Le Devoir

Mettons fin au clivage sur le chemin Roxham

- Me Guillaume Cliche-Rivard Avocat en immigratio­n et en droit des réfugiés

Depuis plus de sept ans, je consacre chacune de mes journées à représente­r des personnes en quête de sécurité et d’une vie meilleure. Ils sont venus de partout : Haïti, République démocratiq­ue du Congo, Guinée, Angola, Cameroun, etc. La très grande majorité de ceux-ci sont entrés par le chemin Roxham, souvent après avoir traversé les Amériques, depuis le Chili ou le Brésil, dans l’espoir de trouver un endroit où ils pourront s’établir sans craindre pour leur vie. Certains sont venus avec leurs enfants, d’autres ont dû faire le choix déchirant de les laisser derrière eux, d’autres encore les ont tragiqueme­nt perdus dans cette route périlleuse.

Qu’à cela ne tienne, malgré les horribles événements qui les amènent jusqu’à nous, je n’ai entendu que des remercieme­nts, que de la reconnaiss­ance ainsi que de la fierté à l’idée de pouvoir possibleme­nt s’établir ici. Déterminés à pouvoir rester, ils sont les premiers à sauter à pieds joints dans le travail, cumulant les emplois, souvent les plus difficiles, sans jamais énoncer la moindre plainte. Tout au long de la pandémie, j’ai d’ailleurs pu constater qu’ils étaient en première ligne du combat contre le virus, dans nos CHSLD, nos hôpitaux, nos entreprise­s essentiell­es, qu’ils en ont sauvé, des vies, souvent au péril des leurs, avec pour sentiment de nous avoir rendu la pareille pour les avoir accueillis parmi nous.

Pour toutes ces raisons, j’ai été particuliè­rement blessé par plusieurs positions énoncées par certains membres de notre classe politique cette semaine, exigeant la fermeture du chemin Roxham sans offrir de solution de rechange, comme si on pouvait tout simplement ignorer l’existence de ces personnes, de leur besoin de sécurité, comme si on pouvait les effacer et leur fermer la porte. J’ai été choqué par les sous-entendus ou encore les faussetés soutenant que les demandeurs venus par Roxham n’avaient pas de réelles craintes de persécutio­n. J’ai été terribleme­nt déçu par cette rhétorique et les messages négatifs présentés.

La solution est pourtant claire : Ottawa doit suspendre immédiatem­ent l’Entente sur les tiers pays sûrs afin de permettre à toute personne revendiqua­nt le statut de réfugié au Canada de le faire dans l’ensemble des postes frontalier­s canadiens, et non à Roxham. Une suspension de l’Entente permettra un partage beaucoup plus équitable du nombre des demandes par province, mais assurera également un processus plus ordonné et surtout plus digne pour ceux et celles qui ont besoin de protection. Une suspension de l’Entente permettra à tous d’emprunter le même passage et le même processus.

Tournons plutôt le débat vers cet enjeu et revendiquo­ns la suspension de l’Entente. Accordons plus rapidement un permis de travail aux demandeurs d’asile en attente d’audience. Accélérons le traitement de leurs dossiers. Permettons plus rapidement à leurs enfants de les rejoindre. Intégronsl­es et accueillon­s-les dès que possible dans notre belle société québécoise. C’est la chose la plus humaine et la réaliste à faire.

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