Truffaut, épistolier
Il est sûrement le plus littéraire des cinéastes français. Et jusqu’au choc qu’a été pour lui Citizen Kane en 1946, les livres et la littérature occupaient la première place dans son coeur.
À défaut de devenir lui-même écrivain, François Truffaut (1932-1984) va tenter pendant toute sa vie de marier sa double passion pour le cinéma et la littérature. Il aura, dira-t-il dans un entretien de 1982, l’ambition « de faire des films qui ressemblent à des romans. »
Épistolier compulsif, le cinéaste a aussi entretenu pendant toute sa vie des correspondances à travers le monde. Privilégier les lettres au téléphone comme moyen de communication était pour lui, semble-t-il, une manière de tenir le monde à distance.
Si on connaissait déjà un fascinant volume de Correspondance, paru en 1988 (Le Livre de poche, 1993), cette Correspondance avec des écrivains (1948-1984), où on trouve à la fois des lettres de Truffaut et de nombreux écrivains, ne forme que la « partie visible de l’iceberg » puisqu’un grand nombre des lettres du cinéaste n’ont pas été retrouvées.
De l’âge de 17 à 21 ans, jeune journaliste, admirateur et souvent plein d’audace, Truffaut va ainsi longuement correspondre avec Cocteau, Genet et Audiberti (qu’il va engager comme chroniqueur aux Cahiers du cinéma en 1954). Devenu cinéaste avec Les mistons en 1957 (d’après Maurice Pons), il n’hésitera jamais ensuite à faire l’adaptation d’oeuvres littéraires — qui vont marquer surtout la première moitié de sa carrière. Pensons à Jules et Jim et Les deux Anglaises et le continent d’Henri-Pierre Roché, à Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, ainsi qu’à plusieurs romans de la « Série Noire ».
On y croise les mots de Louise de Vilmorin, de Romain Gary, de Henry Miller ou de Georges Simenon. Truffaut leur exprime son admiration et, parfois, son souhait de collaborer avec eux.
Parfois aussi, c’est un écrivain qui lui envoie des fleurs. Ainsi, un jeune Jacques-Pierre Amette (prix Goncourt 2003 pour La maîtresse de Brecht), en 1966, demande la permission à Truffaut de lui dédier son deuxième livre, qu’il doit en partie à La peau douce, lui écrit-il.
Un accès privilégié aux coulisses de l’oeuvre du cinéaste et une fenêtre ouverte sur son coeur de lecteur.