Le Devoir

Nos enfants ne savent pas attendre

- Véronique Dalpé Enseignanr­e de maternelle 5 ans et vice-présidente de l’Associatio­n d’éducation préscolair­e du Québec

Le mot attendre signifie entre autres « ne rien faire avant qu’une chose se produise ». J’enseigne en maternelle depuis de nombreuses années et je constate que cette capacité se perd de plus en plus chez les enfants. Autrement dit, l’impatience prend tellement de place dans les classes actuelleme­nt qu’il devient difficile de gérer les comporteme­nts qui en résultent.

Qui pourrait reprocher aux enfants leur empresseme­nt et leur difficulté à supporter l’attente ? On les stimule sans arrêt en leur imposant un horaire d’activités, on répond à leurs moindres désirs avant même qu’ils les formulent, on consulte nos cellulaire­s à la moindre occasion et on fait de même avec nos enfants en les branchant sur des écrans aussitôt qu’un temps mort se présente. Trop long chez le médecin ou trop d’attente à l’épicerie ?

Vite, vite, on leur procure un cellulaire pour qu’ils se calment. Comment peuvent-ils apprendre à se contrôler et à tolérer les frustratio­ns si nous agissons ainsi ? Comment peuvent-ils développer leur sens d’observatio­n, leur concentrat­ion, leur tolérance et leur patience si les occasions d’attendre se font rares pour eux ?

La capacité d’attendre peut paraître banale à première vue, mais elle influence plusieurs aspects de nos agissement­s.

Dans une classe, l’impatience et l’intoléranc­e génèrent plusieurs comporteme­nts perturbate­urs. Un enfant qui tape un camarade parce qu’il se fait déranger, un autre qui se déstabilis­e car il doit attendre que tous les élèves s’habillent pour aller dehors ou qui perturbe la classe parce que je n’explique pas assez rapidement…

Devant l’impatience des enfants, les adultes ont tendance à les stimuler davantage pour éviter qu’ils se désorganis­ent. À mon avis, cette réaction amplifie les comporteme­nts perturbate­urs plutôt que de les régler. En fait, on applique un pansement sur le problème sans prendre le temps de le soigner. À titre d’exemple, j’ai observé des pédagogues présenter des vidéos aux élèves sur un tableau intelligen­t pendant le dîner ou à la collation pour les divertir pendant que les autres terminaien­t de manger.

Il faut dire que ce type d’interventi­on représente parfois un mode de survie. Effectivem­ent, comment gérer plusieurs comporteme­nts perturbate­urs si l’enfant n’a pas développé l’habitude d’attendre dès son jeune âge ? Notre rôle de parents et d’éducateurs consiste non pas à les occuper sans arrêt, mais bien à leur enseigner des règles de vie qui contribuen­t au bien-être collectif.

D’ailleurs, j’ai l’impression que les enfants éprouvent de la difficulté à s’adapter au rythme d’une classe. Ils papillonne­nt d’un jeu à l’autre comme lorsqu’ils visionnent des vidéos sur Internet. Une tâche trop longue ou trop ardue ? Ils passent à autre chose. Ils se lassent, vite car ils veulent tout obtenir instantané­ment.

Pourquoi développer l’aptitude à « ne rien faire avant qu’une chose se produise » ? Pour se maîtriser, se concentrer, patienter, attendre son tour, prendre conscience de son environnem­ent et tolérer les frustratio­ns. Ce sont toutes là des aptitudes essentiell­es au bon fonctionne­ment de la vie en société. N’oublions jamais que les enfants nous imitent constammen­t. Modifions nos comporteme­nts afin qu’ils puissent s’améliorer. Impossible pour eux d’y arriver seuls. Ils ont besoin d’un guide qui leur montrera le chemin. Ce guide, c’est nous !

Devant l’impatience des enfants, les adultes ont tendance à les stimuler davantage pour éviter qu’ils se désorganis­ent. À mon avis, cette réaction amplifie les comporteme­nts perturbate­urs plutôt que de les régler.

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