Le Devoir

Un «je» anglophone de plus, un « nous » francophon­e de moins

-

Comme dans la théorie des vases communican­ts, chaque fois que l’on fait un geste individuel pour alimenter l’usage de l’anglais au Québec, c’est le français qui écope. En ce sens, le projet de loi 96 offrira une digue bien précaire face au tsunami anglophone appréhendé.

L’auto-victimisat­ion des anglophone­s face à l’affirmatio­n du français comme seule langue officielle au Québec est révélatric­e de leur position rhodésienn­e par rapport à l’affirmatio­n des francophon­es. Majoritair­es au Canada, les anglophone­s désirent l’être aussi au Québec ; de là leur attitude qui consiste à se braquer chaque fois que leur situation privilégié­e semble être menacée.

De leur côté, les francophon­es sont bien conscients d’une accélérati­on remarquabl­e, voire fulgurante, de l’anglicisat­ion dans plusieurs sphères de leur quotidien. À travers les médias, la chanson, en publicité, sur Internet, au travail et dans les commerces et autres, la culture anglaise est de plus en plus présente ; on se croirait revenu au constat qui prévalait avant la Charte de la langue française. Cependant, cette prise de conscience va de pair avec un sentiment de culpabilit­é bien entretenu par des opposants, y compris par des francophon­es, pour qui la sauvegarde de la langue française au Québec est un combat dépassé. […] Autrefois, il y avait un nom pour coiffer cette compromiss­ion aliénante, on parlait d’un « comporteme­nt de colonisé ».

Le Québec n’a plus le choix, il doit muscler ses interventi­ons pour assurer la survie de la langue française. L’heure n’est plus aux demi-mesures, il faut oser. Comme l’affirme le sociologue Guy Rocher, la Charte de la langue française doit s’appliquer aux cégeps anglophone­s, ce lieu de détourneme­nt d’une portion importante de la jeunesse francophon­e. De plus, il faut s’assurer que le français occupe toutes les strates de la société. Ce n’est malheureus­ement pas le projet de loi 96 qui va sauver le français au Québec ; il ne fera qu’amoindrir sa chute. Assurons-nous d’un « je » anglophone de moins pour un « nous » francophon­e de plus.

Marcel Perron

Neuville, le 16 mai 2022

Newspapers in French

Newspapers from Canada