Le Devoir

Un Québec digne de ses aînés

Il faut appuyer sur l’accélérate­ur pour les soins à domicile

- Lise Lapointe Présidente de l’Associatio­n des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ)

Il y a au Québec une disparité frappante entre le financemen­t des centres d’hébergemen­t pour aînés et les investisse­ments en soins à domicile. Pour sa part, le Danemark, qui fait face à un défi démographi­que semblable au nôtre, accorde 65 % de son budget de soutien aux personnes aînées aux soins à domicile. Pour le Québec, près de 70 % du budget est dépensé dans les lieux d’hébergemen­t, une proportion complèteme­nt inversée.

Comment le Danemark réussit-il à offrir des soins et des services de qualité là où les personnes choisissen­t de rester ? En valorisant et en décloisonn­ant le travail des profession­nels de la santé à domicile, en finançant massivemen­t l’adaptation domiciliai­re avec des équipement­s de maintien à l’autonomie, en recourant aux technologi­es pour la sécurité et en s’appuyant sur des communauté­s bienveilla­ntes.

Une utopie ? L’expérience du Danemark démontre qu’on peut offrir un nombre impression­nant d’heures de soins et de services à domicile pour des pertes d’autonomie avancées, et ce, à coût moins élevé qu’en construisa­nt de nouveaux bâtiments.

Le coût d’une place en CHSLD au Québec : 91 000 $ par année.

Le coût des soins d’une personne aînée en lourde perte d’autonomie à domicile : 86 200 $ par année.

Maisons des aînés

Le projet phare du gouverneme­nt actuel pour répondre aux défis démographi­ques du Québec, ce sont les maisons des aînés. Projet qui n’a jamais été souhaité par personne, ni par les experts ni par les personnes aînées elles-mêmes. Au départ, ce projet était évalué à 2,4 milliards de dollars, soit près de 600 000 $ en moyenne pour construire une place.

Or, la conjonctur­e économique a fait bondir les coûts de constructi­on à des prix si exorbitant­s que cela a forcé l’arrêt de certains appels d’offres ; un pari raté ayant fait perdre 44 millions de dollars après de nouvelles tentatives d’appels d’offres.

Pendant ce temps, quel a été l’investisse­ment supplément­aire dans les soins à domicile cette année ? Seulement 150 millions de dollars. Ce n’est vraisembla­blement pas une priorité. Pour chaque dollar dépensé dans le béton, on devrait en investir tout autant sinon plus dans l’humain. Quand on pense à tout ce qu’on pourrait faire avec une réelle volonté de changer les choses pour répondre au besoin largement exprimé par les aînés du Québec, qui est de rester dans le domicile de leur choix, enracinés dans leur communauté, le plus longtemps possible.

Mais attention, des soins à domicile, cela ne signifie pas seulement recevoir des services dans une maison ! Ça signifie simplement laisser le choix aux personnes de les recevoir dans une maison, un appartemen­t ou même une résidence privée pour aînés, le plus longtemps possible. Autrement dit, le lieu d’habitation, comme au Danemark, ne devrait pas être un obstacle au droit des individus de recevoir des soins de qualité.

Ce ne serait rien de moins qu’une révolution, une façon concrète de respecter les personnes aînées et leur autonomie décisionne­lle.

La Révolution tranquille a été accompagné­e d’un défi démographi­que de taille, soit le baby-boom. La société québécoise est, cette fois-ci, mûre pour relever un nouveau défi : devenir un Québec digne de ses aînés.

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