Un projet de loi pour réduire l’attente aux petites créances
Vu la longue attente pour obtenir une date de procès aux petites créances, le ministre de la Justice, Simon JolinBarrette, a déposé mercredi un projet de loi qui rendrait la médiation gratuite obligatoire, et l’arbitrage automatique, lorsque la somme réclamée est de moins de 5000 $.
Cette mesure toucherait la moitié des dossiers aux petites créances, estime le ministre, qui y voit une façon de réduire les délais pour les citoyens, mais aussi de décharger les juges qui auront alors plus de temps pour entendre d’autres causes.
Le constat est alarmant : l’attente ne cesse de s’allonger aux petites créances, une division de la Cour du Québec qui entend les causes d’une valeur pécuniaire de 15 000 $ et moins. Les citoyens s’y représentent eux-mêmes, sans avocat, pour une foule de réclamations allant du contrat de rénovation non payé à celle dirigée contre un vendeur qui refuse de rembourser un téléviseur défectueux.
Les données du gouvernement québécois font actuellement état d’une période moyenne de 664 jours entre le dépôt de la réclamation et la date de procès.
« C’est pratiquement deux ans. C’est très long », a dit le ministre en conférence de presse mercredi sur son projet de loi 8. L’attente dépasse trois ans dans certains districts, a-t-il reconnu.
Le ministre Jolin-Barrette fait le calcul suivant : parmi les 18 000 à 20 000 réclamations déposées chaque année aux petites créances, environ la moitié concerne des montants de moins de 5 000 $. Si le projet de loi est adopté, cela représenterait environ 10 000 dossiers qui n’auraient plus à être traités par des juges. Par la suite, il aimerait que la médiation obligatoire s’applique à tous les dossiers des petites créances. Son taux de succès est de plus de 50 %.
Le délai pour la médiation serait de 3 à 9 mois, bien en deçà de la moyenne d’attente de 22 mois avant que l’affaire soit entendue par un juge, a déclaré le ministre.
Et si la médiation ne fonctionne pas, le dossier sera alors transmis automatiquement à un arbitre, dont la décision mettrait fin au litige.
« Ça va désengorger le tribunal », a commenté la bâtonnière du Québec, MeCatherine Claveau, en entrevue. C’était d’ailleurs une piste de solution qui avait été suggérée par le Barreau au ministre.
Pour que son projet soit couronné de succès, il faut évidemment que suffisamment de médiateurs soient disponibles et prêts à accepter le taux horaire de 114 $ l’heure, une rémunération inférieure à celle que facturent bien des avocats à Montréal. M. JolinBarrette a déclaré qu’il y avait assez de médiateurs accrédités au Québec pour répondre à la demande.
Pour attirer les médiateurs, il faut qu’ils soient adéquatement rémunérés, souligne la bâtonnière : il serait donc intéressant, selon elle, que la mesure soit accompagnée d’une révision des tarifs.
Simplifier pour aller plus vite
Le projet de loi 8 prévoit bon nombre d’autres mesures visant à simplifier le cheminement des causes en Cour du Québec, ce qui permettrait, selon le ministre, de réduire la durée des procédures judiciaires — et donc aussi les coûts pour les citoyens.
Si son projet voit le jour tel quel, il n’y aura plus d’interrogatoires avant procès dans les causes de moins de 50 000 $, les expertises seront aussi limitées et les défenses auront au plus deux pages pour présenter les éléments de la contestation.
La médiation sera là aussi favorisée : les dossiers ayant réalisé cette étape, mais sans succès, seront priorisés et se retrouveront en haut de la pile remise aux juges.
Le projet de loi prévoit aussi que les notaires ayant plus de 10 ans de pratique pourront être nommés juges à la Cour du Québec « pour diversifier la magistrature. » Ils ont la même formation que les avocats, a justifié le ministre, et leur « approche axée d’abord sur la prévention et la conciliation » sera utile puisqu’il veut « miser davantage sur la médiation ».
Jusqu’à maintenant, la seule voie d’accès à la magistrature est la profession d’avocat. Les notaires n’ont pas été formés en matière de litiges devant les tribunaux et n’ont d’ailleurs pas le droit d’y représenter des clients. La loi, si elle est adoptée, leur permettrait pourtant de présider des procès — sans en avoir fait un seul.
La bâtonnière s’est dite « tout à fait étonnée » de cette proposition.
« On n’a pas vu venir cela. Ça n’a jamais fait l’objet de discussions. »
Si la formation universitaire est la même pour les avocats et les notaires, elle diverge par la suite, les deux professions ayant différentes spécialités, résume-t-elle, ajoutant que la majorité des avocats qui accèdent à un poste de juge ont une expérience de litige devant les tribunaux.