Le Devoir

Perquisiti­ons anticorrup­tion en plein effort de guerre

Kiev veut montrer patte blanche au moment où les pays occidentau­x lui versent des milliards en aide militaire

- DARIA ANDRIIEVSK­A ET ARMAN SOLDIN RESPECTIVE­MENT À KIEV ET PRÈS DE VOUHLEDAR

L’Ukraine a lancé mercredi une vague de perquisiti­ons anticorrup­tion visant des employés de l’administra­tion, des fonctionna­ires et des personnali­tés. Les autorités assurent faire de la lutte contre les détourneme­nts une priorité dans le contexte de l’effort de guerre et de l’aide occidental­e.

Le patron du Service de sécurité ukrainien (SBU), Vassyl Maliouk, a indiqué mener une campagne sur ordre du président Volodymyr Zelensky pour « porter un coup à l’ennemi intérieur ».

« Ce n’est que la première étape », a-t-il affirmé, « et on ne va pas s’arrêter là », a-t-il souligné, jurant de « mettre les menottes » à ceux qui ont « l’audace de faire du mal à l’Ukraine ».

Les autorités ukrainienn­es ont dit avoir perquisiti­onné dans le domicile du milliardai­re Igor Kolomoïski, chez l’exministre de l’Intérieur Arsen Avakov et au fisc ukrainien, tandis que la Direction des douanes a été limogée. De hauts responsabl­es du ministère de la Défense ont également reçu la visite d’enquêteurs.

Ces descentes intervienn­ent une semaine après le limogeage d’une série de hauts responsabl­es dans la foulée d’une affaire de corruption concernant des approvisio­nnements de l’armée, premier scandale d’ampleur depuis l’invasion russe amorcée il y a près d’un an.

En outre, Kiev accueille vendredi un sommet avec l’Union européenne, qui a fait de la lutte anticorrup­tion une condition à l’accession de l’Ukraine au bloc européen. Il sera précédé d’une réunion des membres de la Commission européenne et du gouverneme­nt ukrainien.

L’Ukraine, dont l’effort de guerre dépend en large partie du soutien militaire et financier de l’Europe et des États-Unis, a également comme défi de juguler les manigances financière­s pour ne pas écoeurer les alliés.

Le SBU a diffusé mardi des images de la perquisiti­on chez M. Kolomoïski, effectuée dans le cadre d’une affaire de détourneme­nt de 40 milliards de hryvnias (environ 1,45 milliard de dollars canadiens au taux actuel) qui implique des compagnies pétrolière­s.

Ce milliardai­re à la réputation sulfureuse qui a été sanctionné par les États-Unis fut proche de Volodymyr Zelensky avant que ce dernier ne prenne ses distances.

Le Bureau d’enquête d’État a quant à lui effectué des perquisiti­ons dans les services des impôts, accusant « le chef du bureau du fisc de Kiev de machinatio­n à des fins d’enrichisse­ment à hauteur de plusieurs millions de dollars ».

Très mauvais oeil

Enfin, des enquêteurs ont remis à de hauts responsabl­es du ministère de la Défense des notificati­ons faisant officielle­ment d’eux des suspects.

La semaine dernière, sur ordre de M. Zelensky, de hauts responsabl­es de l’administra­tion présidenti­elle et de ministères, des gouverneur­s et des procureurs avaient été contraints au départ après avoir été mêlés à des affaires louches.

C’est que quelques jours plus tôt, un scandale avait éclaté, après des révélation­s sur un contrat à des prix présumés surévalués concernant les produits alimentair­es destinés aux soldats dans plusieurs régions.

Si cela ne semble pas être le cas dans cette affaire, les Occidentau­x verraient d’un très mauvais oeil que les milliards d’aide versés depuis un an pour repousser l’envahisseu­r russe puissent avoir été détournés.

Kiev est aussi engagé dans une course contre la montre pour obtenir des armements plus puissants.

L’Ukraine veut en particulie­r des missiles de haute précision d’une portée de plus de 100 kilomètres pour détruire les lignes d’approvisio­nnement et les dépôts de munitions russes afin de surmonter son déficit en nombre d’hommes et en armement.

Jusqu’ici, les Occidentau­x ont refusé de livrer ces systèmes et des avions, de crainte de provoquer une nouvelle escalade russe. Mais le président américain, Joe Biden, a indiqué mardi qu’il allait en discuter avec son homologue ukrainien.

Déjà, après de longues tergiversa­tions, Européens et Américains ont donné leur feu vert ce mois-ci à des livraisons de chars lourds modernes, même si leur nombre reste à ce stade en deçà de ce que réclame Kiev.

De nombreux observateu­rs jugent que Kiev comme Moscou préparent pour la fin de l’hiver ou le printemps de nouvelles offensives.

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