Fruit du hasard, c’est la même infirmière qui lui administre le vaccin chez elle, lundi, après lui avoir posé une série de questions.

La Montréalai­se de 69 ans ne bronche pas lors de l’injection. En plus de problèmes pulmonaire­s, elle souffre d’arthrose. Ses douleurs aux jambes sont si intenses qu’il lui est désormais impossible de descendre et de monter les dix marches intérieure­s menant à son appartemen­t. Pour sentir la brise du vent et la chaleur du soleil, elle ouvre sa porte-patio, qui donne sur une cour d’école.

« Je reste toujours à la maison, dit Johanne Ladouceur, assise à sa table de cuisine devant un ordinateur portable avec lequel elle joue à des jeux. Mon mari fait les commission­s. »

Son époux fait tout pour éviter la COVID-19 lorsqu’il va à l’épicerie ou en magasin. « Même s’ils disent qu’ils enlèvent le masque, mon mari va le garder parce qu’il dit qu’il ne prend pas de risque, souligne Johanne Ladouceur. Il ne veut pas me donner la COVID. » Johanne Ladouceur affirme ne pas craindre la maladie, mais la quatrième dose la rassure. Et elle n’hésitera pas à tendre le bras une cinquième fois, s’il le faut.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Mélissa Lampron, infirmière du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Îlede-Montréal, vaccine Esterina Desantis sous l’oeil observateu­r de son mari, Felice Lacovelli.
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