Le Devoir

Échec patent de nos politiques sociales

- Guillaume Vallières et Claudia Léger Le premier est étudiant au baccalauré­at en droit à l’UQAM ; la seconde est candidate au doctorat en sociologie à l’UQAM.

Les divers commerces de la rue Sainte-Catherine, à la sortie du métro BerriUQAM, semblent souffrir depuis déjà quelques années. En 2020, durant la pandémie, la fermeture du bar L’Escalier, situé juste à la sortie du métro, nous avait énormément touchés. Le contexte était toutefois différent de celui d’aujourd’hui.

La toute récente annonce de la fermeture du magasin Archambaul­t revêt, quant à elle, des allures plus dérangeant­es dans sa justificat­ion. Dans un communiqué, Archambaul­t évoquait : « Une analyse interne approfondi­e a révélé que l’évolution du tissu urbain dans le secteur de la place Émilie-Gamelin, conjuguée à l’évolution des habitudes des consommate­urs, ne permet plus de rentabilis­er l’exploitati­on commercial­e du Archambaul­t Berri, en dépit d’investisse­ments importants réalisés au cours des dernières années. »

Bien qu’il soit clair que le « tissu urbain » ait changé dans le secteur, le fait de sous-entendre que ce changement agit comme un frein à l’économie du quartier pose de sérieuses questions quant à la manière dont nous percevons les personnes en situation d’itinérance. En ce sens, la fermeture d’un commerce, aussi symbolique soit-il, ne doit pas nous faire oublier les réels enjeux au coeur de cet événement : l’inefficaci­té de nos politiques de lutte contre la pauvreté. Plus précisémen­t, nous pensons que ce qu’il se passe à la place Émilie-Gamelin n’est que la mise en exergue de l’échec de nos politiques sociales en matière d’itinérance et de logement ; toutes deux liées.

Partout où elles sont nombreuses, les personnes en situation d’itinérance sont perçues, à tort, comme un problème. Se joue alors l’éternel jeu de la délocalisa­tion et de la relocalisa­tion. Le démantèlem­ent d’un campement force l’émergence d’un autre, la fermeture d’un refuge temporaire­ment établi impose le retour à la rue de dizaines de personnes ; et la roue tourne.

Montrer du doigt les population­s en situation d’itinérance qui se sont installées dans le secteur de la place Émilie-Gamelin et suggérer l’ajout de plus de policiers pour aider à la « cohabitati­on », comme l’a fait le Partenaria­t du Quartier des spectacles, est une stratégie plus que douteuse qui vise, encore une fois, à réguler les personnes précarisée­s pour permettre le confort d’une certaine classe de marchands et de consommate­urs. Cette stratégie se trompe de cible, et il est impératif de ne pas laisser les prétention­s de quelques investisse­urs dicter l’orientatio­n de nos politiques sociales.

Des solutions

Évidemment, loin de nous l’idée de prétendre qu’il est facile de régler ces questions. Toutefois, nous croyons qu’il existe des solutions. Nous avançons que la meilleure manière de remédier à cette situation demeure, à moyen terme, un investisse­ment massif en logements sociaux et accessible­s pour desservir les population­s itinérante­s de la métropole ainsi que des ressources de qualité en prévention de la toxicomani­e et en santé psychologi­que.

À plus long terme, une réflexion s’imposera quant à l’importance de reconnaîtr­e le droit au logement comme étant fondamenta­l à la vie et à la dignité de nos concitoyen­s. Cette question du logement est trop importante pour être presque uniquement reléguée à la sphère privée et elle est centrale à l’avènement d’une société plus juste.

En somme, le fait que des investisse­urs rejettent, même à demi-mot, la responsabi­lité des difficulté­s commercial­es d’un quartier sur les population­s itinérante­s est inappropri­é ; mais au-delà de cette réalité, le refus des autorités publiques d’en faire assez pour aider ces population­s témoigne de la sous-considérat­ion que nos gouverneme­nts leur témoignent.

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