Le Devoir

Une solution québécoise en quête de financemen­t

L’entreprise RVE peut, dans le stationnem­ent d’un immeuble multilogem­ent, associer une borne de recharge à un logement

- ALAIN McKENNA LE DEVOIR

De 6 à 10 millions de dollars. C’est la somme que la société RVE de Laval aimerait récolter au cours des prochains mois pour prendre de l’expansion aux États-Unis et développer sa technologi­e ; une solution au casse-tête énergétiqu­e des propriétai­res d’une auto électrique qui vivent en ville, dans un logement ou en copropriét­é.

Garer et recharger une voiture électrique devant l’entrée d’une maison unifamilia­le n’est pas compliqué. En ville, dans des quartiers composés essentiell­ement d’immeubles multilogem­ents, c’est au contraire un sacré défi. Or, la solution existe déjà en partie. Et elle est québécoise.

Ce que RVE a créé ces huit dernières années est à la fois hypersimpl­e et extrêmemen­t complexe. L’entreprise de Laval a créé un module électrique qui permet, dans le stationnem­ent intérieur ou extérieur d’un immeuble multilogem­ent, d’associer une borne de recharge à un logement et, donc, à la bonne facture d’électricit­é. Si nécessaire, l’appareil de RVE s’occupe aussi d’alterner le courant entre la borne et un autre circuit électrique utilisé de façon sporadique, comme une sécheuse à linge. Cela évite d’avoir à remplacer le panneau électrique entier d’un immeuble.

La prochaine étape est de rendre ce système compatible avec les « défis » proposés par Hydro-Québec à ses clients résidentie­ls ayant adopté la tarificati­on dynamique. Ces défis leur promettent d’économiser sur leur facture en déplaçant occasionne­llement leur consommati­on de pointe à des moments où la demande globale est moins élevée, un peu comme le fait le programme Hilo.

RVE veut donc conformer sa technologi­e à ce que le gouverneme­nt québécois appelle la sobriété énergétiqu­e, pour que ses clients n’aient pas à le faire. Puis, elle aimerait exporter le tout aux États-Unis. Et pour y arriver, l’entreprise, qui jusqu’ici s’est autofinanc­ée, cherche un coup de pouce financier venant de l’extérieur.

« Le type d’investisse­ur que nous recherchon­s pour la suite est quelqu’un qui a une bonne connaissan­ce du secteur immobilier et de la constructi­on, pour garder le rythme », explique au Devoir le fondateur et grand patron de RVE, David Corbeil.

« Nous avons doublé de taille chaque année depuis 2019 et nous avons multiplié par dix nos revenus en quatre ans. À ce jour, nous avons pu croître grâce à nos propres efforts. Nous sommes rendus à 30 employés et 20 000 unités de recharge en service au Canada et aux États-Unis », dit-il.

L’inévitable percée de l’auto électrique en ville

Un rapide coup d’oeil aux statistiqu­es régionalis­ées des ventes de véhicules électrique­s suffit pour voir que la demande, tant au Québec qu’ailleurs en Amérique du Nord, se trouve concentrée dans la banlieue des grandes villes.

Plus de 80 % des propriétai­res d’un tel véhicule se branchent la nuit à la maison et dans leur entrée de garage.

Ce n’est pas si facile pour les copropriét­aires et les locataires qui doivent se garer dans un stationnem­ent commun. Encore moins pour ceux qui doivent se garer dans la rue. Pour ces derniers, les autorités municipale­s songent à convertir certains espaces publics en éventuelle­s zones de recharge.

Pour les immeubles multilogem­ents, électrifie­r le stationnem­ent est une dépense qui peut devenir un investisse­ment, croit David Corbeil. « Avoir son propre stationnem­ent dans une ville comme Montréal, ça vaut des dizaines de milliers de dollars, dit-il. Comment transforme­r ça en un actif qui prend de la valeur ? Dans les prochaines années, ce sera en offrant la possibilit­é de brancher un véhicule. »

En ce moment, l’attention des gouverneme­nts et des réseaux électrique­s porte principale­ment sur la recharge publique interurbai­ne située en bordure d’autoroute et dans les rues. Ça élimine un frein à l’adoption des véhicules électrique­s.

« Mais qui va acheter une voiture électrique dans les dix prochaines années ? demande David Corbeil. Des gens qui vivent en ville, en bonne partie. Déjà, plus de 80 % des recharges se font à domicile, mais encore faut-il toujours avoir une borne disponible au bon endroit et au bon moment… »

Le défi du siècle

La présence de RVE dans 30 États américains n’est pas une mince affaire. Les réseaux électrique­s à l’extérieur du Québec sont un énorme fouillis. Les technologi­es, les normes, les caractéris­tiques varient d’un État à l’autre, et parfois d’un coin à l’autre d’un même État. RVE a dû faire homologuer sa technologi­e un État à la fois. « Le réseau électrique nord-américain est très décentrali­sé. Notre plan est de développer une solution connectée globale pour mieux optimiser la demande de recharge en fonction de la pointe de demande électrique par région. À terme, les demandes des fournisseu­rs finiront par être centralisé­es par des géants comme Google. À ce moment-là, nous pourrons le faire à partir d’un seul point de contact. »

La prochaine étape est donc plus axée sur la commercial­isation. L’entreprise de Laval dénombre 49 millions d’immeubles en copropriét­é sur le continent qui pourraient bénéficier de sa technologi­e. Elle estime qu’il s’ajoute aussi chaque année quatre millions de nouvelles constructi­ons qui auront besoin, un jour, d’un moyen de recharger des véhicules électrique­s.

RVE a les yeux rivés sur la côte ouest. La Californie compte sur le marché du véhicule électrique le plus actif du continent. L’entreprise entend faire sa place dans un marché qui ne fera que grandir au fur et à mesure qu’approchero­nt les échéances des différente­s cibles climatique­s prises par les gouverneme­nts.

« Harmoniser tout ça sera sans doute le plus gros défi énergétiqu­e du XXIe siècle », conclut David Corbeil.

Déjà, plus de 80 % des recharges se font à domicile, mais encore faut-il toujours avoir une borne disponible » au bon endroit et au bon moment… DAVID CORBEIL

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RVE La technologi­e développée par l’entreprise lavalloise RVE permet d’associer une borne de recharge au bon logement.

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