Le Devoir

Cinq craintes — fondées ou non ? — au sujet de la loi 96

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Exit l’anglais des établissem­ents de santé ?

APPRÉHENSI­ON « S’il y a un manque de communicat­ion efficace, il peut y avoir des conséquenc­es graves. […] Le projet de loi préconise des restrictio­ns concernant [ceux] qui pourr[ont] être servi[s] dans une langue autre que le français. »

Eric Maldoff, président de la Coalition pour des services sociaux et de santé de qualité

RÉPLIQUE « La loi 96 ne change absolument rien à l’obligation qu’on a comme gouverneme­nt de donner des services en anglais, même aux nouveaux arrivants qui parlent juste anglais. Donc, il n’y a rien de changé de ce côté-là. »

François Legault, premier ministre ÉCLAIRAGE « On est un peu dans un débat de sourds où la loi énonce un principe [les organismes publics “doivent, de façon exemplaire, utiliser la langue française”] et prévoit des exceptions [la santé, la sécurité et la justice naturelle]. La critique présume que les exceptions vont être interprété­es de façon extrêmemen­t restrictiv­e, alors que, normalemen­t, la loi s’interprète généreusem­ent en faveur des individus. »

Patrick Taillon, professeur de droit à l’Université Laval

Trois cours «de» ou «en» français de plus au cégep

APPRÉHENSI­ON « Le projet de loi 96 va faire du mal à des [jeunes autochtone­s] parce qu’on leur imposera une autre langue comme ici, au collège Dawson. Nous sommes recolonisé­s par le gouverneme­nt du Québec, [qui] a maintenant une politique de tuer l’Indien pour sauver la langue française. »

Kenneth Deer, membre de la nation mohawk de Kahnawake RÉPLIQUE « Les étudiants autochtone­s qui sont ayants droit pourront choisir de suivre trois cours de français, adaptés à leur niveau, plutôt que de suivre trois cours en français. […] La protection de la langue française et la protection des langues autochtone­s ne s’opposent pas. » Cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette ÉCLAIRAGE « Certains pourraient dire : “Telle catégorie de citoyens, leur imposer des cours en français, c’est une barrière de plus sur leur route vers l’égalité.” Mais du moment où il y a la dérogation [à la Charte des droits et libertés de la personne], tu ne peux pas plaider le droit à l’égalité. » Patrick Taillon, professeur de droit à l’Université Laval

Du français « immédiatem­ent » en justice

APPRÉHENSI­ON « Cela rendra l’administra­tion de la justice beaucoup plus lourde et plus lente. Cela nécessiter­a la traduction en français des actes de procédure et des jugements, et c’est un problème parce que les services judiciaire­s en anglais sont déjà sous-financés et inadéquats. Le projet de loi 96 interférer­a également avec la nomination de juges bilingues. » Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill RÉPLIQUE « Ces critiques sont infondées. […] Il est tout à fait normal que les citoyennes et les citoyens puissent avoir accès à des jugements dans la langue commune et officielle, le français. Le projet de loi s’en assure. En ce qui concerne la nomination des juges, le fait de ne pas maîtriser une autre langue que la langue officielle, aussi consacrée langue de la justice au Québec, ne devrait pas constituer d’office une barrière pour accéder à la fonction de juge au Québec. » Cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette ÉCLAIRAGE « Il y a peut-être matière à avoir un débat jusqu’en Cour suprême. [La Cour du Québec] prétend qu’elle identifie ses besoins et dit que cela lui prend tant de juges bilingues. Le ministre est allé changer sa loi. Il y a une tension. » Patrick Taillon, professeur de droit à l’Université Laval

Porte ouverte aux perquisiti­ons sans mandat

APPRÉHENSI­ON « Le gouverneme­nt ne sera plus limité par les droits et libertés individuel­s en cas de perquisiti­on et de saisie abusives. »

Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill RÉPLIQUE « Il importe de rectifier ce message mensonger. L’OQLF ne fait actuelleme­nt pas de fouilles, de perquisiti­ons, ni de saisies et le projet de loi ne le permet pas non plus. L’Office a des pouvoirs d’enquête et d’inspection qui sont similaires à ceux d’autres entités administra­tives. » Cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette ÉCLAIRAGE « Il est vrai de dire que le recours à la dérogation va empêcher de plaider devant les tribunaux certains articles qui encadrent l’action de l’État lorsqu’il fait des fouilles, des saisies. […] Mais prétendre que ces inspecteur­s-là vont maintenant pouvoir faire n’importe quoi, c’est de la pure démagogie. Ce n’est pas parce qu’il y a une dérogation que le secret profession­nel va pouvoir être violé à la moindre inspection. »

Patrick Taillon, professeur de droit à l’Université Laval

En français seulement entre l’État et les immigrants après six mois

APPRÉHENSI­ON « Je peux parler couramment après sept ans. C’est ma réalité d’immigrante philippine. Alors, comment diable peut-on s’attendre à ce qu’un immigrant nouvelleme­nt arrivé puisse acquérir une toute nouvelle langue en six mois ? C’est impossible. »

Cheney de Guzman, responsabl­e de l’OBNL PINAY

RÉPLIQUE « Seulement 53,7 % des allophones qui font un transfert linguistiq­ue le font vers le français. […] Des exceptions sont prévues au projet de loi 96 en matière de santé, de sécurité ou lorsque les principes de justice naturelle l’exigent. En terminant, l’accès aux cours de francisati­on sera facilité et amélioré grâce à la création de Francisati­on Québec. » Cabinet du ministre Simon Jolin-Barrette ÉCLAIRAGE « Il y a trois exceptions : la santé, la sécurité et la justice naturelle. Qu’on soit un ayant droit, un immigrant… n’importe qui a le droit à des services en anglais, même après six mois. »

Patrick Taillon, professeur de droit à l’Université Laval

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