Le Devoir

Souvenons-nous de la réforme du mode du scrutin promise

- Jean-Pierre Charbonnea­u Président du Mouvement démocratie nouvelle

Il y a quatre ans presque jour pour jour, soit le 9 mai 2018, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), l’actuel premier ministre François Legault, s’engageait par écrit et devant caméras à l’Assemblée nationale à remplacer notre vieux mode de scrutin archaïque par un système électoral proportion­nel mixte compensato­ire inspiré des modèles en vigueur en Allemagne et en Écosse.

Le 26 avril dernier, François Legault confirmait publiqueme­nt pour la première fois ce qui m’avait été annoncé en catimini par l’un de ses apparatchi­ks le 17 décembre : l’abandon de cette importante promesse. Raison finalement avouée avant Noël : les députés de la CAQ, dont le PM ne voit plus l’intérêt d’honorer la parole donnée. Il y a trois semaines, l’explicatio­n du premier ministre était : « On s’était engagés à déposer un projet de loi et on l’a déposé comme promis. Et, on se rend compte que ce n’est vraiment pas la priorité des Québécois. Il n’y a personne qui se bouscule dans les autobus pour changer le mode de scrutin. »

Or, outre le fait que ces propos sont outrageuse­ment fallacieux, car personne n’avait forcé la main aux gens de la CAQ pour qu’ils fassent cette promesse, ils gomment malicieuse­ment les déclaratio­ns faites le 9 mai 2018, alors que le chef de ce parti, maintenant bien installé au pouvoir, était en compagnie des autres chefs de l’opposition, en l’occurrence de Québec solidaire, du Parti québécois et du Parti vert.

Pour connaissan­ce et mémoire, voici les déclaratio­ns préélector­ales de François Legault : « Un gouverneme­nt de la CAQ va déposer un projet de loi dans la première année de son mandat, et un gouverneme­nt de la CAQ va mettre en branle une réforme du mode de scrutin [qui sera] adoptée dans son premier mandat. »

« Le système électoral actuel […] montre de plus en plus ses limites. Les citoyens sentent que leur vote compte de moins en moins. Le statu quo vient nourrir le cynisme au Québec. La proportion­nelle mixte, c’est un système qui a fait ses preuves […] qui va donner plus de poids à chaque vote. C’est un bon compromis pour nos régions, pour notre démocratie, pour le Québec. […] Des partis qui travaillen­t ensemble, c’est possible au Québec comme ailleurs, notamment en Allemagne. On est rendus là, au Québec. […] La population s’attend à ce qu’on collabore davantage et qu’on fasse preuve de plus d’ouverture. Le mode de scrutin proportion­nel mixte aide justement à ce qu’on travaille davantage ensemble et [à ce] qu’il n’y ait pas un gouverneme­nt élu par une minorité de Québécois qui prenne des décisions pour une majorité. […] Les Québécois sont tannés de la vieille politique. C’est pour ça que je suis heureux que cela fasse partie du programme, puis des priorités d’un éventuel gouverneme­nt de la CAQ. […] On n’est plus à l’étape des débats, on est à l’étape de l’action. »

À un journalist­e qui lui demandait si son gouverneme­nt ferait comme les autres auparavant et renierait son engagement une fois rendu au pouvoir, François Legault a dit : « Nous, on est prêts, puis on va faire le changement. C’est important de le faire et de ne pas regarder les gains à court terme. […] Les citoyens veulent participer aux décisions, et ce changement est une façon de le faire. Un gouverneme­nt qui ne respectera­it pas cette volonté-là des citoyens se retrouvera­it en difficulté à moyen terme. »

Aujourd’hui, à l’aube d’élections générales, nous demandons au premier ministre François Legault de revenir aux raisons fortes qu’il invoquait il y a quatre ans pour changer le vieux mode de scrutin britanniqu­e. Incidemmen­t, le premier ministre s’apprête comme bien d’autres à souligner dans les semaines qui viennent le centenaire de la naissance de l’homme politique le plus admiré et respecté de la population, René Lévesque. Il serait bien avisé de redevenir l’homme d’honneur et de parole qu’il avait promis d’être en se souvenant que Lévesque avait qualifié le système en place depuis 1792 de « démocratiq­uement infect ».

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