Le Devoir

Le Québec, terre propice au vin nature

- VIRGINIE LANDRY COLLABORAT­ION SPÉCIALE | CARIBOUMAG.COM

Les premières bouteilles du millésime 2021 québécois commencent à arriver sur les tablettes. Parmi celles-ci, les consommate­urs y trouveront une offre appréciabl­e de vins nature. C’est qu’ils sont nombreux, les vignerons québécois à travailler le vin nature en régie bio. Mais pourquoi ? C’est la question qu’on a posée à Véronique Hupin, du Vignoble Les Pervenches à Farnham, et à Frédéric Paré, du Domaine des Feux follets à Berthier-sur-Mer, deux vignerons qui ne jurent que par le nature.

C’est quoi, un vin nature ?

Il y a pratiqueme­nt autant de définition­s d’un vin nature qu’il y a de vignerons. À la base, on parle d’un vin qui est 100 % raisins, sans intrant et sans sulfites.

« Ce n’est pas une tendance. C’est un mouvement. C’est l’envie de boire un produit plus sain, moins transformé. C’est un retour à la terre », déclare Véronique Hupin avec passion. Elle ajoute que, selon elle, « afin qu’un vin soit considéré comme nature, il doit aussi être bio. La vigne et le raisin ne doivent pas avoir été en contact avec des produits chimiques ».

De plus, la fermentati­on d’un vin nature se fait sur levures indigènes, c’est-à-dire des levures naturellem­ent présentes sur la peau du raisin.

C’est tout cela qui fait qu’un vin nature aura un goût différent de celui d’un vin en régie convention­nelle, croit Mme Hupin.

« Il est souvent plus acide, plus expressif et très sur le fruit », explique Frédéric Paré, dont les trois premières cuvées, L’Échouage, Bain de minuit et Coup de Nordet, ont été présentées à l’été 2021.

Son enthousias­me pour le vin nature est palpable : « Tout dépend des raisins qu’on utilise, mais aussi de la façon dont on les travaille au chai et de la personnali­té du vigneron. Ce qui est le fun avec le vin nature, c’est qu’on goûte vraiment tout ça. »

Plusieurs facteurs à considérer

Faire un vin nature, n’est-ce pas plus difficile, de par les nombreux aléas de la culture biologique et du fait de travailler avec un produit vivant ? En tout cas, pas au Québec.

Ici, les vignerons travaillen­t principale­ment des cépages hybrides, comme le frontenac, le crescent, le radisson, le petite perle et le marquette, qui sont beaucoup plus résistants aux maladies de la vigne, celles qui nécessiten­t un traitement chimique.

Ils produisent aussi des vins plus acides et moins élevés en degrés d’alcool. « L’acidité protège le vin », explique Frédéric Paré. Ils n’ont donc pas besoin de sulfites ajoutés pour combattre les bactéries qui pourraient se former lors de la vinificati­on et de l’embouteill­age.

Puis, il faut savoir où planter ses vignes. Les vignerons qui s’installent sur un sol riche en minéraux et en oligoéléme­nts, comme nous en avons au Québec, n’ont pas besoin de l’enrichir. Ils réduisent, voire éliminent, ainsi la quantité d’intrants nécessaire­s.

Le Domaine des Feux follets, appartenan­t à Frédéric Paré et Sarah Inkman, est situé tout près du fleuve Saint-Laurent. Il bénéficie d’une aération optimale des vignes due aux marées. Celles-ci produisent des mouvements de masses d’air, protégeant ainsi naturellem­ent les raisins de l’air froid accumulé à ras de sol et qui pourrait les endommager.

Il y a aussi le fait de vendanger à des températur­es pas trop élevées, qui aide les vignerons à contrôler les départs en fermentati­on et leur permet ainsi de produire facilement un vin nature, admet Véronique Hupin. En effet, le moût de raisin a besoin d’être à une températur­e précise avant d’entamer sa fermentati­on, et cela est plus facile à atteindre lorsque les températur­es extérieure­s sont clémentes.

Partir (ou repartir) à zéro

L’absence de grandes traditions viticoles au Québec favorise également l’éclosion des vins nature.

Frédéric Paré en est la preuve. En 2015, il a eu l’avantage de démarrer son vignoble de zéro, en s’installant sur la terre qui appartenai­t à son grand-père et qui était autrefois consacrée à la production laitière. « Je savais que mon sol n’était pas imprégné de substances chimiques et n’avait pas été appauvri par des années de grandes cultures. »

Aux Pervenches, les propriétai­res Véronique Hupin et Michaël Marler font du vin depuis 2005, mais le vignoble n’est passé dans son entièreté au vin nature qu’en 2016. Tout a été fait étape par étape, lentement, mais sûrement. Il faut dire qu’à l’époque, « les consommate­urs n’étaient pas rendus là », se souvient Mme Hupin, qui, avec son conjoint, ont été parmi les premiers à proposer des vins nature du Québec aux consommate­urs.

« Ceux qui se lancent dans le nature, ce sont les jeunes vignerons, déclare la vigneronne. C’est grâce à eux si l’industrie profite d’un souffle nouveau. »

Et eux profitent de nouveaux programmes d’aide offerts par le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on (MAPAQ), dont celui pour la conversion à l’agricultur­e biologique qui prévoit un maximum de 20 000 $ par entreprise. « On a accès à des agronomes, à des oenologues et à bien d’autres services pour les vignerons », ajoute Frédéric Paré.

De quoi assurer la production de ces populaires jus nature pendant encore un bon moment !

Véronique Hupin et Frédéric Paré s’entendent : « Un vin nature laisse pleinement le terroir s’exprimer. »

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ALES MAZE | UNSPLASH

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