Vers une victoire écrasante de Marcos Junior
Le fils de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos pourrait, avec la majorité absolue, faire réviser la Constitution
Les Philippins ont commencé lundi à voter pour désigner leur prochain président, un scrutin à fort enjeu pour lequel Ferdinand Marcos Junior, fils du défunt dictateur Ferdinand Marcos, est promis par les sondages à une victoire écrasante.
Environ 67 millions de Philippins sont appelés à voter jusqu’à 19 h (11 h GMT) pour ces élections générales, lors desquelles sont également désignés le vice-président ainsi que les députés, la moitié des sénateurs, les 81 gouverneurs de province et d’autres élus locaux. Les analystes prédisent une forte participation.
Dix candidats sont en lice pour succéder au président Rodrigo Duterte, et Ferdinand Marcos Jr., largement en tête dans les sondages, semble en passe d’accomplir le retour au pouvoir de la dynastie déchue près de 40 ans après son exil.
Dans une école de Batac, bastion de la famille Marcos, les électeurs faisaient la queue lundi matin, ventilateur portatif à la main pour tromper la chaleur tropicale. Après le passage de chiens renifleurs, ils ont vu arriver M. Marcos Jr., venu avec sa soeur Irene pour voter ; suivis par leur mère, Imelda, veuve du dictateur et matriarche de 92 ans du clan Marcos.
Après six ans de gouvernement autoritaire de Duterte, les militants des droits de la personne, les dirigeants de l’Église catholique et les analystes politiques craignent de voir Marcos Jr. enhardi par une large victoire et diriger le pays avec une poigne encore plus lourde.
« Nous pensons que cela va aggraver la crise des droits de la personne dans le pays », a déclaré Cristina Palabay, secrétaire générale de l’alliance pour les droits de la personne Karapatan.
Une vaste campagne de désinformation pour réhabiliter le régime dictatorial, le système clientéliste et le désenchantement des électeurs à l’égard des récents gouvernements ont alimenté le retour en grâce des Marcos.
Les sondages prédisent une victoire du candidat de 64 ans, surnommé « BongBong », avec largement plus que la moitié des suffrages. Pour gagner ce scrutin à un seul tour, il lui suffirait d’être celui qui obtient le plus de voix.
Les partisans de sa principale rivale, l’actuelle vice-présidente Leni Robredo, espèrent une surprise de dernière minute. Certains analystes estiment que son score pourrait bénéficier d’une éventuelle désaffection des urnes de la part des partisans de Marcos Jr., trop sûrs de la victoire de leur candidat.
Corruption et dynasties familiales
Depuis que Mme Robredo a annoncé sa candidature à la fonction suprême en octobre, des groupes de bénévoles se sont multipliés dans le vaste archipel pour convaincre les électeurs.
L’avocate et économiste de 57 ans avait battu de justesse Marcos Jr. dans la course à la vice-présidence en 2016 (aux Philippines, le président et le vice-président sont élus séparément). Elle a promis de débarrasser la démocratie philippine de la corruption, dans un
archipel où une poignée de familles ont la mainmise sur le pays.
Marcos Jr. et son alliée candidate à la vice-présidence Sara Duterte, fille du président sortant, se disent les mieux qualifiés pour « unifier » le pays.
Des centaines de milliers de partisans vêtus de rouge ont assisté au dernier rassemblement de Marcos Jr. et Duterte à Manille samedi.
« Nous avons essayé [d’autres dirigeants] et ils étaient encore pires qu’à l’époque des Marcos », a déclaré Josephine Llorca, qui estime que les gouvernements qui se sont succédé après la révolution de 1986 qui a chassé la famille n’ont pas amélioré la vie des pauvres.
« Nous n’avons jamais vu de développement. Si les autres gouvernements avaient réussi, je ne pense pas que nous aurions un BBM », a-t-elle ajouté, en faisant référence aux initiales de « Bongbong » Marcos Jr.
Si les pronostics des sondages se confirment, Marcos Jr. deviendrait le premier candidat à la présidence à être élu avec une majorité absolue depuis le renversement de son père.
Selon l’analyste politique Richard Heydarian, une telle victoire pourrait lui permettre de faire réviser la Constitution pour asseoir son pouvoir et affaiblir la démocratie. « Duterte n’a jamais eu la discipline et les moyens d’aller au bout de son programme autoritaire », a déclaré M. Heydarian. « Cette occasion historique pourrait échoir aux Marcos. »
Parmi les autres candidats à la présidence figurent la légende de la boxe Manny Pacquiao et l’ancien éboueur devenu acteur Francisco Domagoso. Mais seuls Marcos Jr. et Robredo sont considérés comme ayant une chance de gagner.