Un travail de sensibilisation et d’information
« Il y a plus de 100 ans, on mettait les gens qui souffraient d’épilepsie dans des hôpitaux psychiatriques parce qu’on ne savait pas ce qu’ils avaient, illustre le Dr Yves De Koninck, directeur du Centre de recherche CERVO et professeur titulaire de psychiatrie et neurosciences à l’Université Laval. Maintenant, ce sont des gens qui ont des vies complètement normales. »
Au Centre de recherche CERVO, des scientifiques chevronnés comme lui tentent de lever le voile sur les mystères et les dysfonctionnements du cerveau humain afin de mieux prévenir, dépister et traiter les problèmes de santé mentale. Mais un important obstacle continue de se dresser devant l’avancée de la science dans le domaine : la stigmatisation. Et c’est pour cette raison que la Fondation investit une grande partie de ses efforts à lutter contre cette dernière.
Le docteur Yves De Koninck énumère plusieurs effets des tabous et préjugés concernant la santé mentale.
Moins populaire que d’autres domaines, la recherche en santé mentale va récolter beaucoup moins de dons que des causes comme la lutte contre le cancer. Elle est aussi tributaire de subventions gouvernementales périodiques. En raison de la stigmatisation, plusieurs patients vont attendre que la maladie soit à un stade avancé avant d’aller consulter, alors que des moyens de prévention pourraient être mis en place pour réduire les risques, comme pour n’importe quelle autre maladie.
« Le grand défi de la maladie mentale, c’est la stigmatisation, qui passe par la démystification, croit l’expert. Il faut faire comprendre aux gens que la maladie mentale, c’est une maladie comme n’importe quelle autre, il y a des bases médicales, biologiques, rappelle le scientifique. On a tendance à penser que c’est la faute des gens. Il faut qu’on en parle et qu’on investisse pour comprendre. »
Des mentalités qui évoluent
Pour sensibiliser, la Fondation CERVO s’implique notamment dans le développement d’outils consacrés à la santé mentale, comme le Guide pratique. Signes et symptômes des maladies du cerveau. Elle est également partenaire de conférences pour le grand public de la série Tête-à-tête organisée trois ou quatre fois par année, ou de la série Cervo au boulot, qui permet d’inculquer les meilleures pratiques dans la gestion des ressources humaines par les entreprises.
Confinement, stress, dépression, difficultés financières… La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance de la santé mentale, précise M. De Koninck. « La COVID, c’est aussi une crise de santé mentale, souligne le chercheur. À travers ça, on a vu à quel point c’est important de voir à la santé mentale des citoyens et à quel point on est mal équipés. »
À la direction de la Fondation, Maryse Beaulieu voit aussi les perceptions évoluer rapidement. « Quand je suis arrivée à la Fondation il y a 11 ans, il y a des gens qui me disaient “tu ne vas pas faire ça !” On l’utilise dans nos expressions : “tu es malade mental, tu es fou”, se désolet-elle. Mais ce sont des maladies qui sont liées à un organe, le cerveau. Au départ, il n’y avait pas d’entreprise qui voulait en parler, mais on est rendus avec des témoignages de gens d’affaires qui ont des amis qui se sont suicidés », dit-elle, en observant le bris de certains tabous.
Pour diminuer l’impact de ces maladies sur le système de santé, il faut que les gens connaissent les symptômes associés et aillent consulter à temps, plaide Mme Beaulieu. « Par exemple, si un enfant est dépisté pour sa vulnérabilité à développer des troubles anxieux ou la bipolarité, il est possible de réduire les facteurs de risque afin d’éviter qu’il ne développe ces problèmes pendant sa vie. Si on avait un autre problème physique, on en parlerait à notre médecin… Il faut accepter d’en parler ! »
La culture de l’entraide
« Même derrière l’intelligence artificielle, c’est le cerveau humain qui est au coeur de la technologie », note de son côté François Dion, présidentdirecteur général de Levio, une compagnie qui accompagne les entreprises dans leur évolution avec la technologie.
Pendant la pandémie, l’équipe de François Dion a collaboré avec la Fondation CERVO pour sensibiliser et collecter des fonds auprès de ses partenaires. Les entreprises faisant des dons à la Fondation avaient ainsi accès à des ateliers de sensibilisation pour leurs employés, et une trousse de santé mentale développée pour les entreprises.
« Quand on implante une culture d’entraide, on utilise la philanthropie comme levier [pour faire changer les choses] », affirme M. Dion avec conviction. Il spécifie qu’environ 2000 personnes ont pu bénéficier de cette trousse, et que l’effort a permis d’amasser plus de 600 000 $, remis à la Fondation. « Il faut des efforts collectifs, dit-il. Il faut du monde qui collabore. »