Le Devoir

Paramirabo défriche l’opéra non narratif

Keiko Devaux traque la mémoire infinie du son

- CHRISTOPHE HUSS LE DEVOIR

Tout est parti de la volonté de collaborer avec Keiko Devaux sur un projet, parce que sa musique instrument­ale est très lyrique, alors que son catalogue ne compte aucune oeuvre pour la voix

JEFFREY STONEHOUSE

Vendredi et samedi, à la Fonderie Darling, l’ensemble Paramirabo créera L’écoute du perdu, un opéra de chambre de la compositri­ce Keiko Devaux, coproduit avec Musique 3 femmes et codiffusé avec Le Vivier.

« Tout part du concept que le son ne meurt jamais. C’était une idée de l’inventeur italien Guglielmo Marconi », résume Jeffrey Stonehouse, directeur artistique de Paramirabo et du Vivier, qui a commandé cette oeuvre à Keiko Devaux, lauréate 2022 du prix Juno et compositri­ce de l’année aux prix Opus.

« Tout est parti de la volonté de collaborer avec Keiko Devaux sur un projet, parce que sa musique instrument­ale est très lyrique, alors que son catalogue ne compte aucune oeuvre pour la voix. Ce lyrisme rencontre un “bruitisme”. Keiko a une fascinatio­n pour les sons, les distorsion­s, les sons qui ondulent et grincent un peu, mais toujours en parallèle avec ce lyrisme », confie Jeffrey Stonehouse. « Elle s’intéresse aussi beaucoup à la mémoire, à la manière dont nous nous rappelons des sons et au rôle des sons dans notre vie. »

Sur ces thèmes, Stonehouse et Devaux ont sollicité trois auteurs : Kaie Kellough, Daniel Canty et Michaël Trahan. « Ils ont écrit des textes en français et en anglais sur le sujet de la musique et de la mémoire, d’où le titre, L’écoute du perdu. Keiko a ensuite travaillé avec ces textes et les a modifiés. »

Les textes sont ainsi un point de départ pour inspirer une oeuvre présentée comme « non narrative, expériment­ale et bilingue ». Comment fait-on un opéra qui ne raconte rien ? « Ne raconte rien ou raconte tout ! » s’amuse Jeffrey Stonehouse. « Comme il n’y a pas l’obligation de rentrer dans une histoire basée sur les personnage­s, on peut parler d’une expérience dans un temps quelque peu suspendu, une période de réflexion, car la musique de Keiko est méditative ; elle berce. »

Âmes soeurs

Au fil de cinq sections ou tableaux, trois chanteurs-acteurs (Sarah Albu, Frédéricka Petit-Homme et Raphaël Laden-Guindon) interagiro­nt « comme un choeur avec des harmonies très rapprochée­s, incarnant un personnage qui n’est pas un personnage », dans le résumé qu’en fait le commandita­ire, puisque l’idée du son qui ne meurt jamais étant l’idée maîtresse, il n’y a pas vraiment de personnage­s, mais des récits autour de ce thème et de celui du son et de la mémoire.

La mise en scène de cette immersion d’un peu moins d’une heure a été confiée à Marie Brassard. Elle a pu travailler sur un solide matériau préexistan­t, car les retards du projet causés par la pandémie ont permis d’organiser, en janvier 2022, une importante « résidence en recherche et création » soutenue par le Conseil des arts et des lettres du Québec. Tout y a été travaillé en atelier, et même enregistré.

En douze ans d’existence, il s’agit du cinquième opéra de chambre produit par Paramirabo, mais aussi d’une cinquième collaborat­ion, tous genres confondus, avec Musique 3 femmes. « Une chimie s’est créée entre les deux organismes par rapport à l’appréhensi­on de nouvelles oeuvres », se réjouit Jeffrey Stonehouse. C’est d’ailleurs la directrice artistique de Musique 3 femmes, Jennifer Szeto, qui dirigera la création de L’écoute du perdu.

L’écoute du perdu

Opéra de chambre de Keiko Devaux. Textes de Kaie Kellough, Daniel Canty et Michaël Trahan. Avec Sarah Albu, Frédéricka Petit-Homme et Raphaël Laden-Guindon.

Production : Paramirabo et Musique 3 femmes.

Mise en scène : Marie Brassard. Vidéo : Karl Lemieux. Lumières : Lucie Bazzo. À la Fonderie Darling, le vendredi 3 février à 19 h 30 et le samedi 4 février à 15 h et à 19 h 30.

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STÉPHANIE SEDLBAUER La pianiste Jennifer Szeto (à gauche) et Frédéricka Petit-Homme, en répétition de l’opéra L’écoute du perdu

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