Washington prévoit une extension du conflit vers la Moldavie
Kiev insiste de son côté sur la nécessité pour sa sécurité d’adhérer à l’Union européenne
Le renseignement américain a dit mardi prévoir une extension du conflit au-delà de l’Ukraine, estimant que le président russe, Vladimir Poutine, veut le porter en Moldavie. Kiev a pour sa part insisté de nouveau sur la nécessité pour sa sécurité d’adhérer à l’Union européenne (UE).
« Nous estimons que le président Poutine se prépare à un conflit prolongé en Ukraine, durant lequel il a encore l’intention d’atteindre des objectifs audelà du Donbass », comme la Transnistrie, région de la Moldavie qui a fait sécession en 1990, a déclaré la cheffe du renseignement américain, Avril Haines.
S’il est « possible » que les Russes réalisent cet objectif dans les mois qui viennent, « ils ne pourront atteindre la Transnistrie et inclure Odessa, au sud de l’Ukraine, sans décréter une forme de mobilisation générale », a ajouté Mme Haines lors d’une audition au Congrès américain. Le président russe « compte probablement sur un affaiblissement de la détermination » des Occidentaux, a-t-elle prévenu.
Estimant que les ambitions de Vladimir Poutine dépassent les capacités de son armée, elle juge « probable » une « trajectoire plus imprévisible et potentiellement une escalade » dans les prochains mois, ainsi qu’une plus grande probabilité de « mesures plus radicales, y compris l’instauration de la loi martiale, la réorientation de la production industrielle ».
« Nous continuons de penser que le président Poutine n’ordonnera l’usage de l’arme nucléaire que s’il perçoit une menace existentielle pour l’État ou le régime russes », a-t-elle noté.
L’adhésion de l’Ukraine à l’UE, dans le contexte de l’invasion du pays par la Russie, est devenue une « question de guerre ou de paix », a estimé le même jour le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, à l’occasion de la première visite dans son pays d’un ministre allemand depuis le début de la guerre, soit celle de son homologue Annalena Baerbock. Selon lui, « l’une des raisons pour lesquelles la guerre a commencé est que Poutine était convaincu que l’Europe n’avait pas besoin de l’Ukraine ».
Le président français, Emmanuel Macron, qui exerce la présidence tournante de l’UE, avait douché lundi les espoirs d’une adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE, affirmant que cette éventualité prendrait « des décennies ». Il a proposé, en attendant, l’accession à un nouvel ensemble, une « communauté politique européenne », susceptible d’accueillir d’autres pays.
Ambassades de retour à Kiev
La ministre allemande a annoncé mardi la réouverture de l’ambassade de l’Allemagne à Kiev, fermée peu après l’invasion russe du 24 février. Sa visite a été l’occasion pour Kiev de saluer le « changement de position » de Berlin vis-à-vis de Moscou ces dernières semaines.
« Je voudrais remercier l’Allemagne d’avoir modifié sa position sur un certain nombre de questions », dont sa « politique traditionnelle à l’égard de la Russie », a déclaré M. Kouleba à Kiev en présence de Mme Baerbock. Kiev était allé jusqu’à refuser mi-avril de recevoir le chef de l’État allemand, Frank-Walter Steinmeier.
La ministre allemande s’est rendue à Boutcha, près de Kiev, où des centaines de civils tués ont été découverts au mois de mars, après l’occupation russe. « Nous devons aux victimes non seulement de faire une commémoration ici, mais aussi de traduire en justice les coupables […] c’est la promesse que nous pouvons et devons faire ici à Boutcha », a-t-elle déclaré.
Le ministre néerlandais Wopke Hoekstra, également présent en Ukraine mardi, a publié sur Twitter avant une rencontre avec Dmytro Kouleba des photos d’Irpin, autre localité proche de Kiev où les Russes auraient massacré des civils en mars, selon les accusations de l’Ukraine. Lui aussi a annoncé la réouverture de son ambassade dans la capitale ukrainienne.
Poursuite des frappes
Sur le terrain, après des frappes sur Odessa qui ont fait au moins un mort et cinq blessés lundi, l’état-major ukrainien a annoncé que les tirs d’artillerie et les frappes aériennes russes se poursuivaient mardi dans l’est du pays et sur l’aciérie d’Azovstal, située à
Marioupol. Selon une haute responsable du gouvernement ukrainien, « plus d’un millier de militaires », dont « des centaines de blessés », se trouvent toujours dans les galeries souterraines de l’immense aciérie, dernière poche de résistance ukrainienne de ce port stratégique du sud du Donbass.
Dans le reste du Donbass, les Russes « continuent de préparer des opérations offensives dans les régions de Lyman et de Severodonetsk », selon l’état-major ukrainien.
Le ministère russe de la Défense a de son côté annoncé la prise de Popasna, ville sise entre Kramatorsk et Louhansk, dans le nord du Donbass, qui donnerait aux forces russes et prorusses la possibilité d’atteindre « la frontière administrative de la République populaire de Louhansk », soit la « frontière » entre la république de Louhansk autoproclamée par des séparatistes prorusses et l’autre territoire séparatiste prorusse, la république autoproclamée de Donetsk.
L’armée russe dit avoir frappé 74 cibles mardi en Ukraine, et repêché en mer Noire trois corps supplémentaires de « militaires des forces spéciales ukrainiennes », ce qui porterait à 27 le total des cadavres repêchés après une tentative de l’Ukraine — un « échec », selon Moscou — de reprendre la stratégique île aux Serpents.
Le porte-parole des gardes-frontières ukrainiens, Andriï Demtchenko, a accusé mardi la Russie d’effectuer quotidiennement des frappes sur les régions de Tchernihivet et de Soumy, dans le nord du pays.
Accord des 27 sur le pétrole
Les négociations se poursuivaient mardi sur le projet d’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe, qui est actuellement bloqué par la Hongrie. Un accord est possible « dans la semaine », a assuré le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune.
« Les hydrocarbures russes ne sont pas une simple marchandise. Cela vaut la peine d’y renoncer, avant tout au pétrole. Car la liberté est en jeu. Et la protection de la liberté a un prix », a déclaré mardi le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Le premier ministre italien, Mario Draghi, dont le pays est très dépendant du gaz russe, mais livre des armes à l’Ukraine, a rencontré mardi Joe Biden à la Maison-Blanche. Le premier a appelé de ses voeux « une Union européenne forte […] dans l’intérêt des ÉtatsUnis », le second louant « un bon ami et un grand allié ».
Les négociations se poursuivaient mardi en lien avec le projet d’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe