Le Devoir

Aucun calendrier en vue pour régler Roxham

- BORIS PROULX ET FRANÇOIS CARABIN À OTTAWA ET À QUÉBEC LE DEVOIR

Ottawa convient que les discussion­s avec les États-Unis sont « délicates » pour renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs, et n’est pas en mesure d’estimer dans combien de temps les demandeurs d’asile seront de nouveau les bienvenus aux postes frontalier­s officiels.

« Il n’y a pas de calendrier auquel je peux me référer pour dire “ça prendra tant de temps” », a déclaré le ministre fédéral de l’Immigratio­n, Sean Fraser, lors d’un comité parlementa­ire jeudi.

Il répondait à la question du député du Bloc québécois Alexis BrunelleDu­ceppe, qui lui demandait dans combien de temps Ottawa souhaite signer avec les États-Unis une nouvelle version de l’accord en matière d’immigratio­n.

La veille, le gouverneme­nt Trudeau avait refusé d’accéder à la demande de Québec de « fermer » le chemin Roxham, et avait assuré que les discussion­s allaient bon train avec les États-Unis pour renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Dans sa forme actuelle, l’Entente sur les tiers pays sûrs pousse les demandeurs d’asile vers des points de passage irrégulier­s comme le chemin Roxham, au Québec, pour éviter d’être refoulés aux postes frontalier­s officiels. En vigueur depuis 2004, ce pacte autorise le Canada à refuser toute demande d’asile effectuée à un poste officiel à la frontière canado-américaine sous prétexte que les États-Unis sont un pays « sûr ».

Ce serait justement les États-Unis qui ont peu d’appétit pour modifier l’Entente sur les tiers pays sûrs, peuton comprendre du peu d’informatio­ns fournies sur l’avancée des négociatio­ns par le premier ministre canadien, Justin Trudeau.

« Ces négociatio­ns, et ces conversati­ons, qui sont très positives et qui avancent bien, sont, on le comprend, délicates à un niveau politique pour les Américains », a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse jeudi à Ottawa.

Le voisin et principal partenaire commercial du Canada souhaitera­it avoir la même approche pour sa frontière avec le Canada que pour sa frontière avec le Mexique, d’où affluent beaucoup plus de migrants. « Nous comprenons que c’est un défi pour eux », a ajouté Justin Trudeau.

Le premier ministre a refusé d’entrer dans les détails des revendicat­ions précises du Canada, hormis pour dire qu’il souhaite qu’une nouvelle entente qui permette l’entrée des demandeurs d’asiles par les postes frontalier­s officiels. « En même temps, si on fermait le chemin Roxham, les gens passeraien­t ailleurs. On a une frontière énorme, on ne va pas commencer à l’armer, à mettre une barrière dessus. »

Il en a profité pour décocher une flèche au gouverneme­nt Legault, sans le nommer, à qui il dit avoir envoyé de l’aide financière par centaines de millions.

« Je comprends que ça préoccupe des gens et que [la situation] amène une certaine polémique pour certains partis politiques. »

Québec déçu

Le ministre québécois de l’Immigratio­n, Jean Boulet, n’a pas caché sa déception, jeudi, devant le refus que lui a imposé Ottawa dans le dossier du chemin Roxham. « [On est] déçus, oui, a convenu l’élu caquiste jeudi midi, au sortir du Salon bleu. Quand on réfère à la “rigueur du système d’immigratio­n au Canada”, je regrette, mais ce n’est pas ce que nous constatons sur le terrain. »

Le gouverneme­nt de François Legault exige la fermeture immédiate du passage frontalier de Roxham, afin de respecter ses capacités d’hébergemen­t. Selon les estimation­s du ministère de l’Immigratio­n, de la Francisati­on et de l’Intégratio­n, 35 000 demandeurs d’asile s’y présentero­nt d’ici la fin de l’année. « C’est une passoire ; c’est reconnu à l’échelle internatio­nale, a déploré le ministre Boulet, mercredi. Ça ne peut pas continuer comme ça. »

Jusqu’ici cette année, plus de 10 600 migrants ont demandé l’asile au Canada en passant par le poste frontalier du sud de la Montérégie.

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