Le Devoir

La petite histoire d’une grande loi 96

- François Carabin

Le ministre Simon Jolin-Barrette a ajusté tout au long de la dernière année les dispositio­ns de son projet de loi réformant la Charte de la langue française.

Le Devoir s’est adonné au « jeu des 96 différence­s ». La Solution.

Le ministre responsabl­e de la Langue française est resté sourd, ces derniers mois, aux demandes répétées du Parti québécois (PQ) et de syndicats de professeur­s de cégeps francophon­es d’appliquer la « loi 101 » au réseau d’études collégiale­s. Il a plutôt décidé de limiter la croissance annuelle des cégeps anglophone­s, avant d’aller plus loin en plafonnant leur capacité d’accueil. À l’avenir, le nombre de places dans les établissem­ents anglophone­s ne pourra pas dépasser 17,5 % de la capacité totale du réseau en 2019-2020.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) accuse le gouverneme­nt caquiste de faire « par la porte d’en arrière » ce que le PQ propose de faire en élargissan­t la portée de la Charte de la langue française aux cégeps. « Pour certains, on complique l’accès à l’enseigneme­nt supérieur, alors qu’on devrait toujours, dans toutes circonstan­ces, enlever les barrières à l’éducation », déplore le député André Fortin. Pourtant, en avril 2021, le PLQ proposait dans son plan « Parce que le français, c’est notre langue, notre force et notre avenir », assorti de 27 propositio­ns, rien de moins, de « maintenir le nombre actuel d’étudiants équivalent temps plein dans les cégeps anglophone­s ».

Cet hiver, le PLQ a convaincu Simon Jolin-Barrette d’amender le projet de loi 96 afin de « rendre la réussite d’un minimum de trois cours en français conditionn­elle à l’obtention du diplôme d’études collégiale­s » dans un cégep anglophone… avant de le prier à genoux de faire marche arrière.

Le ministre caquiste a plié devant le PLQ — et la Fédération des cégeps, selon qui l’amendement d’inspiratio­n libérale menaçait de pousser des milliers d’étudiants « dans l’incapacité d’être diplômés »… et de déclencher une « crise sociale ». Les étudiants « ayants droit » pourront choisir entre des cours spécifique­s à leur programme d’études en français et des cours de français langue seconde, a déterminé le gouverneme­nt caquiste dans la dernière ligne droite de l’étude du projet de loi 96.

Au-delà des cégeps...

Les membres de la Commission de la culture et de l’éducation ont également adopté un amendement pour préciser dans la législatio­n québécoise que la langue française est « la seule » langue commune au Québec. L’objectif : « enleve[r] toute ambiguïté » sur le caractère unilingue français du Québec, a soutenu l’instigateu­r de l’amendement, le député péquiste Pascal Bérubé.

En revanche, ils ont précisé que le projet de loi 96 n’affecterai­t en rien la prestation de services de santé en anglais, garantie par la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Par ailleurs, le ministre JolinBarre­tte s’est donné les outils nécessaire­s pour retirer l’exigence du bilinguism­e pour certains postes de juge, à laquelle la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, est pourtant attachée.

Si certains pans du projet de loi ont été revus et corrigés depuis le début de son examen par l’Assemblée nationale, il y a huit mois, plusieurs autres demeurent inchangés. Une fois sanctionné­e, la « loi 96 » modifiera la Loi constituti­onnelle de 1867 du Canada pour y affirmer « que les Québécoise­s et Québécois forment une nation » dont la langue commune est le français. Celle-ci sera, par ailleurs, « nettement prédominan­te » dans l’affichage public, promet Simon Jolin-Barrette.

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