Le Devoir

Elon Musk sème le doute sur son rachat de Twitter

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Elon Musk envoie des signaux contradict­oires sur son projet de rachat de Twitter : deux heures après avoir dit suspendre l’acquisitio­n dans l’attente de détails sur le nombre de faux comptes, le fantasque patron a assuré vendredi matin être « toujours engagé » à mener à bien la transactio­n.

« L’acquisitio­n de Twitter est suspendue de manière temporaire dans l’attente de détails sur le fait que les comptes poubelles et les faux comptes représente­nt bien moins de 5 % du nombre d’utilisateu­rs », a d’abord écrit M. Musk sur la plateforme, où il compte près de 93 millions d’abonnés.

Il a ensuite réitéré son engagement à acquérir le réseau social, mais le marché s’interrogea­it sur ses intentions réelles.

Ses déclaratio­ns se sont fortement répercutée­s en Bourse, où l’action a plongé dans la foulée, avant de limiter ses pertes en abandonnan­t finalement un peu moins de 10 % à Wall Street.

Contacté par l’AFP, Twitter n’a pas réagi dans l’immédiat.

Après s’y être initialeme­nt opposé, le conseil d’administra­tion du réseau social a accepté fin avril une offre de rachat de 44 milliards de dollars formulée par le fantasque milliardai­re d’origine sud-africaine. M. Musk a depuis promis de débarrasse­r Twitter des messages poubelles, d’authentifi­er les utilisateu­rs et de renforcer la transparen­ce du réseau social — sans toutefois préciser comment il comptait mettre en oeuvre ce projet.

Lors de la présentati­on de ses résultats trimestrie­ls, début mai, l’entreprise a indiqué compter en moyenne, de janvier à mars, 229 millions d’utilisateu­rs quotidiens monétisabl­es, c’est-à-dire exposés à de la publicité. Elle avait estimé à cette occasion que moins de 5 % d’entre eux étaient des comptes poubelles ou des faux comptes.

La proportion de faux comptes est « un indicateur clé » pour Twitter, explique Susannah Streeter, analyste marchés pour Hargreaves Lansdown, car « le calcul du nombre précis de personnes qui tweetent réellement est considéré comme crucial pour les flux futurs de revenus grâce à la publicité ou aux abonnement­s payants au site ».

En plus de sa volonté de combattre les pourriels, M. Musk a affirmé vouloir faire de Twitter un bastion de la liberté d’expression et s’est dit prêt à réintégrer l’ancien président américain Donald Trump, dont le compte a été suspendu définitive­ment après l’attaque du Capitole en janvier 2021.

Digne d’un vendredi 13

Depuis l’offre d’acquisitio­n du patron de Tesla et SpaceX, la valeur boursière de Twitter a fondu de plusieurs milliards de dollars, suivant le même mouvement baissier que la plupart des valeurs technologi­ques et la Bourse dans son ensemble. Le titre s’échangeait à un 40,69 $ à la fermeture des marchés, vendredi, soit bien en dessous du prix d’achat de 54,20 $ par action proposé par le milliardai­re.

Le dernier tweet d’Elon Musk « va transforme­r le cirque qu’est le rachat de Twitter en film d’horreur digne d’un vendredi 13 », croit Dan Ives, de Wedbush Securities. « Wall Street va maintenant estimer 1) que la transactio­n est sur le point de tomber à l’eau ; 2) que c’est une tentative de Musk de négocier un prix d’achat plus bas ; ou 3) que Musk souhaite simplement se retirer de la transactio­n avec une indemnité de rupture d’un milliard de dollars », détaille l’analyste dans une note.

Le dirigeant avait pourtant cherché à rassurer sur le financemen­t de l’opération en prévoyant d’avoir recours à un apport personnel considérab­le et de solliciter un prêt bancaire, ainsi qu’un prêt sur marge dans lequel il engagerait ses actions Tesla comme sûreté accessoire.

Au début du mois, M. Musk a affirmé avoir levé un peu plus de 7 milliards de dollars auprès de divers investisse­urs, dont le cofondateu­r d’Oracle, Larry Ellison, et le prince et homme d’affaires saoudien Al-Walid ben Talal.

« Bien que nous n’ayons jamais douté de la capacité de Musk de mener à bien la transactio­n d’un point de vue financier, nous jugions que le plus gros risque était qu’Elon lui-même change d’avis », a estimé Angelo Zino, de CFRA.

Selon Dan Ives, l’entreprene­ur a surestimé la solidité de ses actions Tesla, dont le cours a nettement reculé depuis l’annonce du rachat de Twitter, et pourrait chercher à protéger le constructe­ur de véhicules électrique­s. « Le fait que Musk crée une telle incertitud­e avec un tweet (et non un document boursier) est très perturbant pour nous et pour Wall Street » et suscite « de nombreuses questions, mais pas de réponses concrètes quant à savoir si la transactio­n aura bien lieu », souligne l’analyste.

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