Contre-pouvoir mondial vert, jeune et féminin
Cette image actuelle surgit à l’esprit de la philosophe française Laurence Hansen-Løve dans son livre Planète en ébullition
« Un million de révolutions tranquilles. » L’énoncé, que la philosophe française Laurence Hansen-Løve emprunte à sa compatriote journaliste Bénédicte Manier, fera sourire les Québécois. La première explique qu’il « évoque une prise de conscience mondiale suivie d’une tentative de “réappropriation” de la société civile par elle-même, en réaction contre un monde politique perçu globalement comme “désinvesti du bien commun” ».
Pour l’essayiste, née Laurence Bonnecarrère à Paris en 1948, il s’agit d’une « révolution, mais qui, insiste-t-elle, « ne ressemble pas à celles que nous avons connues jusqu’à aujourd’hui ». Sa nature, planétaire, nullement soumise à des dirigeants précis, échappe à une catégorie stricte. Le titre du livre de Laurence Hansen-Løve, Planète en ébullition, en définit à la fois la force et le secret autour des mots « écologie, féminisme et responsabilité ».
La prise de conscience dans tant de pays différents, l’essayiste la considère comme « éclatée, protéiforme », indépendante des traditions progressistes et utopistes sans pourtant les renier. Citoyenne plutôt que politique malgré ses fréquentes interpellations d’hommes et de femmes d’État, elle se tient, résume Laurence Hansen-Løve, « généralement à l’écart des partis et des modes d’action traditionnels ». Elle est souvent, conclut la philosophe, « le fait de femmes » et de jeunes qui se méfient du capitalisme.
Viennent spontanément à l’esprit les noms de l’adolescente écologiste suédoise Greta Thunberg, militante forcenée, de la polémiste canadienne à succès Naomi Klein (52 ans) et de la trentenaire Alexandria Ocasio-Cortez, représentante démocrate contestataire à Washington. L’essayiste les cite bien sûr, mais son livre, véritable encyclopédie très à jour du changement social, fourmille d’autres références.
Nourrie par l’histoire de la philosophie, Laurence Hansen-Løve trouve chez le penseur Baruch Spinoza (16321677) l’idée inspirante d’une harmonie entre l’être humain et la nature qui mérite de remplacer la vieille idée d’une domination humaine de la nature. Cette révolution intellectuelle, la poursuivront Jean-Jacques Rousseau, puis Claude Lévi-Strauss, qui, en 1962, verra en ce dernier le « fondateur des sciences de l’homme ».
Mais cela reste de savants rappels un peu froids. Par bonheur, Laurence Hansen-Løve reprend, avec une conviction contagieuse, le discours très dramatique que Greta Thunberg a livré à l’ONU en 2019. Celle-ci disait : « Des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent et de contes de fées de croissance économique éternelle ? Comment osez-vous ? »
Peut-on mieux résumer la colère d’un contre-pouvoir mondial, qui, même encore si restreint, sait voir la nature, non plus comme notre esclave, mais comme notre soeur ?