Un désir nommé Madère
Le Portugal s’est révélé le champion européen de la gestion de la pandémie. L’automne dernier, Madère recevait, pour la huitième fois, le World Travel Award de la « meilleure destination insulaire d’Europe », et Nomad List en faisait l’un de ses endroits
L’île principale, ancrée dans l’Atlantique au large du Maroc, a du chien. Noir basalte. Hérissée de pics vertigineux. Bardassée par le vent. Les pilotes peuvent d’ailleurs s’y prendre jusqu’à trois fois pour atterrir à Funchal.
Doté d’un plan d’urbanisme à la Georges Braque, ce chef-lieu n’est pas banal. À la faveur d’un tour de ville à pied, Raquel Mendonça, guide chez Discovering Madeira, présente les protagonistes de son histoire : les grands navigateurs, qui en ont fait un véritable jardin grâce à leurs boutures exotiques ; le prince Henri, qui a soutenu la culture de la canne à sucre pour financer ses expéditions ; les marchands anglais, dont John Blandy, pionnier de la vitiviniculture ; sans oublier l’étoile du soccer Cristiano Ronaldo, son fils le plus célèbre.
Prendre la porte
Dans l’ancien quartier des pêcheurs, c’est l’artiste José Maria Zyberchema qui, avec la complicité des résidents, transforme depuis une décennie une Zona Velha décatie en une galerie d’art à ciel ouvert. Par son Projeto arte de portas abertas, il invite des peintres à utiliser les portes des habitations du secteur en guise de support à leurs oeuvres picturales.
Larges boulevards, riches quintas (domaines) d’autrefois et places spacieuses tapissées de calçadas (mosaïques de pavés) contribuent au cachet prospère propret de Funchal. D’excellentes tables (Kampo, William, Avista), des hôtels légendaires ou d’un genre nouveau pour nomades numériques (Next – by Savoy Signature), des cafés sur les jetées, des bars sur les toits (The Vine, Three House) et des festivals l’arriment à l’air du temps.
L’eau et la terre
« C’est un réseau de 3000 km reconnu par l’UNESCO, dont environ le tiers est accessible aux randonneurs et où les premiers touristes se promenaient à cheval ! » — Reuben Freitas
À bord du voilier Happy Hour, le skippeur Francisco Silva emmène les touristes plonger dans une réserve marine.
« Ce que la COVID change ? De plus en plus de jeunes démarrent de petites entreprises de tourisme, découvrent la destination, viennent pour le surf — on a l’un des meilleurs spots d’Europe à Jardim do Mar — et la randonnée. »
Ainsi, la canne à sucre devant être irriguée, on créa, à partir du XVe siècle, des levadas pour acheminer les eaux pluviales des hauteurs de Madère aux plantations. L’intérêt ? Ces canaux sont lisérés d’un sentier utile à ceux qui en actionnent les petites digues. « C’est un réseau de 3000 km reconnu par l’UNESCO, dont environ le tiers est accessible aux randonneurs et où les premiers touristes se promenaient à cheval ! » explique Reuben Freitas, guide naturaliste pour True Spirit.
Du côté de Rabaçal, c’est une virée dans une mer de bruyère arborescente qui nous mène tantôt vers une cascade, tantôt vers les nuages, au son des gargouillis des flots.
Chez Colomb
Madère, c’est aussi Porto Santo, l’autre île habitée de l’archipel, où on accoste au terme d’une navigation de deux heures et demie. Appâté par le commerce du sucre, Christophe Colomb y a jeté l’ancre en 1478 et y a vécu deux ans, le temps d’épouser la fille du gouverneur. Un musée et un festival qui se tient en septembre lui sont consacrés à Vila Baleira, la ville principale.
« Dès les années 1960, Porto Santo est le complément touristique de l’île de Madère, car les Américains y avaient construit une piste d’atterrissage pour leur ravitaillement pendant la Seconde Guerre mondiale », explique le guide Nuno Santos Lã.
Un complément, et pour cause… Il y a ici une longue et rare plage de sable d’or, bordée d’hôtels qui se comptent sur une main et demie. Au rond-point, deux roulottes vendent l’essentiel : fruits, légumes et rasades de poncha (le cocktail du cru à base d’eau-de-vie de canne à sucre). À perte de vue, un panorama d’une austère beauté. Çà et là, des criques, dont Porto das Salemas, où on macère dans des bassins que les éléments ont sculptés dans le roc.
« Il y a 50 ans, il n’y avait pas d’électricité, pas d’égout, l’usine de dessalement est arrivée en 1978, raconte l’insulaire. Toute l’infrastructure a été créée pour le tourisme, mais on en profite ! »