Le Devoir

Doit-on s’inquiéter de la variole du singe ?

Des dizaines de cas de variole du singe ont été recensés par les autorités de santé publique de plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord ces derniers jours

- ALEXIS RIOPEL LE DEVOIR

Des éclosions inhabituel­les de variole du singe affectent plusieurs pays du monde. Lundi, on avait détecté au moins 17 cas suspects dans la région de Montréal et deux cas confirmés. Doit-on s’en inquiéter ? Tour d’horizon en six questions. Qu’est-ce que la variole du singe ?

La variole du singe est une maladie infectieus­e causée par un virus. Elle provoque d’abord de la fièvre, des douleurs musculaire­s et des ganglions enflés. Quelques jours plus tard, elle engendre des éruptions pustuleuse­s qui perdurent pendant quelques semaines.

La variole du singe est une maladie qui ressemble beaucoup à la variole — éradiquée en 1980 —, mais elle est généraleme­nt moins sévère. En Afrique, où la maladie est endémique, des taux de mortalité de 1 à 10 % ont néanmoins été rapportés.

« Ce n’est pas une maladie banale », dit le microbiolo­giste-infectiolo­gue Alexandre Carignan, du Centre hospitalie­r universita­ire de Sherbrooke. Toutefois, nuance-t-il, la plupart des victimes africaines étaient des enfants n’ayant pas accès à des soins de base et souffrant parfois de malnutriti­on. « On peut s’attendre, dans des population­s occidental­es, à ce que la mortalité soit nettement plus faible », dit-il.

Comment se transmet-elle ?

La variole du singe se transmet généraleme­nt de l’animal vers l’humain. Le contact avec des animaux infectés — lors de la préparatio­n de viande sauvage, par exemple — serait la principale voie de transmissi­on du virus.

Selon ce qu’on savait jusqu’à présent, ce virus ne se transmet pas facilement d’un humain à l’autre ; des rapprochem­ents très étroits sont nécessaire­s. La maladie peut se transmettr­e par des gouttelett­es respiratoi­res, des liquides corporels ou un contact avec une lésion.

Où circule la maladie ?

Ces dernières décennies, la majorité des cas de variole du singe ont été rapportés en Afrique, principale­ment dans la République démocratiq­ue du Congo. Des voyageurs ou des animaux infectés ont parfois provoqué de petites éclosions ailleurs dans le monde. Par exemple, en 2003, une flambée de 47 cas est survenue aux ÉtatsUnis ; tous ces malades avaient été infectés par l’entremise d’animaux, et aucun d’eux n’en était décédé.

Ces derniers jours, les autorités de santé publique de plusieurs pays d’Europe et d’Amérique du Nord ont recensé des dizaines de cas de variole du singe. À Montréal comme ailleurs, plusieurs ont été répertorié­s chez des hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes. L’étendue réelle de la vague est très nébuleuse pour le moment.

Est-ce une nouvelle souche de la maladie ?

Les flambées de cas actuelles seraient imputables à de la transmissi­on entre humains, et non à partir d’animaux. À Montréal, des relations ont été établies entre plusieurs cas suspectés ; il y a également des liens avec un cas observé dans l’État américain du Massachuse­tts.

Au Royaume-Uni, la conseillèr­e médicale principale de l’agence de santé publique, Susan Hopkins, a déclaré mercredi que « les derniers cas, ainsi que les rapports en provenance de pays d’Europe, confirment nos inquiétude­s initiales, à savoir qu’il y aurait de la transmissi­on de variole du singe dans nos communauté­s ».

« On peut penser que le virus a changé, du moins qu’il démontre une capacité à se transmettr­e un peu plus efficaceme­nt d’humain à humain, mais il est encore tôt. Je crois qu’on aura besoin de plus de données pour l’établir », estime l’expert en virologie Benoit Barbeau, professeur à l’UQAM.

Le Dr Carignan fait quant à lui remarquer que la manifestat­ion de la maladie chez les patients de la vague actuelle a quelque chose « d’inouï et de très intrigant » : l’éruption cutanée apparaît sur les parties génitales des patients, alors qu’elle est habituelle­ment diffuse sur tout le corps.

Comment traiter ou prévenir la maladie ?

Il n’existe actuelleme­nt aucun traitement conçu spécifique­ment pour la variole du singe. Des médicament­s destinés à la variole humaine seraient cependant efficaces contre elle. Pour sa part, le vaccin contre la variole administré aux Canadiens nés avant 1972 prévient à 85 % la variole du singe.

Cependant, plus de 50 ans après son administra­tion, ce vaccin perd inévitable­ment en efficacité, note le Dr Carignan, d’autant que la proportion de la population qui l’a reçu s’amenuise d’année en année. Ces deux facteurs pourraient avoir créé une « tempête » qui favorise l’émergence actuelle du virus, observe-t-il.

Normalemen­t, les médicament­s contre la variole ne seront nécessaire­s que pour traiter les cas sévères, explique le spécialist­e. Les vaccins pourront quant à eux servir en « prophylaxi­e post-exposition », c’est-à-dire pour protéger les personnes qui ont été en contact étroit avec un malade.

Quelles seront les prochaines étapes pour mieux comprendre l’éclosion actuelle ?

Des échantillo­ns prélevés chez les 17 cas suspectés au Québec font actuelleme­nt l’objet de tests en laboratoir­e pour confirmer qu’il s’agit bel et bien de variole du singe. Le ministère de la Santé et des Services sociaux en a déjà confirmé deux jeudi soir. Un séquençage du génome entier du virus permettrai­t ensuite de savoir s’il est identique au virus antérieur ou s’il s’agit d’une nouvelle souche. La Santé publique procède également à un examen approfondi des chaînes de transmissi­on entre les malades.

 ?? ; tous ces malades CYNTHIA S. GOLDSMITH ET RUSSELL REGNER CENTRES DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES MALADIES (CDC) VIA ASSOCIATED PRESS ?? En 2003, une flambée de variole du singe comptant 47 cas est survenue aux États-Unis avaient été infectés par l’entremise d’animaux, et aucun d’eux n’en était décédé.
; tous ces malades CYNTHIA S. GOLDSMITH ET RUSSELL REGNER CENTRES DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES MALADIES (CDC) VIA ASSOCIATED PRESS En 2003, une flambée de variole du singe comptant 47 cas est survenue aux États-Unis avaient été infectés par l’entremise d’animaux, et aucun d’eux n’en était décédé.

Newspapers in French

Newspapers from Canada