Aucun calendrier en vue pour régler Roxham
Ottawa convient que les discussions avec les États-Unis sont « délicates » pour renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs, et n’est pas en mesure d’estimer dans combien de temps les demandeurs d’asile seront de nouveau les bienvenus aux postes frontaliers officiels.
« Il n’y a pas de calendrier auquel je peux me référer pour dire “ça prendra tant de temps” », a déclaré le ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, lors d’un comité parlementaire jeudi.
Il répondait à la question du député du Bloc québécois Alexis BrunelleDuceppe, qui lui demandait dans combien de temps Ottawa souhaite signer avec les États-Unis une nouvelle version de l’accord en matière d’immigration.
La veille, le gouvernement Trudeau avait refusé d’accéder à la demande de Québec de « fermer » le chemin Roxham, et avait assuré que les discussions allaient bon train avec les États-Unis pour renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs.
Dans sa forme actuelle, l’Entente sur les tiers pays sûrs pousse les demandeurs d’asile vers des points de passage irréguliers comme le chemin Roxham, au Québec, pour éviter d’être refoulés aux postes frontaliers officiels. En vigueur depuis 2004, ce pacte autorise le Canada à refuser toute demande d’asile effectuée à un poste officiel à la frontière canado-américaine sous prétexte que les États-Unis sont un pays « sûr ».
Ce serait justement les États-Unis qui ont peu d’appétit pour modifier l’Entente sur les tiers pays sûrs, peuton comprendre du peu d’informations fournies sur l’avancée des négociations par le premier ministre canadien, Justin Trudeau.
« Ces négociations, et ces conversations, qui sont très positives et qui avancent bien, sont, on le comprend, délicates à un niveau politique pour les Américains », a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse jeudi à Ottawa.
Le voisin et principal partenaire commercial du Canada souhaiterait avoir la même approche pour sa frontière avec le Canada que pour sa frontière avec le Mexique, d’où affluent beaucoup plus de migrants. « Nous comprenons que c’est un défi pour eux », a ajouté Justin Trudeau.
Le premier ministre a refusé d’entrer dans les détails des revendications précises du Canada, hormis pour dire qu’il souhaite qu’une nouvelle entente qui permette l’entrée des demandeurs d’asiles par les postes frontaliers officiels. « En même temps, si on fermait le chemin Roxham, les gens passeraient ailleurs. On a une frontière énorme, on ne va pas commencer à l’armer, à mettre une barrière dessus. »
Il en a profité pour décocher une flèche au gouvernement Legault, sans le nommer, à qui il dit avoir envoyé de l’aide financière par centaines de millions.
« Je comprends que ça préoccupe des gens et que [la situation] amène une certaine polémique pour certains partis politiques. »
Québec déçu
Le ministre québécois de l’Immigration, Jean Boulet, n’a pas caché sa déception, jeudi, devant le refus que lui a imposé Ottawa dans le dossier du chemin Roxham. « [On est] déçus, oui, a convenu l’élu caquiste jeudi midi, au sortir du Salon bleu. Quand on réfère à la “rigueur du système d’immigration au Canada”, je regrette, mais ce n’est pas ce que nous constatons sur le terrain. »
Le gouvernement de François Legault exige la fermeture immédiate du passage frontalier de Roxham, afin de respecter ses capacités d’hébergement. Selon les estimations du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, 35 000 demandeurs d’asile s’y présenteront d’ici la fin de l’année. « C’est une passoire ; c’est reconnu à l’échelle internationale, a déploré le ministre Boulet, mercredi. Ça ne peut pas continuer comme ça. »
Jusqu’ici cette année, plus de 10 600 migrants ont demandé l’asile au Canada en passant par le poste frontalier du sud de la Montérégie.