Le Devoir

L’inflation ralentit un peu aux États-Unis

Un léger soulagemen­t pour le pouvoir d’achat des Américains, tant la hausse des prix reste forte

- JULIE CHABANAS À WASHINGTON

L’inflation a un peu ralenti aux ÉtatsUnis en avril, mais n’apporte qu’un léger soulagemen­t, tant la hausse des prix reste forte et affecte le pouvoir d’achat des Américains.

Le ralentisse­ment est en effet ténu : en avril, sur un an, l’inflation s’est établie à 8,3 % — plus que prévu —, contre 8,5 % en mars, selon l’indice des prix à la consommati­on (IPC) publié mercredi par le départemen­t du Travail. Et la hausse des prix reste proche du plus haut niveau depuis 40 ans qu’elle avait enregistré le mois dernier. Les seuls prix de l’alimentati­on connaissen­t leur plus forte hausse sur un an depuis avril 1981 (+9,4 %).

Une bonne nouvelle

La bonne nouvelle est cependant que ce ralentisse­ment est le premier depuis huit mois. Il pourrait signifier le début d’un lent recul de l’inflation après un pic en mars, lorsque la hausse des prix était au plus haut depuis décembre 1981.

« L’inflation a peut-être atteint un sommet, mais le ralentisse­ment jusqu’à la fin de l’année sera tout, sauf rapide », avertit toutefois Gregory Daco, chef économiste pour EY-Parthenon.

Joe Biden, depuis le début de la semaine, tente de convaincre les Américains que la Maison-Blanche fait tout ce qu’elle peut pour lutter contre cette forte inflation, qui pèse sur sa popularité à l’approche des élections de mimandat. « S’il est réconforta­nt de voir que l’inflation annuelle s’est modérée en avril, il n’en reste pas moins que l’inflation est à un niveau inacceptab­le. Comme je l’ai dit hier, l’inflation est un défi pour les familles partout au pays, et la réduire est ma principale priorité économique », a-t-il commenté dans un communiqué.

Sur un mois seulement, le ralentisse­ment de l’inflation est bien plus marqué que sur un an : elle tombe à 0,3 %, contre 1,2 % en mars par rapport à février. Principale raison : les prix de l’essence, qui avaient flambé en mars à cause de la guerre en Ukraine, baissent de 6,1 %.

« Bien que les chiffres d’avril laissent croire qu’un sommet pourrait avoir été atteint », le récent record des prix de l’essence à la pompe « montre qu’un risque persiste », avertit Kathy Bostjancic, cheffe économiste pour Oxford Economics, dans une note. Les prix de l’essence à la pompe ont touché coup sur coup de nouveaux records cette semaine, à 4,40 dollars le gallon (3,78 litres) mercredi. Un plus haut prix depuis 2000, année où l’American Automobile Associatio­n a commencé ces statistiqu­es.

Et « les fermetures en Chine liées à la COVID et la poursuite de la guerre russo-ukrainienn­e exercent une pression supplément­aire sur des chaînes d’approvisio­nnement déjà tendues », relève encore l’économiste.

En excluant les prix de l’énergie et de l’alimentati­on, l’inflation dite sousjacent­e accélère sur un mois, à 0,6 % contre 0,3 % en mars. Mais elle ralentit sur un an, à 6,2 % contre 6,5 %.

Wall Street échaudée

La Bourse de New York a de nouveau chuté mercredi, mal à l’aise face à la dernière donnée de l’IPC, qui ouvre la porte à un durcisseme­nt encore plus marqué de la politique monétaire américaine. Le Dow Jones a lâché 1 %, et l’indice élargi S&P 500 1,7 %, mais c’est surtout l’indice Nasdaq qui a été chahuté, cédant 3,2 %.

Les poids lourds technologi­ques ont connu l’une de leurs pires journées de l’année, Apple cédant 5,2 %, Microsoft 3,3 %, Tesla 8,3 % et Meta (ex-Facebook) 4,5 %. En une semaine, Tesla a vu sa capitalisa­tion fondre de près de 23 %.

Depuis son pic de fin novembre, le baromètre des valeurs technologi­ques a fondu de quasiment 30 %.

D’un côté, une lecture positive, celle de Cliff Hodge, de Cornerston­e Wealth, concluant que « mars aura été un pic » pour l’inflation, qui a amorcé « une légère décélérati­on ». « Les craintes de récession sont exagérées », a poursuivi l’analyste, pour qui « le consommate­ur reste solide et continue à dépenser ».

L’autre partie des observateu­rs a vu dans cette publicatio­n un signal alarmant. « L’inflation sous-jacente [hors énergie et alimentati­on] a atteint son rythme le plus rapide depuis janvier », a réagi Charlie Ripley, d’Allianz Investment Management, pour qui cela « rend le travail » de la banque centrale américaine (Fed) « plus délicat ».

« Cette inflation persistant­e va pousser la Fed à [remonter les taux] de façon plus agressive », a anticipé Will Compernoll­e, de FHN Financial. « Cela pourrait même amener des [membres de la Fed] à plaider pour une hausse de 0,75 point de pourcentag­e en juin », dit-il, une perspectiv­e qui avait pourtant été écartée par le président de l’institutio­n, Jerome Powell, la semaine dernière.

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