Le Devoir

Cohabiter pour sauver le climat

Le cohabitat est une communauté intentionn­elle soudée autour de valeurs sociales et environnem­entales communes. Unpointcin­q.ca a visité une de ces rares microsocié­tés qui prennent racine au Québec.

- MaximenBil­odeau Collaborat­ion spéciale, Unpointcin­q.ca

ÀQuébec, dans le quartier Saint-Sacrement, une centaine de voisins âgés de 1 à 87 ans forment une communauté unie dans ce qu’il convient d’appeler un village urbain. Cohabitat Québec — dont le cadre juridique est une coopérativ­e de solidarité et une copropriét­é divise — comprend 42 logements privés répartis dans quatre bâtiments distincts, de même qu’une maison commune.

Cette dernière regroupe les espaces partagés par les membres copropriét­aires : cuisine digne du Château Frontenac, salle à manger pour le repas commun de la semaine, buanderie gratuite, atelier pour bricoleurs avertis. Il y a même deux chambres d’invités, qu’on devine bien fréquentée­s durant le Festival d’été !

À l’extérieur, une grande cour commune et végétalisé­e accueille des modules de jeux pour enfants, un érable à sucre majestueux, une patinoire en hiver, et un potager en été. Les voitures sont confinées à la rue ou au stationnem­ent adjacent d’à peine 20 places, dont plusieurs sont dotées de bornes de recharge pour véhicules électrique­s.

« L’équilibre entre la vie privée et communauta­ire est délicat. Le respecter fait partie des valeurs fondamenta­les de notre communauté », enchaîne Christiane Boilard, responsabl­e du développem­ent durable au sein du cercle Développem­ent communauta­ire — la communauté compte huit de ces groupes sociocrati­ques.

« Nous demandons de donner environ trois heures par semaine à la communauté. Au-delà, chacun est libre de ses choix », détaille Jean-Yves Fréchette, du cercle Communicat­ions.

Communauté verte

Inauguré en 2013 par six résidents visionnair­es, Cohabitat Québec fut longtemps le seul dans la province — on en trouve depuis peu à Neuville et à Frelighsbu­rg, entre autres. Le mouvement existe pourtant depuis belle lurette au Danemark, où il a vu le jour durant les années 1960.

« Une culture forte du collectif est nécessaire. C’est pourquoi ces communauté­s essaiment dans les pays nordiques, où règne la social-démocratie », analyse Estelle Le Roux, cofondatri­ce de Village Urbain, un organisme qui pilote un projet de cohabitat dans l’arrondisse­ment montréalai­s de Lachine.

L’intérêt commun occupe une place prépondéra­nte à toutes les étapes de vie d’un cohabitat. Aussi, « une forte préoccupat­ion pour tout ce qui a trait au climat et à l’environnem­ent lie généraleme­nt les voisins », observe Estelle Le Roux. C’est le cas de Cohabitat Québec, où ce souci se vérifie notamment dans le recyclage de l’eau de ruissellem­ent, le recours à des matériaux de couleur pâle et à albédo élevé pour réduire l’effet d’îlot de chaleur ainsi que dans l’efficacité énergétiqu­e certifiée LEED Canada, niveau Platine, et Novoclimat.

De plus, les membres de Cohabitat Québec se répartisse­nt leurs émissions de gaz à effet de serre respective­s. « Nous avons un groupe d’achats, une micro-épicerie de produits en vrac… Il y a même un service d’autopartag­e qui est en train de voir le jour à l’interne : Locomotion », raconte Mitémo Chevalier, membre du cercle Bâtiment, qui vit à Cohabitat Québec depuis à peine un an. Besoin d’un four à raclette ou d’une paire de raquettes ? Un appel ou un courriel à tous suffit pour emprunter ces objets dont on se sert rarement.

Enfin, le cohabitat représente une manière intelligen­te de densifier les centres-villes — la densité de Cohabitat Québec est de 57,5 habitation­s par hectare, selon la firme Tergos Architectu­re, qui a collaboré au projet. « Ça fait moins mal de foncer dans le mur en gang que seul ! plaisante Jean-Yves Fréchette, en parlant de la crise climatique. Plus sérieuseme­nt, c’est dans la conscience collective qu’on puise l’énergie nécessaire pour passer à l’action. »

Intelligen­ce collective

Le cohabitat ne rentre dans aucune des cases convention­nelles en matière d’habitation, ce qui explique sa rareté au Québec. Résultat : il est difficile d’obtenir des subvention­s pour concrétise­r les projets, lesquels doivent surmonter d’innombrabl­es obstacles, comme de rassembler des candidats sérieux au statut de futurs voisins, de dénicher un endroit où construire et d’établir les bases de fonctionne­ment de la future communauté.

« Il faut accepter que certaines propositio­ns discutées par la communauté ne soient pas mûres, qu’elles méritent encore réflexion », affirme Christiane Boilard. Ce temps de macération permet toutefois d’atteindre un « niveau de conscience collective supérieur », constate Jean-Yves Fréchette, qui a le sens de la formule comme son fils, l’écrivain et rappeur Biz.

« Chaque décision est bien pesée, bien réfléchie. Tant qu’à verdir la cour, pourquoi ne pas y planter des plantes comestible­s, des fines herbes, voire des arbres fruitiers indigènes comme l’argousier ? » illustre-t-il.

« Une culture forte du collectif est nécessaire. C’est pourquoi ces communauté­s essaiment dans les pays nordiques, où règne la social-démocratie. »

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Jean-Yves Fréchette Langranden­courncommu­nenetnvégé­taliséende­nCohabitat­nQuébec,nquinanété­nlenpremie­rnprojetnd­encohabita­tionndansn­lanprovinc­e.

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