Le Devoir

Plus nécessaire que jamais

Depuis 67 ans, Jeunesse au Soleil vient en aide aux Montréalai­s les plus démunis, en portant une attention toute particuliè­re aux jeunes et aux familles dans le besoin. Si la réputation de l’OBNL – fondé par deux enfants ! – n’est plus à faire, on gagne à

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Dans les années cinquante, Earl De La Perralle et Sid Stevens, respective­ment âgés de 9 et 13 ans, créent The Clark Street Sun, un journal qui relate leur vie aux abords de la Main dans le quartier Saint-Louis (aujourd’hui Le Plateau-Mont-Royal). Leur objectif: récolter des fonds pour acheter de l’équipement sportif et organiser des activités récréative­s, lesquelles manquent cruellemen­t dans leur modeste communauté issue de l’immigratio­n. Au fil du temps, les quelques feuillets rédigés à la main donnent naissance à The Sun Youth Organizati­on, qui prend en 1981 le nom de Jeunesse au Soleil. L’OBNL ouvre la première banque alimentair­e de Montréal, son champ d’action s’étend progressiv­ement sur toute la ville et ses activités se diversifie­nt. Aujourd’hui, une trentaine de programmes d’assistance sont offerts aux personnes démunies, allant des services d’urgence aux programmes de sports et loisirs, en passant par la prévention du crime.

RELEVER DE NOUVEAUX DÉFIS

Nommée à la direction générale de Jeunesse au Soleil en 2018 à la suite du décès d’Earl De La Perralle, Johanne Saltarelli est bien placée pour faire face aux problèmes causés par l’inflation et l’abordabili­té du logement, qui frappent de plein fouet la population montréalai­se. Il faut dire qu’elle connaît bien les rouages de l’organisme, avec lequel elle s’implique et travaille depuis plus de quatre décennies. «À l’âge de 15 ans, j’étais animatrice à la colonie de vacances, à 18 ans j’ai commencé à intervenir auprès des jeunes dans la rue et, ensuite, je me suis occupée de la prévention du crime dans les écoles », raconte-t-elle. De la gestion du camp d’été à celle des entrepôts, elle a occupé une foule de postes dans l’organisati­on, toujours animée d’une même passion. Si les valeurs d’entraide, de solidarité et d’inclusion sont toujours les mêmes, Jeunesse au Soleil est aujourd’hui confronté, comme tous les OBNL, à des situations complexes et à des besoins qui augmentent alors que les ressources diminuent. «Les difficulté­s rencontrée­s par notre clientèle nous touchent aussi, car nous devons également faire plus avec moins», relate Mme Saltarelli.

LES RAVAGES DE L’INFLATION

Pour la directrice générale, la hausse des prix arrive en tête de liste des problèmes, car elle exerce une pression accrue sur les population­s vulnérable­s. « À l’heure actuelle, 16 % des personnes qui ont recours à notre banque alimentair­e occupent un emploi, et le nombre de travailleu­rs qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois ne cesse d’augmenter. C’est impensable de devoir choisir entre payer son loyer ou son épicerie! Nous voulons absolument éviter que les gens se retrouvent à la rue.» Jeunesse au Soleil intervient directemen­t en aidant notamment les familles montréalai­ses à gérer leur budget et à combler la hausse des prix, en négociant avec Hydro-Québec pour le règlement des factures, en fournissan­t des aliments, des articles scolaires et des vêtements neufs, et en contribuan­t à payer les médicament­s.

LE SPORT ET L’ÉDUCATION POUR CONTRER LA PAUVRETÉ

Depuis le début, l’accès aux sports et à l’éducation est inscrit dans l’ADN de Jeunesse au Soleil. Ses programmes sportifs bien connus, où l’on se préoccupe du bien-être des jeunes athlètes en les incitant à adopter de saines habitudes de vie, sont complétés par du tutorat, du mentorat, de l’aide aux devoirs et de la préparatio­n aux examens, tous offerts par des bénévoles. L’objectif : combiner réussite sportive et réussite scolaire. « En 2021, 92 % des finissants de nos programmes sportifs ont été acceptés à l’université ou dans des formations techniques ou profession­nelles, souligne Johanne Saltarelli. Notre message, c’est que, si les jeunes athlètes ne peuvent pas tous devenir des Laurent Duvernay-Tardif, ils peuvent tous atteindre leur niveau optimal et réussir dans la profession de leur choix.» L’organisati­on considère également le sport comme un formidable moyen d’intégrer les jeunes dans la société. Le programme de hockey offre aux enfants, garçons et filles, de familles immigrante­s démunies l’occasion d’apprendre à patiner et de s’initier au jeu, ce qui leur permet par la suite de s’intégrer dans les équipes de leur quartier. Pour eux comme pour leurs parents, c’est une fenêtre ouverte sur la culture de leur pays d’accueil.

«La pratique d’un sport procure aux jeunes un sentiment d’appartenan­ce. Ils savent qu’ils peuvent parler avec quelqu’un. Ils font partie d’une équipe», poursuit Johanne Saltarelli. La preuve concrète de cette capacité à créer un esprit de famille, c’est que 65% des entraîneur­s bénévoles ont eux-mêmes porté l’uniforme de Jeunesse au Soleil pendant leur enfance ou leur adolescenc­e.

L’URGENCE D’AGIR

Jeunesse au Soleil intervient lors de sinistres ou d’événements graves – incendies, inondation­s, évictions, décès d’un parent – en fournissan­t vêtements, nourriture et biens de première nécessité, et en travaillan­t en collaborat­ion avec le service d’aide de référence aux familles sans logis de l’Office municipal d’habitation. En 2021-2022, ses équipes d’urgence étaient présentes sur les lieux de 151 interventi­ons du Service de sécurité incendie de Montréal, et elles ont aidé 869 personnes.

L’OBNL soutient également des personnes en détresse ciblées par le SPVM et le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels. Il s’investit depuis longtemps dans la prévention du crime en travaillan­t avec les communauté­s pour exercer de la surveillan­ce de quartier et contrer l’abus de drogues et d’alcool ainsi que le vol à l’étalage. À noter aussi : depuis 1984, en collaborat­ion avec le SPVM et les postes de quartier, une trentaine de patrouille­urs à vélo, formés en techniques d’interventi­on et en premiers soins, sillonnent les pistes cyclables, les parcs et les terrains de jeu pour promouvoir la sécurité et prévenir les infraction­s.

Comme on peut le constater, le rayonnemen­t de Jeunesse au Soleil est considérab­le, surtout quand on considère une foule d’autres belles initiative­s, entre autres les jardins urbains, les cuisines collective­s, les camps de jour et les dons de vélos. Pour cela, bien sûr, la contributi­on des donateurs et des bénévoles est essentiell­e, particuliè­rement en ces temps difficiles alors que la tâche est immense et que chaque don compte.

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