Le Devoir

Repenser la densificat­ion à Longueuil

- Propos recueillis par Rémi Leroux Collaborat­ion spéciale, Unpointcin­q.ca

Élue l’automne dernier sur un programme qui vise « l’exemplarit­é environnem­entale » de la Ville de Longueuil, Catherine Fournier, accompagné­e de son équipe, a déjà lancé plusieurs chantiers afin de répondre à l’urgence climatique. Rencontre avec la nouvelle mairesse de 30 ans, bien décidée à relever les défis environnem­entaux d’une grande ville de banlieue. Les villes de banlieue, qui peinent encore aujourd’hui à contrer l’étalement urbain, doivent adopter de nouvelles approches pour améliorer le cadre de vie de leurs habitants tout en contribuan­t à l’action climatique. Quelles sont celles que vous privilégie­z à Longueuil ?

L’urgence climatique impose aux municipali­tés d’avoir des approches complément­aires aussi bien sur le plan de la protection des milieux naturels, du verdisseme­nt et du développem­ent des transports actifs et collectifs que de la densificat­ion de l’habitat. Nous n’avons plus le choix. L’un de nos engagement­s principaux durant la campagne était la protection de plus de 1500 hectares de milieux naturels.

On le sait, les milieux naturels nous rendent des services écologique­s tellement importants, en filtrant notre air, en contribuan­t à abaisser la températur­e ambiante, en captant les gaz à effet de serre… Préserver les boisés et les milieux humides est le geste numéro un que peuvent poser les villes. Et nous sommes très chanceux, à Longueuil, car même si notre territoire est très étalé, les milieux naturels que nous avons ont une valeur écologique moyenne à élevée.

Le sujet de l’heure, la densificat­ion urbaine, semble également incontourn­able. Comment vous y attaquez-vous à Longueuil ?

Il y a des enjeux importants d’acceptabil­ité sociale lorsqu’on parle de densificat­ion. Elle doit se faire dans le respect des identités locales, de l’identité des quartiers, de l’intégratio­n architectu­rale. Notre responsabi­lité, c’est aussi de nous assurer d’avoir les infrastruc­tures pour recevoir cette densificat­ion. Dans l’arrondisse­ment de Saint-Hubert, de nombreux triplex ont été construits ces dernières années, ce qui a fait augmenter la population du secteur. Or, cela s’est répercuté sur le débit d’eau potable aux heures de pointe et a créé du mécontente­ment de la part des habitants.

Les gens pensent souvent que la densificat­ion, ce sont de grandes tours de condos. Certains quartiers peuvent s’y prêter, comme le quartier du métro. Mais là encore, si les services et les infrastruc­tures ne suivent pas, ça ne fonctionne­ra pas.

Dans les quartiers déjà bâtis, on peut faire de la densificat­ion différemme­nt, de la densificat­ion « douce ».

En ce moment, la réglementa­tion des villes n’est pas adaptée et ne favorise pas, par exemple, le logement bi- ou multigénér­ationnel ou la constructi­on de logements d’habitation accessoire­s. Pourtant, dans le Vieux-Longueuil, par exemple, il y a des gens qui ont de très grands terrains et qui pourraient construire des logements accessoire­s, des minimaison­s. Ce sont des pistes que nous allons explorer, notamment lors du Sommet pour l’habitation qui se tiendra en août prochain, que je coorganise avec mon collègue et maire de Laval, Stéphane Boyer.

Le nouveau Plan d’urbanisme de Longueuil 2021-2035 a été adopté avant votre arrivée. Il aborde en surface les solutions de densificat­ion. Est-ce contraigna­nt ?

On peut faire des ajustement­s, des changement­s de zonage, par exemple. Sans refaire l’exercice, qui est un travail de longue haleine, on peut tourner autour, contribuer à l’enrichir pour qu’il soit encore plus fidèle à nos orientatio­ns. Accroître l’offre de logements disponible­s et favoriser la mixité sociale, densifier le territoire, développer les services et le transport collectif…

Pour moi, l’urgence climatique et la crise de l’habitat ont manifestem­ent des débouchés communs, des pistes de solution partagées, et c’est notre responsabi­lité de déterminer les plus efficaces et de les mettre en oeuvre.

Sur le territoire de votre municipali­té, très étendu, le défi du transport collectif est également central…

Nos villes, les grandes banlieues, ont été construite­s autour de l’auto solo. On souhaite aujourd’hui que les gens aient le choix entre prendre leur auto, leur vélo, les transports en commun, marcher, mais aussi qu’ils réfléchiss­ent à se départir, par exemple, d’une de leurs deux voitures. Ce n’est qu’en augmentant et en diversifia­nt l’offre de transport qu’on fera reculer l’auto solo.

En même temps, nous devons composer avec le déficit structurel de financemen­t du transport collectif, surtout après deux ans de pandémie et d’effondreme­nt de la fréquentat­ion. Veut-on simplement remonter la pente prépandémi­e ou créer de l’offre supplément­aire ? Certains tarifs ont dû être augmentés dans le cadre de la refonte tarifaire de l’ARTM [Autorité régionale de transport métropolit­ain].

Même si la majeure partie de l’augmentati­on est assumée par les municipali­tés, une petite part revient aux usagers. On s’entend que ce n’est pas idéal quand tu veux promouvoir l’utilisatio­n des transports en commun, que ça n’envoie pas forcément le bon signal. Mais la réalité budgétaire est aussi à prendre en compte.

« L’urgence climatique et la crise de l’habitat ont manifestem­ent des débouchés communs, des pistes de solution partagées, et c’est notre responsabi­lité de déterminer les plus efficaces et de les mettre en oeuvre »

Durant la campagne, vous vous êtes également engagée à dresser un inventaire des gaz à effet de serre (GES) de la Ville de Longueuil…

Longueuil n’a pas d’objectifs de réduction de ses GES. Pour s’en fixer, encore faut-il avoir le portait précis des émissions que nous générons. C’était un engagement, et la réalisatio­n de l’inventaire est en cours. Nous avons également adhéré au printemps à la campagne internatio­nale « Objectif zéro », qui vise la mise en oeuvre d’un plan d’action climatique inclusif et résilient vers la carboneutr­alité, basé sur les pratiques les plus efficaces désignées par la science.

Nous allons également mettre en place et adopter cette année, grâce à l’appui du Centre québécois du droit de l’environnem­ent, une charte verte qui va définir les droits environnem­entaux des citoyens, mais aussi la responsabi­lité de la Ville.

Finalement, en ce qui concerne la participat­ion citoyenne, nous avons créé des comités consultati­fs. De nombreuses villes en ont depuis longtemps, mais ce n’était pas le cas de Longueuil. Nous avons en particulie­r créé le Comité consultati­f en environnem­ent, pour lequel nous avons reçu de nombreuses candidatur­es de citoyennes et citoyens qui ont le goût d’aider la Ville dans ses prises de décision. Cela témoigne de l’intérêt de la population pour les questions environnem­entales.

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PhotostVal­ériant MazataudtL­etDevoirt/ Rémit Leroux Pendant sa campagne électorale, la mairesse Catherine Fournier (cidessous) s’est engagée à protéger plus de 1500 hectares de milieux naturels sur le territoire de Longueuil.
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