Le Devoir

Plus forts ensemble

- Isabelle Delorme Collaborat­ion spéciale

Parler d’une seule voix pour qu’elle soit mieux entendue et mutualiser les efforts pour promouvoir de nouvelles pratiques : c’est le chemin qu’ont pris près d’une vingtaine de fondations en se joignant au Collectif des fondations québécoise­s contre les inégalités. Ensemble, ces organismes réfléchiss­ent aussi à leur rôle dans la société.

C’est en réponse à l’annonce par le gouverneme­nt québécois de mesures de rigueur budgétaire que le Collectif est né, en 2014. « Nous avons pris l’initiative d’interpelle­r d’autres fondations, car il nous semblait qu’il y avait une parole à prendre dans le débat public », dit Jacques Bordeleau, conseiller stratégiqu­e en partenaria­t et développem­ent à la Fondation Béati. Cette dernière, qu’il a dirigée jusqu’en avril 2022, a lancé le regroupeme­nt qui a signé une lettre ouverte pour exprimer ses préoccupat­ions, en 2015.

« Cette prise de parole inattendue a trouvé un écho dans les milieux communauta­ires », se souvient le conseiller stratégiqu­e.

Une passerelle politique

Cet acte fondateur a fait naître un espace vivant réunissant aujourd’hui 17 fondations publiques et privées de taille différente (elles étaient 9 lors de la création du Collectif), qui exercent leurs activités surtout au Québec, mais aussi au Canada. « Elles ont pris conscience qu’en mutualisan­t leurs ressources et leur intelligen­ce, elles pouvaient aller plus loin », se réjouit Jacques Bordeleau.

Les premières années, le Collectif a rédigé des lettres ouvertes et des mémoires pour faire entendre ses espoirs et ses attentes afin que les gouverneme­nts québécois et canadien adoptent des politiques publiques favorables à la réduction des inégalités sociales. Il a également rencontré des sous-ministres du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

« Auparavant, il n’y avait pas ou très peu de passerelle­s entre l’appareil gouverneme­ntal et le secteur philanthro­pique. Mais je crois que le gouverneme­nt avait le désir de mieux le comprendre », estime le conseiller stratégiqu­e.

Un regard sur soi

Jacques Bordeleau travaille dans le milieu philanthro­pique depuis 1998. Il a longtemps connu un secteur composé d’organisati­ons travaillan­t en autarcie. « Chacun développai­t ses propres programmes. Il n’y avait pas de conscience de secteur ni une pratique de réflexion encouragée ou soutenue », raconte-t-il.

Mobilisés pour une bonne cause, les organismes philanthro­piques s’interrogea­ient peu sur leur légitimité et l’impact de leur action. « Je crois que nous arrivons à un moment où les fondations comprennen­t qu’elles ne peuvent plus se limiter à tenter de faire le bien, estime Jacques Bordeleau. Elles doivent développer une réflexion en profondeur sur leur contributi­on au bien commun. »

C’est d’ailleurs l’objectif de la Déclaratio­n d’engagement mise en ligne en septembre 2021, à laquelle ont adhéré 15 membres du Collectif. Elle invite les organismes du secteur philanthro­pique à définir leur rôle et les met au défi de démontrer leur contributi­on tangible au bien commun.

« Les fondations signataire­s s’engagent à s’assurer que leurs pratiques de gouvernanc­e et d’investisse­ment et leurs rapports aux milieux soutenus soient alignés sur la préoccupat­ion de réduire ce que nous appelons leur “empreinte inégalités”, qui désigne l’impact de nos pratiques sur les inégalités sociales », précise Jacques Bordeleau.

La déclaratio­n pose également une responsabi­lité de transparen­ce. « Les fondations doivent redoubler d’efforts pour rendre compte de ce qu’elles font avec leur argent », souligne le conseiller stratégiqu­e, qui observe une évolution positive. « Il y avait encore tout récemment des fondations qui n’avaient pas de site Web ou de rapport d’activité. Mais les choses sont en train de changer, et je crois que le Collectif y contribue à sa façon », dit celui qui souhaite élargir le cercle des fondations adhérentes.

Un espace commun

Jacques Bordeleau perçoit une attente du secteur philanthro­pique vis-à-vis du Collectif, qui dépasse sa mission historique portant sur la question des inégalités sociales. « Son rôle de veille et de réflexion peut l’amener à jouer un rôle important sur le développem­ent de meilleures pratiques, le soutien et la formation », prévoit-il.

Le Collectif travaille aujourd’hui à la mise en place d’un outil d’autoévalua­tion qui donnera aux organismes de bienfaisan­ce l’envie d’avancer. Il offre également un espace de réseautage, d’apprentiss­age et de partage leur permettant de se connaître, de développer des liens de confiance et d’agir ensemble.

M. Bordeleau constate par ailleurs que de plus en plus de fondations voient un intérêt à s’associer entre elles dans le cadre de démarches collaborat­ives. Cette nouvelle forme de philanthro­pie s’incarne notamment par la mutualisat­ion du soutien financier (mise en commun des ressources financière­s pour un projet commun).

« Ce type de nouvelles pratiques augmente l’impact et l’effet levier du soutien des fondations et réduit la charge administra­tive des organisati­ons soutenues. Cela permet à ces dernières de concentrer leur effort sur leur mission », conclut-il.

« Je crois que nous arrivons à un moment où les fondations comprennen­t qu’elles ne peuvent plus se limiter à tenter de faire le bien. Elles doivent développer une réflexion en profondeur sur leur contributi­on au bien commun. »

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DelphineD Bérubé

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