Le Devoir

Ne créons pas deux classes de patients hébergés

- Linda Vaillant Pharmacien­ne, directrice générale de l’Associatio­n des pharmacien­s des établissem­ents de santé du Québec (APES)

Depuis déjà trop longtemps, de multiples questions sont régulièrem­ent soulevées dans l’espace public quant aux services offerts à nos aînés vivant dans des CHSLD privés du Québec. Comme acteurs de premier plan du réseau de la santé, les pharmacien­s d’établissem­ent, soit ceux oeuvrant dans nos hôpitaux et nos CHSLD, ont souvent fait part de leurs préoccupat­ions quant à la qualité des soins prodigués dans les CHSLD privés. Bien entendu, le réseau public fait lui aussi face à certains défis, notamment en ce qui concerne le manque de personnel, mais force est d’admettre que les problèmes sont encore plus criants dans le réseau privé. La pandémie de COVID-19, surtout lors de la première vague, nous a d’ailleurs rappelé cette triste réalité.

Plus récemment, l’enquête publique de la coroner Géhane Kamel est venue mettre en lumière les circonstan­ces entourant le décès de 53 personnes au cours de cette première vague. Le 16 mai dernier, la coroner rendait public son rapport, dans lequel elle fait un constat qui ne peut pas être plus clair : « Les CHSLD privés sont malheureus­ement une solution non viable si l’on veut offrir une qualité de soins digne de ce que les personment

En 2022, nous avons le devoir collectif d’offrir aux aînés du Québec les soins sécuritair­es qu’ils méritent

nes âgées méritent », mentionne-t-elle en toutes lettres. Les propos de la coroner viennent donc corroborer le constat que fait l’APES depuis longtemps. Afin de remédier à cette situation, Me Kamel recommande au gouverneme­nt du Québec de convertir tous les CHSLD privés en CHSLD privés convention­nés.

De l’avis de l’APES, cette propositio­n de la coroner Kamel demeure cependant insuffisan­te. Nous croyons que le gouverneme­nt doit aller plus loin et convertir tous les CHSLD privés en CHSLD publics afin que ces établissem­ents soient placés sous la gouverne des CISSS et des CIUSSS, ce qui n’est pas le cas pour les CHSLD privés convention­nés. Faire passer tous les établissem­ents au réseau public comportera­it plusieurs avantages pour un suivi plus adéquat des patients, notamment sur le plan des soins pharmaceut­iques.

Citons, entre autres, des clientèles communes aux hôpitaux et aux lieux d’hébergemen­t, soit majoritair­ement des personnes âgées vulnérable­s, et la nécessité pour les CHSLD de disposer de ressources existantes dans les hôpitaux, telles que des profession­nels travaillan­t en équipe interdisci­plinaire, des expertises diverses, un circuit du médicasécu­ritaire et des protocoles de soins tirés des meilleures pratiques.

De plus, si une hospitalis­ation est nécessaire, le fait que les CHSLD et leur personnel soignant fassent partie des établissem­ents de santé aide à coordonner les soins et les services, en plus d’assurer leur continuité lors du retour en milieu d’hébergemen­t. Pour les pharmacien­s présents en CHSLD, la communicat­ion directe avec la pharmacie du CISSS ou du CIUSSS de même que l’accès à l’expertise de pairs dans des secteurs spécialisé­s (ex. : infectiolo­gie, gériatrie, cardiologi­e, etc.) peuvent faciliter l’obtention de réponses essentiell­es aux soins à prodiguer.

En 2022, nous avons le devoir collectif d’offrir aux aînés du Québec les soins sécuritair­es qu’ils méritent. Le Plan santé du ministre Dubé offre au gouverneme­nt la chance de prendre les décisions qui s’imposent, et cela commence par l’uniformisa­tion des soins des CHSLD au Québec, en les intégrant tous au réseau public. Rappelons que les CHSLD privés convention­nés, tout comme les CHSLD privés, doivent à tout prix produire des bilans financiers positifs.

Or, en situation pandémique ou dans toute autre circonstan­ce exceptionn­elle, la préoccupat­ion budgétaire doit être mise de côté pour prioriser les soins aux patients. Pour le bien de nos aînés, ne créons pas deux classes de patients hébergés.

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