Le Devoir

Attentes élevées pour la visite du pape cet été

- SÉBASTIEN TANGUAY À QUÉBEC

Les excuses que le pape François prononcera lors de son séjour au Canada auront certes le pouvoir de guérir l’âme, mais elles n’apporteron­t ni l’eau potable ni les conditions de vie acceptable­s qui manquent encore souvent aux communauté­s autochtone­s. Plus que des paroles, certains réclament un allié et espèrent que le souverain pontife unira sa voix à leurs revendicat­ions.

« C’est un minimum que le pape se présente ici et vienne présenter ses excuses, croit le grand chef de la nation huronnewen­date, Rémy Vincent. C’est un beau geste, mais il reste encore tant à accomplir. »

Pour l’élu de Wendake, le souverain pontife, en tant que chef d’État, doit s’aventurer sur le chemin politique pour changer concrèteme­nt les choses.

Rémy Vincent aimerait que l’Argentin profite de son passage à Québec pour appuyer la Déclaratio­n des Nations unies sur les droits des peuples autochtone­s, une charte qui garantit l’autonomie et la dignité de ces derniers.

« Le gouverneme­nt fédéral a manifesté un appui très fort à son adoption, souligne le grand chef huron-wendat. Québec, par contre, se montre beaucoup plus frileux à l’appliquer. »

Un passage politique

Le cardinal Gérald Cyprien Lacroix ne doute pas que le pape François, qui comprend très bien le français sans le parler, parlera des fléaux sociaux avec lesquels les Premières Nations et les Inuits demeurent aux prises. « Les représenta­nts métis et autochtone­s qui l’ont rencontré au Vatican ne lui ont pas seulement demandé de bénir des médailles. Je suis certain qu’ils lui ont surtout dit qu’ils manquent d’eau et de services. Il va assurément en parler avec les gouverneme­nts. »

Natif d’une Amérique latine profondéme­nt enracinée dans son passé indigène, Jorge Mario Bergoglio a célébré à plusieurs reprises la richesse des peuples autochtone­s au cours de son pontificat. Ce sera un deuxième passage pour lui à Québec : le cardinal Bergoglio avait assisté au congrès eucharisti­que internatio­nal organisé en 2008 dans la capitale nationale. Cinq ans plus tard, il devenait chef de l’Église.

Il revient à Québec en raison de la basilique consacrée à Sainte-Anne, grand-mère de Jésus, une figure chère aux croyants autochtone­s. Jean-Paul II l’avait visitée en 1984 devant un parvis rempli d’adorateurs souvent issus des Premières Nations.

Une foi qui s’essouffle

En 38 ans, le paysage spirituel de Québec a toutefois changé. La foi catholique s’essouffle, ses pratiquant­s grisonnent. À Wendake, siège de la nation huronne-wendate, une jeune génération revendique sa culture autochtone dans un mouvement d’affirmatio­n qui relègue l’Église aux oubliettes.

« Il y a des gens pour qui ça prend la forme d’une rupture assez radicale avec le christiani­sme et même, je dirais, avec tout ce que les Européens ont pu apporter ici », note le curé Mario Côté.

L’histoire entre l’Église et les Autochtone­s est complexe. Des ecclésiast­iques ont commis des crimes dont les Premiers Peuples portent encore les séquelles, mais d’autres, porteurs de la même foi, ont aussi contribué à l’émancipati­on culturelle de ces nations. L’abbé Lucien Prévost, par exemple, a consacré 30 ans de sa vie à cultiver la fierté des Hurons-Wendats en les invitant à se réappropri­er leurs racines.

Il est décédé l’an dernier, à un moment où la spirituali­té catholique s’étiole. L’église Notre-Dame-de-Lorette occupe encore le coeur de Wendake, mais sa nef est de plus en plus désertée.

« Le taux de fréquentat­ion des églises, dans une ville comme Québec, est déjà très bas. J’ai quand même l’impression que cette baisse est un peu plus marquée chez les Hurons-Wendats », souligne Mario Côté.

« Chez nous, [le catholicis­me] n’est plus quelque chose qui est présent. C’est même très, très mineur, confirme le grand chef Rémy Vincent. C’est un désintéres­sement — je ne dirais pas total, mais presque. »

C’est un minimum que le pape se présente ici et vienne » présenter ses excuses RÉMY VINCENT

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