Les enfants cachés sous l’Occupation
Avec Coeurs vaillants, Mona Achache présente un hymne lumineux à la jeunesse sur fond de guerre
La mémoire se perpétue d’une génération à l’autre. D’ailleurs, Coeurs vaillants, de Mona Achache, fait écho à son histoire familiale. Ce film, qui suit le parcours d’enfants juifs sous l’Occupation, traqués, en fuite, ressuscite toute une gamme de sentiments qui lui furent transmis.
« Ce film répondait à une envie très ancienne, précise la cinéaste française. Retrouver intimement l’homme qui avait aidé ma grandmère juive quand elle était une enfant cachée. On en dénombrait alors 60 000 en France. Et j’ai voulu raconter ce périple qui portait un regard d’insouciance sur une période qui ne l’était guère. Ma grand-mère pouvait m’en évoquer à la fois le deuil, la peur et cette légèreté d’une aventure de liberté, propre à l’enfance qui pose sur des épisodes très noirs un regard forcément subjectif. Mais l’histoire à l’écran est fictive. » Le scénario, elle l’a écrit avec Valérie Zenatti, Christophe Offenstein, Jean Cottin et Anne Berest, s’éloignant de l’histoire de sa grand-mère. Le titre fait référence aux revues jeunesse Coeurs vaillants que les enfants cachés découvrent et apprécient dans le film.
Elle avait réalisé en 2014 Les gazelles, comédie de moeurs sur une bande de filles en libération. Pour Coeurs vaillants, elle s’est inspirée au scénario de figures de la Résistance et de ceux et celles qui protégeaient les oeuvres d’art contre la cupidité de l’occupant. L’attachée de conservation du musée du Jeu de Paume, à Paris, Rose Valland, héroïne de l’armée de l’ombre, a envoyé plusieurs trésors des collections en province, au château de Chambord, notamment.
Dans le film, six jeunes enfants juifs cachés dans les caisses d’un camion trouvent asile dans ce château de conte de fées avant d’être sauvés par une femme courageuse et rigide, Rose (Camille Cottin), qui les entraîne du côté de la liberté en se sacrifiant après une odyssée en forêt.
Chambord est au coeur du film, car la rivière du Cher, dans les environs, chevauchait jusqu’en 1942 la ligne de démarcation entre la zone libre et la zone occupée, plaque tournante des trafics et des évasions. « C’était un espace où se côtoyaient des Français et des Juifs. »
Obtenir les autorisations pour tourner au château fut un processus de mise en confiance. « Tout est né dans le dialogue, précise Mona Achache. On a promis d’être respectueux, de filmer là-bas avec une équipe réduite. Ils nous ont ouvert les portes de cet endroit mythique, où étaient encore entreposées des caisses dans une salle. L’aventure qu’on racontait s’est mêlée avec la leur. Je connaissais l’histoire de la Shoah, mais j’ai découvert celle de Chambord, avec ce château qui porte en lui toutes les périodes de l’histoire de France. »
Découverte graduelle
Mona Achache voulait avant tout parler des enfants face à la mort, en leur offrant un parcours initiatique, où la mort, l’amour, le jeu, la peur se mêlaient à une sensation d’extrême liberté. Trouver les jeunes interprètes s’est complexifié dans un contexte de confinement. « Les enfants n’ont pas pu se rencontrer avant le tournage et se sont apprivoisés au fur et à mesure. On s’est adaptés à leurs personnalités. Ils se racontaient et on a injecté leur réalité dans le film, qui était tourné de façon chronologique. Ça permettait de nous placer à hauteur d’enfant. Ils s’imprégnaient de leurs personnages avec l’énergie du présent. Dans une scène, quand ils se moquent d’un de leurs camarades, l’un d’eux s’est mis à pleurer. L’émotion qui jaillissait était juste. On l’a conservée. »
Pour le personnage de Rose, Mona Achache, qui avait déjà mis l’actrice en scène dans Les gazelles, n’a que des bons mots envers son interprète Camille Cottin. « Elle a une telle écoute et une telle capacité à rebondir. On s’était un peu inspirés de la figure de Mary Poppins pour la rudesse de son personnage qui se nourrit de tout ce que les enfants lui apportent. Il lui fallait à la fois tenir une distance et tisser des liens. »
La cinéaste et son directeur photo, Ísarr Eiríksson, ont voulu offrir au film une chaleur, en mariant les corps, les pierres et la nature, en utilisant souvent une caméra à l’épaule pour suivre chaque enfant et en ajoutant de la poésie au chaos sur une mise en scène quand même classique. Car Coeurs vaillants n’est pas un film sombre, malgré son thème, plutôt un hymne à l’enfance qui trouverait du merveilleux dans un champ de mines.
Coeurs vaillants sera à l’affiche en salle le 27 mai.