Défendre une langue commune au nom du bien collectif
Il ne faut pas se gêner pour contester l’argumentation des pourfendeurs du projet de loi 96
À la suite de la modification du projet de loi 96, les cégépiens anglophones de la communauté historique pourront suivre trois cours de français plutôt que trois cours en français, tandis que les étudiants francophones et allophones devront montrer leur maîtrise de la langue commune à travers trois cours en français et en réussissant l’épreuve uniforme de français. Toutefois, le projet de loi 96 n’est toujours pas acceptable selon les associations étudiantes des cégeps Dawson (Dawson Student Union) et John Abbott (Student Union of John Abbott College), entre autres.
Certes, la section du projet de loi 96 sur l’éducation collégiale a des lacunes importantes, notamment le fait de ne pas envisager un statut spécial pour les Autochtones et l’incohérence de devoir suivre cinq cours de français en quatre sessions.
Cela dit, dans la rhétorique des groupes étudiants mentionnés, ce sont principalement les libertés individuelles qui sont invoquées dans les arguments contre la loi.
Elle serait mauvaise pour leur succès scolaire, entraînant notamment une baisse de leur cote R. Ce serait plus « difficile » et « décourageant » pour les étudiants francophones et allophones de parfaire leur anglais. Cela compromettrait leur avantage sur le marché du travail, la raison pour laquelle plusieurs d’entre eux s’inscrivent dans les établissements anglophones.
L’anglais dans le parcours
Je ne vois pas pourquoi des cours de français langue seconde seraient spécialement difficiles et inquiétants. Ces cours seraient adaptés au niveau de langue des élèves.
De plus, faut-il rappeler que les jeunes étudiants d’à peu près partout dans le monde doivent étudier l’anglais durant leur parcours ? Pourtant, personne ne le remet en question, même si cela est potentiellement dommageable pour leurs notes.
Pour ce qui est des trois cours de français, on voit d’un mauvais oeil le fait qu’ils seront imposés aux étudiants immigrants. Pourtant, rien de plus logique ; c’est la langue officielle et amplement majoritaire de leur terre d’accueil ! Ce que l’on voit comme un désavantage pour le marché du travail serait, au contraire, un atout, car la maîtrise du français est utile bien évidemment au Québec et au Canada, mais aussi à l’échelle internationale.
Et pour les francophones et allophones qui pourraient être forcés de s’inscrire dans un cégep francophone à cause du plafonnement des inscriptions dans les cégeps anglophones, il ne faudrait pas oublier qu’il y a plusieurs autres façons de perfectionner son anglais : académies, cours à option au cégep, échanges étudiants, échanges linguistiques, voyages, etc.
Mécontentement
On vient couronner le tout lorsque l’on affirme que le plafonnement désavantagerait les étudiants francophones, puisque les anglophones seraient priorisés et qu’ainsi, « l’admission aux institutions collégiales ne serait pas basée exclusivement sur le mérite ». Donc, il faut en comprendre que le respect de la méritocratie est plus important que la défense de la langue commune du Québec !
Évidemment, ces nouveaux règlements impliqueront des efforts supplémentaires de la part des étudiants, et d’une certaine façon, on peut comprendre leur mécontentement. Mais il faut remettre en question l’argumentation individualiste, et ne pas la laisser dominer moralement la défense des droits de la société québécoise, en l’occurrence, la défense de sa langue commune.