Les corps de nos filles
Avec le retour du beau temps revient l’inlassable question des codes vestimentaires dans nos écoles.
Je suis de celle qui approuve l’existence d’un code vestimentaire exigeant des normes minimales basées sur le respect et la sécurité dans l’espace public : interdiction de messages haineux, obligation du port de chaussures ou vêtements démontrant un certain professionnalisme sont des exemples de règles qui me semblent valides.
Cependant, je tiens à dénoncer vivement la manière sexiste dont est véhiculé ce code et l’effet nocif que peuvent avoir certains discours dégradants que nos enfants entendent quotidiennement ces tempsci. « Cache tes formes », « ne montre pas cela », « as-tu pensé à ce qu’on va penser de toi ? » sont toutes des formules culpabilisantes qui contribuent à un rapport malsain au corps et à la sexualité.
Il faut avant tout comprendre que nos filles sont la cible d’injonctions normatives très fortes, ciblées et contradictoires : dans les réseaux sociaux, dans les magasins, dans les séries télévisées, le corps est montré comme devant être objet de désir, mais en même temps, on entretient le discours que cela est mal et qu’elles doivent en avoir honte.
Les rapports de pouvoir qui s’exercent sur le corps des femmes sont multiples et les conséquences sont graves. Nos écoles sont un lieu parmi d’autres dans lequel se révèlent ces tensions, et la question du code vestimentaire n’est que la pointe de cet iceberg.
Je demande une bienveillance accrue quant à la manière dont sont véhiculés les messages en ce domaine et, surtout, un recadrage des arguments invoqués. Faut-il rappeler que les hospitalisations en raison de troubles alimentaires ont bondi de 60 % depuis mars 2020, selon des données de l’Institut canadien d’information sur la santé ? Valérie Cayouette-Guilloteau, docteure en philosophie et professeure au cégep Limoilou
Le 19 mai 2022