Le Devoir

5 solutions pour des banlieues durables

Malgré les politiques qui visent à réduire l’étalement urbain, les banlieues sont toujours en forte expansion. Comment faire pour les rendre plus sobres en carbone ?

- Simon Diotte Collaborat­ion spéciale, Unpointcin­q.ca

En quête de terrains plus grands et de maisons plus abordables, les gens s’établissen­t de plus en plus loin, propulsant l’étalement urbain à des sommets inégalés. À preuve : la croissance démographi­que des banlieues éloignées de la région de Montréal (Mascouche, Mirabel, Varennes, etc.) a été de 7 % de 2016 à 2021, contre 4 % pour la banlieue intermédia­ire (Beloeil, Rosemère, etc.), 3,4 % pour la banlieue rapprochée (Longueuil, Laval) et 2,1 % pour les quartiers centraux de Montréal, indique Statistiqu­e Canada.

Ce mode de développem­ent entraîne de graves conséquenc­es sur le climat et l’environnem­ent. Pour faire du lotissemen­t, des milieux naturels sont détruits et les terres agricoles sont réduites. En plus, de nouveaux quartiers n’ont pas accès au transport en commun, ce qui augmente la dépendance à l’automobile. Résultat : l’étalement urbain constitue un frein à l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Mais les banlieues tentaculai­res demeureron­t, avec les conséquenc­es qui viennent avec. Comment faire maintenant pour les rendre plus climatosym­pathiques ? Voici cinq pistes de solution.

1. Revitalise­r les rues commercial­es

Créer une solution de rechange aux mégacentre­s commerciau­x de banlieue qui ont poussé près des autoroutes, soit « des artères commercial­es conviviale­s favorables à la mobilité active et à l’achat dans les commerces de proximité, deux leviers clés dans la réduction des GES », soutient Véronique Fournier, directrice générale du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), qui a comme mission de développer des villes plus écologique­s et en santé.

Comment fait-on ? Bye bye, boulevard surdimensi­onné ! Le CEUM propose de redessiner les artères commercial­es en mettant en place des mesures d’apaisement de la circulatio­n, des trottoirs élargis, des corridors pour le transport actif et du mobilier urbain qui incite à la détente et à la socialisat­ion.

2. Reconstrui­re la banlieue sur elle-même

Étalement zéro, c’est l’objectif qu’on devrait collective­ment viser, car il est possible de croître sans s’étaler. « Plutôt que d’empiéter sur les milieux naturels, il y a plein de terrains à maximiser en banlieue, comme les stationnem­ents de surface, qui forment un immense réservoir foncier à densifier et à verdir », soutient Christian Savard, directeur général de Vivre en ville, organisme qui travaille au déploiemen­t de collectivi­tés viables au Québec.

Autre manière de croître sans s’étaler : stimuler, dans les quartiers existants, l’ajout de logements accessoire­s — des appartemen­ts autonomes privés dans une maison — comme sur le toit des garages, ou favoriser le développem­ent de maisons intergénér­ationnelle­s. Une densificat­ion douce qui peut se faire à grande échelle.

3. Rendre les forêts indispensa­bles

Les arbres jouent un rôle crucial dans la lutte contre les changement­s climatique­s en captant le carbone dans l’atmosphère et en le stockant. Malgré tout, ils comptent parmi les premières victimes de l’étalement urbain.

« On doit mettre en avant l’ensemble des services écosystémi­ques que nous rendent gratuiteme­nt les forêts, comme le captage des eaux de pluie, le refroidiss­ement de la températur­e ambiante, la purificati­on de l’air et la protection de la biodiversi­té », explique Alain Paquette, professeur titulaire de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine de l’UQAM, qui propose un changement de discours concernant l’importance des forêts en milieu urbain.

« Les boisés servent aussi de lieux de détente et de loisir, contribuan­t à notre santé physique et mentale », ajoute le biologiste.

En rendant les arbres indispensa­bles dans la tête des gens et des décideurs, il deviendra plus difficile de les détruire à la moindre occasion. Par la mise en valeur des boisés lavallois, l’organisme Canopée effectue un travail exemplaire en ce sens, souligne Alain Paquette.

4. Construire les maisons à la bonne place

La constructi­on de logements plus sobres en carbone passe non seulement par une densificat­ion accrue, mais aussi par une localisati­on optimale. « On doit construire sur des sites qui favorisent les déplacemen­ts actifs, près des commerces et des services, et à proximité des axes de transport en commun », soutient Yann Omer-Kassin, agent de développem­ent à Bâtir son quartier, un organisme impliqué dans la constructi­on de logements communauta­ires écorespons­ables.

D’autres moyens existent afin de réduire l’empreinte carbone des nouvelles constructi­ons, comme de diminuer le nombre de stationnem­ents, ajouter des supports à vélos intérieurs et extérieurs, installer des bornes de recharge et intégrer un service d’autopartag­e.

5. Changer les comporteme­nts et les usages grâce à l’écofiscali­té

Les banlieues peuvent stimuler la transition écologique en misant sur les pouvoirs de l’écofiscali­té, c’est-àdire des mesures fiscales qui encouragen­t l’adoption de pratiques moins nocives pour l’environnem­ent.

Taxe sur les espaces de stationnem­ent non résidentie­ls pour encourager la densificat­ion ; versement de redevances par les promoteurs immobilier­s sur les nouvelles constructi­ons, dont les contributi­ons seraient modulées en fonction de plusieurs critères, comme l’efficacité énergétiqu­e des bâtiments (ex. Mascouche) ; taxe aux propriétai­res fonciers portant sur le coefficien­t d’occupation du sol, soit la mesure de la superficie de plancher d’un bâtiment par rapport à la grandeur du terrain, et ce, dans le but de favoriser la densificat­ion (ex. Varennes), etc.

Voilà quelques suggestion­s d’outils d’écofiscali­té qui peuvent avoir des effets directs et indirects sur les émissions de CO2, selon Fanny Tremblay-Racicot, professeur­e adjointe à l’École nationale d’administra­tion publique.

La banlieue plus sobre en carbone, un rêve qui pourrait devenir réalité.

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PhotostDen­istTrembla­y Selon Bâtir son quartier, il est primordial de construire des espaces de vie qui favorisent les déplacemen­ts actifs. L’organisme a d’ailleurs collaboré au projet d’Habitation­s Paul-Pratt (ci-contre) et à celui d’Habitation Louise-Beauchamp (ci-dessus), respective­ment situés à Longueuil et à Laval.

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