Le Devoir

L’élan de générosité survit à la COVID-19

Les donateurs sont toujours au rendez-vous pour répondre à une vulnérabil­ité accrue

- IsabEllEID­ElormE Collaborat­ion spéciale

«Les Québécois sont des donateurs de coeur, qui donnent en situation d’urgence », lance Laetitia Shaigetz, présidente de la firme d’experts-conseils en philanthro­pie Episode. Mais l’élan de générosité lié à la pandémie se maintient. D’après le Suivi des impacts de la pandémie de COVID-19 sur les dons et la philanthro­pie au Québec, un sondage publié par l’Institut Mallet en février 2022, plus de trois Québécois sur quatre (79 %) ont fait un don à une cause sociale, communauta­ire ou humanitair­e au second semestre de 2021, contre un sur deux avant la pandémie.

Ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. « Lorsque nous avons demandé en 2021 à la population si elle souhaitait continuer à contribuer en 2022, 70 % des répondants nous ont dit vouloir donner autant qu’en 2021, sinon plus », raconte avec joie Mme Shaigetz, qui constate que le bassin des donateurs s’est élargi avec la pandémie. Selon l’Institut Mallet, 82 % des Québécois ont l’intention de faire au moins un don en 2022, et le don moyen par personne devrait atteindre 246 $. Si cette prévision se confirme, cela représente­rait une hausse de 39 % par rapport à 2021.

Des donateurs de tous âges

« Ce sont les personnes âgées (76 ans et plus) et les baby-boomers qui donnent le plus, mais toutes les génération­s donnent, et il faut les solliciter ! » recommande Laetitia Shaigetz. Très revendicat­rice, la génération Z (les moins de 25 ans) aime prendre position par rapport à des causes, mais la firme Episode attend de voir ses dons émerger. « La pandémie a apporté ce changement », relate la présidente en soulignant que la culture philanthro­pique se développe (et doit être encouragée) dès le jeune âge. Les organismes doivent donc travailler leur segmentati­on et leur connaissan­ce des génération­s pour savoir comment atteindre chacune. D’après le sondage de l’Institut Mallet, la sollicitat­ion par un bénévole reste très efficace (notamment auprès des 18-34 ans), et le courrier postal demeure un très bon moyen de solliciter les 55 ans et plus. Les dons en ligne sont en baisse, mais Internet reste le moyen le plus utilisé pour faire un don en argent (41 %).

Mme Shaigetz constate par ailleurs un intérêt plus marqué des entreprise­s — et particuliè­rement des PME — pour la philanthro­pie en contexte postpandém­ie. « La philanthro­pie est une bonne pratique pour démontrer que la PME est un “bon citoyen”. Il y a fort à parier que le contexte de pénurie de main-d’oeuvre accélère certaines réflexions. D’ailleurs, les dirigeants que nous accompagno­ns actuelleme­nt ont à coeur de sonder leurs employés sur leurs préférence­s philanthro­piques », ajoute la présidente.

Les inégalités sociales au coeur des dons

Les organismes de bienfaisan­ce doivent répondre à des facteurs de vulnérabil­ité sociale accrue depuis l’arrivée de la pandémie. « La première cause privilégié­e par l’ensemble des Québécois reste la santé. Mais dans le contexte économique actuel, ils sont de plus en plus sensibilis­és aux inégalités sociales, et je prédis que

cette cause va probableme­nt devenir la première soutenue dans les prochains mois ou dans l’année », note Laetitia Shaigetz. Selon l’Institut Mallet, l’aide aux personnes démunies (privilégié­e par 57 % des personnes ayant l’intention de faire un don), l’enfance et l’éducation ainsi que la recherche médicale demeureron­t les causes les plus populaires en 2022.

À la Fondation du Grand Montréal, la santé et la culture sont les deux secteurs recevant le plus de dons. Mais pour ses programmes de subvention­s propres (les fonds sur lesquels elle a toute la latitude pour déterminer ce qu’elle finance), la fondation communauta­ire a décidé de se concentrer sur trois volets prioritair­es qui ressortent fortement, selon son présidentd­irecteur général, Karel Mayrand : les questions de diversité et d’inclusion, la transition écologique et la lutte contre les inégalités. Ces dernières ont été exacerbées par la pandémie et le sont encore par la crise du logement, souligne le p.-d.g.

« On ne peut plus détourner le regard aujourd’hui. Les gens qui sont forcés d’allouer 40 ou 50 % de leur budget au logement vont couper dans l’alimentati­on. »

Vers de nouvelles retombées

Karel Mayrand voit de plus en plus de donateurs créer des fonds philanthro­piques destinés à être dépensés sur une période de 5 ou 10 ans. « Ils vont vers un débourseme­nt à plus court terme pour répondre aux besoins maintenant », remarque-t-il. L’effet recherché avec les dons a également évolué. « On parle de plus en plus d’essayer d’avoir des retombées plus systémique­s, à la racine, en matière sociale ou environnem­entale », indique le p.-d.g., pour qui cela représente un défi.

Les donateurs se questionne­nt aussi de plus en plus sur la manière dont leur argent est placé dans les fonds philanthro­piques, après s’être longtemps contentés de s’intéresser aux rendements et aux frais d’administra­tion. « Cela ouvre la porte à des programmes d’investisse­ment d’impact, et c’est un tournant. En créant un fonds philanthro­pique, le donateur fait d’une pierre deux coups en faisant travailler le capital et les subvention­s en cohérence », se réjouit M. Mayrand.

La Fondation du Grand Montréal est d’ailleurs en train de réduire l’empreinte carbone de ses placements. Elle compte investir 50 millions de dollars en investisse­ment d’impact dans les cinq prochaines années.

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Valérian Mazataud Le Devoir Unzautocol­lantzappos­ézsurzlazv­itrinez d’unzcommerc­ezpendantz­lazpandémi­e

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